Parti nouveau, problèmes nouveaux - Charles Roth (avril 1936)
Submitted by Anonyme (non vérifié)Charles Roth, avril 1936
La composition du Parti se modifie
Au 7 mars 1936, l'administration du Parti avait délivré 92.541 cartes ; l'année dernière, fin mars, nous en avions délivré 61.730. En 1934, fin mars, 43.208.
Voilà trois chiffres qui expriment les modifications qui s'opèrent dans la composition numérique du Parti. Ainsi, par rapport à la même époque de l'année dernière, le Parti a augmenté ses effectifs d'un tiers ; par rapport à 1934, il les a plus que doublés.
Demain, la majorité des membres du Parti seront de nouveaux membres, et qui ne tiendrait pas compte de ce fait ne pourrait trouver les moyens les meilleurs pour faire de notre Parti l'organisation qui travaille d'une façon unanime pour la cause des travailleurs. Mais là n'est qu'un aspect de la question, d'autres modifications sont survenues aussi dans le nombre des organisations du Parti et dans leurs rapports entre elles.
Les premiers questionnaires d'organisation que nous retournent les camarades secrétaires des régions permettent d'éclairer ce point. En octobre 1935, la région de l'Allier comptait 57 cellules locales, 13 d'entreprises et 5 rayons ; fin février, elle a 66 cellules locales, 15 d'entreprises et 6 rayons.
La région des Pyrénées avait, en octobre 1935, 34 cellules locales, 2 d'entreprises et 4 rayons ; fin février 1936, elle a 45 cellules locales, 2 d'entreprises et les 4 rayons doivent être décentralisés pour en faire 6. La région du Centre, en octobre 1935, était composée de 82 cellules locales, 6 d'entreprises et de 7 rayons ; elle est formée aujourd'hui de 91 cellules locales, 4 cellules d'entreprises et de 9 rayons. Celle du Maine-et-Loire était constituée au mois d'octobre 1935 par 5 cellules locales, 2 d'entreprises et d'un rayon ; aujourd'hui elle a 12 cellules locales et 7 d'entreprises et 2 rayons.
La région du Nord comptait 326 cellules en tout en octobre 1935 ; elle en compte aujourd'hui 335 le nombre des rayons passe de 36 à 37.
Celle du Cantal passe de 5 à 16 cellules locales, de 2 à 1 cellule d'entreprise et a maintenant un rayon qui fonctionne d'une façon indépendante de la direction régionale.
Dans l'Aisne et la Marne, de 39 cellules locales on passe à 53 et de 1 cellule d'entreprise on passe à 4 ; le nombre des rayons passe de 5 à 9. La région bordelaise voit le nombre de ses cellules locales monter de 134 à 147, celui des cellules d'entreprises reste le même avec 7 et les rayons passent de 17 à 20.
Lorsque toutes les régions auront répondu au questionnaire récemment envoyé, nous constaterons certainement que le nombre de 5.000 organisations de base du Parti est sur le point d'être atteint. Ainsi le Parti se modifie quant à sa composition, et des problèmes d'organisation nouveaux surgissent devant nous.
Qui vient au Parti ?
Le congrès du Parti a créé un grand enthousiasme dans la classe ouvrière et dans une certaine mesure chez ceux des classes moyennes qui cherchent une solution aux questions angoissantes qui les assaillent de tous côtés.
Le Congrès précisant, élargissant les grandes idées que nous avions déjà lancées, a créé un esprit de confiance dans la possibilité d'apporter une fin aux inquiétudes qui emprisonnent la vie de millions d'être humains.
Nous avons expliqué tout cela dans les assemblées de comptes rendus du congrès et dans les premières réunions de la campagne électorale, et ceux qui avaient été jusqu'à présent les amis du Parti ont fait le geste décisif, ils sont venus avec nous.
Ainsi des milliers d'hommes et un certain nombre de femmes sont entrés dans la lutte consciente pour la réalisation du programme du Parti.
Certes, certains luttaient déjà avec nous depuis des années, c'est le cas particulier de nombreux camarades de l'ancienne C.G.T.U. D'autres viennent avec nous après être passés par bien des épreuves, après avoir perdu bien des illusions, avoir connu bien des déceptions. Certains viennent par sentiment ; d'autres parce que leur raison leur dicte qu'on ne peut plus rester en dehors du combat social qui revêt une forme de plus en plus aiguë.
Un grand nombre d'entre eux sont des ouvriers et la campagne vient, elle aussi, de donner quelques uns des siens au Parti des travailleurs. Les uns viennent, connaissant déjà le Parti depuis de nombreuses années : ce sont de vieux lecteurs de l' Humanité ; ils savent quels sont les buts, quels sont les principes de notre Parti. D'autres sont des lutteurs de fraîche date, et non moins sincères pour cela, ils viennent au Parti avec leur idée à eux, ils savent que le Parti communiste c'est le Parti de la libération, fidèle à ses principes, mais ils ne soupçonnent pas tous les détails de la grande arme à émanciper les travailleurs, ils ne savent pas quels en sont les rouages et le fonctionnement ; pour eux il est peut-être encore nécessaire de recevoir quelques explications sur les raisons de notre tactique particulière par rapport à celle de tous les autres Partis ; chez eux la spontanéité, l'immédiat, peut encore primer sur la compréhension de la tactique qui tourne autour de l'obstacle pour mieux atteindre le but : l'Union de la nation française contre les deux cents familles. Par exemple, il est possible que, sous l'impression de sentiments, que nous comprenons, vis-à-vis de certaines personnalités politiques, on se laisse entraîner dans des combinaisons électorales qui amènent, en définitive, la victoire de la réaction avouée et la rupture avec ceux qu'il faut gagner à la lutte réelle pour une France libre et heureuse. Le Parti s'édifiant dans la vie, ceux qui viennent à lui reflètent, dans une certaine mesure, les sentiments des travailleurs et des couches sociales dans lesquelles ils évoluent.
Forger plus que jamais le Parti dans l'esprit de Marx, Engels, Lénine, Staline !
Voilà donc établies quelques données du problème à résoudre. Nous avons un Parti qui a augmenté ses effectifs d'un tiers en un an de temps, qui les a doublés depuis deux ans.
Il sera composé bientôt d'une majorité de jeunes adhérents venus à nous dans la lutte mais venant au Parti d'horizons différents. Or, le Parti « doit être l'avant-garde de la classe ouvrière. Il doit en grouper les meilleurs éléments, incarner leur expérience, leur esprit révolutionnaire, leur dévouement illimité à la cause du prolétariat. Mais, pour remplir son rôle, il doit être armé de la théorie révolutionnaire, connaître les lois du mouvement, les lois de la révolution. Sinon, il n'est pas en état d'entraîner le prolétariat à sa suite et de diriger sa lutte.
Il ne peut être un parti véritable s'il se borne à enregistrer ce que sent et pense la masse ouvrière et à suivre le mouvement spontané, routinier et indifférent à la politique ; s'il ne sait pas s'élever au- dessus des intérêts passagers du prolétariat et inculquer à la masse la conscience de classe ». (Staline: « L e Léninisme théorique et pratique ».)
L'adhésion au Parti c'est un acte important dans la vie de ceux qui l'accomplissent, mais, le geste fait, il faut que chacun contribue à faire de. Chaque organisation du Parti, de chaque nouvelle cellule, une organisation capable d'être dans son rayon d'action déterminé l'avant-garde consciente, connaissant la théorie révolutionnaire et les lois du mouvement dont parle le camarade Staline dans la brochure que tous les jeunes membres du Parti devront lire et relire ; le Parti qui voit plus loin que la grande masse des travailleurs dans le chaos apparent des événements.
Il appartient donc aujourd'hui à tous les comités, depuis les comités de rayon jusqu'aux comités régionaux, d'aider le nouveau membre du Parti à s'assimiler les principes qui sont à la base du Parti communiste.
Il faut dire, d'ailleurs, que nous avons une occasion excellente de discuter des principes.
Notre Parti a proposé le 29 mai 1935, à la Commission d'unification, un texte de charte d'unité de la classe ouvrière de France ; il n'est pas rare maintenant de constater que cellules communistes et sections socialistes se réunissent pour en discuter et nous aimerions, quant à nous, que de tels cas se généralisent.
Est-ce que nos organisations perdraient leur temps, pour préparer de telles assemblées, d'examiner sérieusement les questions soulevées dans la charte ?
N'est-ce pas le moyen de permettre à beaucoup de nouveaux camarades de mieux savoir quels sont, à notre point de vue, vérifié par l'expérience, les principes qui doivent être à la base du Parti qui doit mener et diriger la lutte pour détruire le système capitaliste générateur de misère et de guerre ?
Comment aider nos nouveaux camarades à connaître le Parti ?
« Notre Parti qui veut faire l'humanité plus belle, assurer le bonheur de la famille ouvrière, doit être la maison familière que l'on aime habiter », a dit le camarade Gitton dans son rapport au congrès de Villeurbanne. Il avait précisé auparavant :
« Le Parti doit être la grande famille où règne la plus parfaite amitié, l'adhérent est un homme précieux qui mérite notre attention, notre prévenance. Il faut s'occuper de lui, s'inquiéter de sa situation, de sa santé, s'intéresser à sa famille, lui permettre d'être à la fois l'homme du Parti et du foyer familial. La femme, les enfants du communiste ne sont pas pour nous des étrangers. »
« Le secrétaire de cellule, de rayon ou de région qui ne veille pas à ces dispositions n'est pas un bon dirigeant communiste. » Nous ne pensons pas qu'il est superflu de rappeler ces remarques qui ont recueilli l'approbation enthousiaste du congrès du Parti, c'est le premier pas à faire pour permettre à nos milliers de nouveaux camarades de se sentir chez eux dans la maison dans laquelle ils trouveront leurs compagnons de lutte.
Nous, les communistes, nous sommes appelés à traverser des moments difficiles, il faudra faire de grands efforts, une grande tension de toutes les forces de chacun sera et est déjà nécessaire : combien la véritable camaraderie nous aidera à subir les épreuves de la lutte !
Mais cela c'est une chose qui va de soi ; le camarade qui est venu au Parti y est venu car il sait que les communistes sont de bons camarades, mais il veut aussi savoir quels sont les rouages du Parti. Cellules, rayons, régions, voilà des mots qu'il comprend, mais il veut savoir quels sont les rapports entre ces différents organismes : il faut le lui expliquer.
Il veut savoir quels sont ses droits et qu'on lui précise ses devoirs ; il veut savoir comment s'exprime la démocratie dans le Parti : il faut satisfaire ce besoin louable de mieux connaître l'organisation à laquelle il adhère.
Il veut savoir où l'on en est, quel est le but immédiat à atteindre, i1 est comme l'ouvrier qui commence sa journée chez un nouveau patron : il veut savoir quel va être son travail.
La lecture des rapports présentés au congrès du Parti lui donnera une vue claire de ce qu'a fait le Parti en général, de ce que nous voulons faire, de la façon de s'y prendre pour réaliser nos tâches ; mais il faudra lui dire ce que fait la cellule, en particulier, ce qu'elle veut faire, où elle dirige ses efforts.
Les rayons organiseront des assemblées fraternelles pour la réception des nouveaux membres du Parti, ce sera à l'occasion d'un bal, d'une fête, d'une séance de cinéma, on y invitera les membre, de la famille de notre camarade.
Nouvelles responsabilités des directions du Parti
A plusieurs reprises, dans le Parti, on a insisté sur la nécessité d'avoir une bonne administration.
Voilà qui est vrai plus que jamais. C'est certain que plus le Parti voit se multiplier ses organisations de base, plus les responsabilités des directions grandissent. Il est non moins vrai que plus le Parti se renforce, mieux il doit pouvoir trouver dans ses rangs les hommes capables d'aider les plus chargés.
Transfert des directives, des conseils, répartition des tracts, des affiches, des imprimés, paiement régulier des cotisations, transmission des fonds à l'organisme supérieur, réponses aux questionnaires qui permettent de savoir où l'on en est ; affectation rapide des nouveaux adhérents : tous ces problèmes doivent être abordés avec beaucoup de sérieux si nous voulons aller plus loin. Est-ce possible ? Nous avons à côté de nous les organisations syndicales qui groupent un bon million de membres ; dans beaucoup de cas, d'ailleurs, les communistes sont les dirigeants de ces organisations ; les travailleurs administrent les affaires de leurs patrons, de services publics importants.
Il y a donc dans la classe ouvrière tout ce qui est nécessaire en esprit d'organisation ; il y a, nous en sommes persuadés, dans le Parti, les hommes compétents pour l'administrer, à condition que, de la cellule aux différents comités, on sache les trouver pour les placer au poste qui leur convient.
Nous avons dit : le Parti s'édifie dans l'action, dans la vie, mais il doit lui-même être quelque chose de vivant.
Les modifications dans la composition du Parti, dans le nombre des organisations de base, dans les effectifs de celles-ci, nous imposent des problèmes nouveaux.
Là il faut tenir compte que nous avons de jeunes adhérents ; là il faut tenir compte que la direction du rayon ne peut plus diriger d'une façon convenable, il faut faire deux rayons après étude sérieuse de la situation géographique, économique et politique du rayon ; là, la cellule à la suite d'adhésions, est devenue un parlement où l'on discute un peu trop, mais où on n'agit plus : il faut faire deux cellules en veillant à ce que le parrainage entre les anciens et les nouveaux s'établisse ; là nous avons un rayon, voire même une région composée en majorité de nouvelles organisations de base : il faut veiller à garder un contact étroit avec elles, établir des directives simples et très explicatives, faire des assemblées de secrétaires de cellules et des assemblées d'information pour les membres du Parti. En général attirer de nouveaux camarades au travail de direction, faire que tout le monde fasse quelque chose, briser avec la tendance à tout faire par soi-même qui conduit au détachement du Parti de ceux qui y sont venus pour lutter.
Au cours de l'année 1935, le Parti a montré qu'il était capable de ne faire qu'un tout avec ceux qui étaient venus à lui à des époques différentes.
En 1936, l'année au cours de laquelle nous dépasserons les 100.000 membres, nous saurons montrer que nous sommes capables de faire du Parti l'organisation de combat des travailleurs qui correspond aux succès remportés d'autre part.