12 mai 2013

Le Parti Communiste français - 6e partie : La guerre et l’Occupation

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1. L'effondrament de l'organisation

Le Front Populaire est ainsi liquidé dès le début de 1938 par les socialistes eux-mêmes, qui recherchent une autre majorité, ou selon les mots de leur dirigeant Léon Blum, un « rassemblement national autour du Front populaire ». Le comité d’organisation du 14 juillet 1935 (initiant le Front Populaire) agit de manière totalement indépendante de la base et le Parti Communiste est mis hors jeu. Après une série de crises ministérielles, avec trois gouvernements en moins d’un mois, c’en est fini.

La ligne de Thorez, fondée sur le principe « Tout pour le front populaire, tout par le front populaire », à l’opposé exact des communistes qui en Chine avaient su préserver leur indépendance sur tous les plans, est un échec d’autant plus grave que les velléités fascistes reprennent. La « cagoule », organisation clandestine pratiquant des attentats, est soutenue par les services secrets italiens et allemands. On considère qu’en faisaient alors partie 1200 officiers et au moins deux maréchaux. 

« Plutôt Hitler que le Front populaire », tel était le slogan d’une large partie de la droite et une culture de plus en plus dominante dans l’appareil d’État, jusqu’à la signature en septembre 1938 des « accords de Munich » qui permettent à l’Allemagne nazie de dépecer la Tchécoslovaquie. Alors que le Parti Communiste dénonce ces accords, 132 journaux publient un appel pour qu’il soit interdit.

C’est une double catastrophe pour la SFIC. Elle pensait influer sur la conduite de l’État français, ce qui s’est avéré impossible. Qui plus est, elle redevient un « parti d’opposition », dans un contexte où les événements ont l’air inexorables et donnent aux positions communistes la même valeur que les prédictions de Cassandre. Sont ainsi symptomatiques les positions de Gabriel Péri à la Chambre des députés, où il tente d’« éduquer » le gouvernement.

Au moment de la politique de « non intervention » en Espagne il arguait déjà qu’« un gouvernement français ne peut se désintéresser de cette affaire », et le 4 octobre 1938 le message est le même : « Ne baptisez pas cela du nom de paix ! La paix n’a rien à voir avec ce triomphe de l’égoïsme de classe. La paix il faut la regagner. La regagner cela ne veut pas dire forcément se lancer dans cette politique de surarmement dont votre capitulation récente vient de démontrer l’absurdité et dont il serait criminel de faire supporter le poids à la classe ouvrière. 

La paix, cela veut dire faire oublier la page sombre que vous venez d’écrire, arrêter le glissement, desserrer l’étreinte sur l’Europe centrale et sur les Pyrénées, rendre aux peuples qui l’ont perdue la confiance dans la signature de la France ! C’est à cet effort, quant à nous, que nous allons nous consacrer. Ce n’est pas la première fois que dans son histoire notre peuple aura corrigé des défaillances des gouvernements. Vous avez signé la défaite sur le corps mutilé d’un peuple libre. C’est contre vous que nous gagnerons la bataille de la paix ! »

La SFIC est seule à voter contre la confiance au gouvernement, mais ne gagnera pas la bataille de la paix. La SFIC n’a en fait à aucun moment pris en compte les principes qu’elle était censée défendre sur le caractère inévitable de la crise du capitalisme.

Elle tente de répondre aux attaques sociales de Daladier par des revendications ouvrières et une grève de 24 heures le 30 novembre, mais le gouvernement répond avec la réquisition des employés et ouvriers des services publics, notamment des cheminots, des agents du métro et des chauffeurs de bus.

Dans la région parisienne, les troupes patrouillent avec la baïonnette au canon et trente cartouches par soldat. Si dans le Nord la grève est suivie à une majorité écrasante par les dockers, les métallos, les mineurs et les ouvriers du textile, le gouvernement fait fermer les usines de la défense nationale et les grandes entreprises pratiquent le lock-out. Sont ainsi concernées par le blocage patronal 40 000 travailleurs dans l’aviation, 32 000 chez Renault, 100 000 à Marseille où une centaine d’entreprises sont fermées, 100 000 dans le textile, 80 000 métallos et mineurs dans le Nord et le Pas-de-Calais.

A cet échec patent, la SFIC ne répond qu’en s’enfonçant dans sa quête de légitimité ; à sa conférence nationale de Gennevilliers qui se déroule le 21 janvier 1939, la déclaration affirme « Les communistes, conscients de la nécessité d’assurer l’indépendance de la France, sont prêts à soutenir une politique gouvernementale qui, en aidant effectivement l’Espagne, assurerait la sécurité de nos frontières... La nation française défend et défendra la civilisation... Tous les Français honnêtes peuvent s’unir autour d’un programme de redressement national dont les principes sont contenus dans le programme du Front populaire, adopté par le suffrage universel en 1936. »

Ainsi en 1939 la SFIC en appelle encore à la légitimité du suffrage universel des élections de 1936. Et la Conférence adopte même un plan de célébration du 150ème anniversaire de la Révolution française. Toutes les conditions sont donc prêtes, objectivement et subjectivement, pour l’effondrement.

Le déclencheur va être la question de l’Union soviétique. La SFIC s’imaginait pouvoir faire en sorte que l’État français puisse développer des accords militaires avec l’URSS face à la menace fasciste, c’était une conception intégrée à la victoire comprise comme quasi mécanique.

Non seulement cette conception amenait des illusions sur la politique en France, mais ces illusions jouaient dans la compréhension des problèmes internationaux, puisque la SFIC passe totalement à côté du fait que l’URSS va devoir tactiquement chercher une autre alliance afin de ne pas avoir à affronter seule l’intégralité des pays capitalistes. Une attitude tactique tout à fait logique qui n’étonne pas dans l’Internationale Communiste, Mao Zedong défendant même dans un long entretien de 1939, expliquant que cela divisait les impérialistes et renforçait les anti-impérialistes.

Mais le PCF se retrouve lui tout à fait encerclé idéologiquement, puisqu’il a placé le patriotisme au coeur de son idéologie. Dès le 25 août 1939 le gouvernement interdit l’Humanité (qui tirait à 500 000 exemplaires) et Ce soir (250 000 exemplaires), il y a presque 200 perquisitions et une quarantaine d’arrestations, notamment d’un député communiste arrêté et condamné à trois mois de prison pour avoir signé un tract expliquant positivement le pacte.

La seule ligne de la SFIC est d’en appeler au respect de la constitution et de faire en sorte que les députés tentent d’aller au parlement, d’où ils sont expulsés par la police, ou bien d’entamer des négociations avec le gouvernement lui-même.

Une vision légaliste et naïve au moment où logiquement le Parti Communiste lui-même est interdit le 26 septembre 1939.

159 feuilles sont interdites, 620 syndicats sont dissous, sont exclus de la CGT tous ceux refusant de critiquer le pacte, 11 000 perquisitions ont lieu, 675 organismes générés par le PCF sont interdits, 317 municipalités dissoutes, 2800 élus déchus, 3400 militants sont arrêtés et 10 000 sanctions prises contre des fonctionnaires communistes.

Le décret-loi du 9 avril 1940, présenté au Président de la République par le ministre SFIO Albert Sérol (Journal Officiel du 10 avril 1940), prévoyait la peine de mort pour propagande communiste, l’assimilant à la propagande nazie.

Car la social-démocratie soutient totalement l’interdiction des communistes ; Blum n’hésite pas à affirmer : « J’ai le sentiment que la majorité de notre Parti trouvera la dissolution du PCF naturelle et légitime » et « Il se peut que pendant un certain nombre d’années, le péril hitlérien ait dissimulé à l’Europe le péril russe. » (Le Populaire, 6 décembre 1939).

A cela s’ajoute les renégats : selon certaines sources les partants représentent 10 à 44% des maires et des conseillers communaux. L’une des plus grandes figures à ce sujet est René Nicod qui fonde l’« Union Populaire Française », qui mène une grande campagne contre le PCF, ou bien Paul Nizan, partisan d’un « communisme national ». Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure avec comme amis les grandes figures intellectuelles anti-communistes Raymond Aron et Jean-Paul Sartre, il rejoint l’organisation fasciste de type national-syndicaliste le « faisceau » avant de faire une carrière importante au PCF, qu’il quitte au moment du pacte pour s’engager et mourir lors de l’offensive nazie de mai 1940. 

Une partie de ces renégats formera en 1941 le « parti ouvrier et paysan français », organisation collaborationniste regroupant autour de Marcel Gitton des « notables » du PCF, notamment des députés (16) et des élus municipaux (comme Léon Piginnier maire de Malakoff depuis 1925, Fernand Valat maire d’Alès depuis 1925...). Beaucoup seront abattus par la Résistance ou cesseront toute activité, rejoignant parfois la SFIO en 1945.

Le PCF est également totalement désorganisé par la mobilisation générale, et ses militants enrôlés sont très étroitement surveillés, comme le raconte notamment le roman à feuilletons de Louis Aragon, Les Communistes. C’est la fin d’une époque et le début d’une ère de répression : d’ici mars 1941, le régime de Vichy reconnaîtra avoir 18 000 prisonniers politiques.

2. La clandestinité

Le PCF était en fait un parti légal dont tous les membres étaient fichés et, en septembre 1940, il n’existe plus réellement de manière organisée au niveau des masses. Les appareils, lorsqu’ils existent encore, le font indépendamment les uns des autres, considérant leur activité comme une fin en soi, ce qui explique par exemple que l’Humanité, qui publie 50 numéros à près de 10 millions d’exemplaires d’octobre 1939 à l’été 1940, ait pu par pur pragmatisme tenter de négocier sa légalité avec l’occupant nazi. C’est l’Internationale Communiste qui reprend alors l’organisation en main, critiquant fermement cette initiative par ailleurs.

Elle rassemble une partie de la direction en Belgique et des responsables sont envoyés dans différentes régions : Charles Tillon à Bordeaux, Gaston Monmousseau à Marseille, Auguste Havez en Bretagne... Ce dernier est notamment connu pour s’être opposé aux négociations pour la légalisation du PCF et au mot d’ordre « Thorez au pouvoir », arguant dans un rapport interne : « Que Maurice me pardonne mais s’il doit prendre le pouvoir dans ces conditions, ce ne peut être que comme gauleiter. »

C’est un fait que, sans l’Internationale Communiste, le Parti Communiste en tant qu’organisation n’aurait pas eu les reins assez solides pour se confronter à la nouvelle situation. C’est l’Internationale Communiste qui par ses directives coordonne et réorganise l’organisation, et qui permet que de juin 1940 à juin 1941 soient diffusés 2 696 000 tracts ou bulletins et qu’à partir du printemps 1941 soit relancée la publication d’ouvrages communistes « classiques » : le Manifeste communiste, Socialisme utopique et socialisme scientifique, Travail salarié et capital, La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), l’État et la révolution.

Mais quels ont été les facteurs objectifs permettant à une base de se reconstituer ? Il y en a deux principaux. Le premier, immédiat dans le cadre de la répression et de la mobilisation, a été l’intense activité de l’Union des Jeunes Filles de France, dont l’une des grandes figures sera Danielle Casanova, qui mourra à Auschwitz en 1943, après une activité militante ininterrompue.

Ce sont les femmes communistes qui sauvent l’organisation ; composés de jeunes femmes d’entre et vingt et trente ans, les groupes servant d’agents de liaisons acquièrent en fait une place de plus en plus prépondérante dans l’action communiste. Le roman à feuilleton Les Communistes d’Aragon devait initialement s’intituler Les femmes communistes. Les femmes n’ont pas le droit de vote (celui-ci sera un acquis de la Résistance et obtenu en 1944-45) et dans la France aux moeurs traditionnels, la jeune femme se retrouve opprimée par l’ensemble de la culture dominante.

Le second facteur qui va avoir une importance capitale est la présence en France de communistes immigrés. Ayant fait l’expérience des pogromes dans les pays de l’Est ou de la répression fasciste, parfois passés par les Brigades Internationales, ces communistes ont une expérience essentielle lorsqu’il est nécessaire de pratiquer la clandestinité et la lutte armée. A la formation du Parti Communiste, on en retrouve beaucoup dans la Main d’Oeuvre Etrangère, devenue Main d’Oeuvre Immigrée (MOI), qui dépend de l’Internationale Syndicale Rouge et travaille avec la CGT.

On retrouve pareillement Georges Politzer, immigré hongrois et principale figure intellectuelle du Parti Communiste, fondateur de l’Université ouvrière et auteur du manuel Principes élémentaires de philosophie (encore connu internationalement et premier ouvrage interdit par la junte militaire turque au pouvoir en 1980). En 1940-1941 Politzer fait reparaître, avec Jacques Solomon et Jacques Decour, la Pensée devenue la Pensée libre ; ensemble ils créent également l’Université libre.

Sont publiés clandestinement de la même manière La Vie du Parti et les Cahiers du bolchévisme, ces derniers devenant en 1944 les Cahiers du communisme et sont édités chaque trimestre à 35 000 exemplaires, l’Avant-Garde comme organe de la Jeunesse Communiste, les journaux régionaux, bulletins d’entreprises ou locaux, ou encore des organes comme L’Ecole libératrice par les instituteurs, Le Médecin français, Le Palais libre, ou La Relève (fondée en 1938) par l’Union des Étudiants et Lycéens Communistes de France, avec une base importante : à l’arrestation du physicien antifasciste et futur communiste Paul Langevin par la Gestapo, le Quartier Latin est en état de siège le 8 novembre 1940 et la manifestation patriotique du 11 novembre est réprimée militairement par l’armée allemande, avec 11 morts.

Le 13 novembre les nazis ferment 6 établissements secondaires et supérieurs et, le 17, toutes les facultés de Paris, Dijon et Besançon ; ils n’ouvriront qu’en décembre.

Politzer est l’auteur en février 1941 de Sang et or, qui est une longue analyse de la démagogie fasciste et une critique du discours sur « l’Europe unie » prononcé par le théoricien nazi Rosenberg devant les hauts fonctionnaires nazis rassemblés à Paris. Dans le même esprit, Gabriel Péri rédige en avril 1941 Non, le nazisme n’est pas le socialisme.

Grâce à ces appuis essentiels, tant sur les plans subjectif qu’objectif, le Parti Communiste devient la seule organisation qui sur le territoire français ne cède en rien au pessimisme et a comme objectif annoncé la victoire. Le Parti Communiste devient alors une organisation révolutionnaire « classique », c’est-à-dire fonctionnant clandestinement et selon les principes stricts de la compartimentation.

Un appel en ce sens est publié dès juillet 1940 dans La Vie du Parti : il s’agit d’aller « vers de petits groupes pouvant, de ce fait, se soustraire plus aisément aux coups de la répression tout en nous permettant de faire au maximum notre travail de masse. » Chaque groupe fonctionne en triangle. Seule une personne fait office de liaison avec une autre structure de l’organisation.

Les différents groupes ne se connaissent pas entre eux et si une structure tombe, l’organisation peut se maintenir. Le plus souvent, les groupes ne rassemblent que trois personnes, afin d’éviter tout risque d’infiltration. Les structures sont supervisées par un responsable des opérations militaires, un responsable technique – logistique et bien entendu un commissaire politique, base de toute armée rouge. La ligne de construction des structures clandestines se fait sur la base des revendications.

Les Cahiers du Bolchévisme expliquent ainsi au premier trimestre 1941 : « Ne pas revendiquer, c’est renforcer soi-même les chaînes de l’esclavage ; revendiquer, c’est au contraire limer ces chaînes... 

N’oubliez jamais que de vos batailles partielles, aux objectifs même les plus modestes, sortiront plus forte l’organisation des masses populaires et plus grande leur foi dans notre victoire finale. » Il s’agit pour la SFIC d’« être à la fois le parti de la lutte revendicative, de l’organisation et de l’éducation de la masse ouvrière, en même temps que le parti du rassemblement des larges masses populaires contre l’exploitation capitaliste, contre l’oppression nationale. »

Une tâche qui a son importance alors que les collabos publient « La France au travail », copie fasciste de l’Humanité.

Se forment ainsi des comités populaires d’entreprises et de quartiers ; dès août 1940 l’organe de la CGT, la Vie ouvrière, est publiée clandestinement. A l’automne 1940 il existe déjà plus de cent comités d’union syndicale et d’action dans les usines métallurgiques de la région parisienne. En décembre, Renault est obligé de jeter à la ferraille plusieurs centaines de motos sabotées.

Dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, déclaré « zone interdite » et officiellement rattaché à la Belgique et les Pays-Bas, 100 000 mineurs font grève en juin 1941. Une Lettre à un travailleur socialiste est édité à 100 000 exemplaires à l’automne 1940, puis fin 1940 c’est la Lettre à un travailleur radical, on trouve de manière similaire le tract Paysan de France, où l’on peut lire à l’automne 1941: « Amis paysans, cachez vos récoltes et cachez-les bien.Vous êtes assez malins pour « rouler » tous les contrôleurs de Vichy et les brutes de la Gestapo. Abattez vos bêtes si l’on veut vous les faire livrer à l’occupant. Ne vendez qu’aux Français et pour les Français. Faites preuve de ruse, d’habileté pour échapper à toutes les perquisitions. »

Les actions de revendications sont appuyés par « l’Organisation Spéciale » (O.S.), ainsi celle du Nord par Charles « Charlie » Debarge, surnommé « l’insaisissable » par les collabos et responsable d’une trentaine de sabotages contre des voies ferrées, de deux attaques de poudrières et 18 attaques de mairie avec récupération des cartes de ravitaillement, de machines à écrire , de quatre attaques à la grenade de locaux occupés par les Allemands, de l’attaque du poste de garde du Pont Césarine à Lens (avril 1942) où il succombera à ses blessures.

La lutte armée n’est pas comprise comme étant une orientation stratégique; elle n’est qu’une forme particulière d’organisation rendue nécessaire par la situation.

L’O.S. a été formée dès l’occupation nazie pour soutenir militairement les actions; son activité consiste à trouver des armes, protéger les militants lors d’une action d’agitation ou de propagande, défendre les grèves, collecter des informations et du matériel, susciter des appuis, soutenir militairement les actions de sabotage, trouver des médecins et des infirmières... L’O.S. intervient par exemple lors des nombreuses manifestations de femmes à propos du ravitaillement, notamment en banlieue parisienne (Rueil-Malmaison, Ivry, Bagnolet...), deux actions connues étant celles de la rue de Buci le 31 mai 1942 et de la rue Daguerre le 1er août 1942. La consigne du Parti aux femmes de l’organisation était alors « d’organiser des manifestations contre le rationnement, d’envahir en masse les restaurants et épiceries de luxe et de partager les vivres. »

c) Document : l’appel du 10 juillet 1940

Extrait de l’appel du 10 juillet 1940, tiré clandestinement à 600,000 exemplaires, il n’est pas considéré par les historiens universitaires comme un appel à la Résistance. Il synthétise en tout cas la position du PCF dans la nouvelle situation, position allant clairement dans le sens du conflit ouvert avec les nouvelles institutions.

Notre pays connaît maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle suivie par des gouvernements indignes, responsables de la guerre, de la défaite, de l’occupation. Des milliers et des milliers de jeunes gens et de pères de famille sont tombés, des milliers et des milliers d’évacués chassés de leurs foyers ont connu le plus lamentable des exodes sur les routes de France, de nombreuses villes, de nombreux villages ont été détruits, des malades et des blessés souffrent dans les hôpitaux, des centaines de milliers de prisonniers se morfondent loin de leurs familles, des veuves, des vieux parents, des orphelins pleurent leurs disparus.

La France meurtrie, douloureuse, trahie par ses dirigeants subit la rançon de la défaite. Voilà où nous ont conduits les politiciens à la Daladier, à la Reynaud, qui soutenus par un parlement de valets et de corrompus, ont poussé la France à la guerre pour servir les intérêts des ploutocrates, pour supprimer les libertés publiques, pour faire régner la terreur, écraser le peuple et porter les armes contre l’URSS, pays du socialisme (envoi de matériel de guerre aux gardes blancs finlandais et constitution de l’armée Weygand en Syrie).

Les faits sont là qui montrent à quel point cette politique a fait faillite, à quel point elle a été néfaste. L’heure est venue de situer les responsabilités de tous ceux qui ont conduit la France à la catastrophe. La clique des dirigeants banqueroutiers de la politique de guerre a bénéficié de l’appui de tous les partis unis dans une même besogne de trahison et dans une même haine de la classe ouvrière et du communisme. (...)

La malédiction d’un peuple trahi monte vengeresse vers ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite. A cause de ces hommes, la moitié du territoire français subit l’occupation de l’armée allemande, aux frais de la France comme l’indique le traité d’armistice.

A cause de ces hommes le peuple de France connaît l’humiliation de cette occupation et ne se sent pas chez lui. Il voit en même temps, qu’un gouvernement de traîtres et de vendus siège à Vichy en attendant de venir à Versailles pour imiter le sinistre Thiers et mise sur des concours extérieurs pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de la Nation.

Mais rien ne pourra empêcher que les comptes soient réglés et les masses laborieuses en demandant que la France soit aux français expriment à la fois la volonté d’indépendance de tout un peuple et sa ferme résolution de se débarrasser à tout jamais de ceux qui l’ont conduit à la catastrophe. (...)

Désormais, chaque français est à même de constater que si les propositions communistes, toutes de clairvoyance et de sagesse avaient été suivies, la guerre avec ses désastres aurait été épargnée à notre pays. Mais les gouvernants qui n’ont pas voulu la paix ne se

sont pas préparés à la guerre et ont sciemment organisé la trahison. (...)

Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves et si, malgré la terreur ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l’impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir sa volonté d’être libre.

Les politiciens civils et militaires, à la solde du capitalisme, ont conduit le peuple de France à la guerre sous prétexte de défendre la liberté et, aujourd’hui, ils imposent leur dictature parce qu’ils ne veulent pas rendre de comptes, parce qu’ils veulent que les ploutocrates puissent s’enrichir de la défaite comme ils se sont enrichis de la guerre.

Cela ne doit pas être, cela ne sera pas ! La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prête à toutes les besognes. La France doit se relever, elle se relèvera. Il le faut, dans l’intérêt même de la fraternité des peuples, que, de toutes façons, nous voulons. (...)

C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c’est seulement autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, parce que l’avenir lui appartient ; c’est seulement autour de la classe ouvrière, guidée par le Parti Communiste, parti de propreté d’honneur et d’héroïsme, que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la Renaissance de la France. (...)

Sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste générateur de misère et de guerre, d’exploitation et de corruption, qui a déjà disparu sur un sixième du globe, en URSS. Sous le signe de l’unité et de l’indépendance de la nation, sous le signe de la fraternité des peuples, nous serons les artisans de la renaissance de la France.

A bas le capitalisme générateur de misère et de guerre !

Vive l’Union Soviétique de Lénine et Staline, espoir des travailleurs du monde !

Vive l’unité de la nation française !

Vive la France libre et indépendante !

Vive le Parti Communiste espoir du peuple de France !

Vive le gouvernement du peuple au service du peuple !