12 mai 2013

Le Parti Communiste français - 7e partie : La lutte armée

Submitted by Anonyme (non vérifié)

1. « S'unir, s’armer, se battre »

La Jeunesse Communiste, qui continue de publier clandestinement son organe Avant-Garde, a elle-même une structure similaire à l’OS : les Bataillons de la Jeunesse. En tant qu’organisation la JC a un rôle essentiel dans la première manifestation de masse de la porte Saint-Denis à Richelieu-Drouot, qui rassemble 10 000 personnes le 4 juillet 1941.

En août 1941 aura lieu l’exécution d’un officier allemand dans le métro parisien par Pierre Georges, le futur colonel Fabien qui sera un héros de la Résistance. Les Bataillons de la Jeunesse et l’OS sont par la suite fusionnés, dans l’OS, qui devient au début de l’année 1942 les Francs-Tireurs Partisans (FTP), composés des Francs-Tireurs Partisans Français (FTPF) et des Francs-Tireurs Partisans – Main d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI). La raison pour cela est le saut qualitatif imposé à la SFIC. 

Sa lutte est désormais imbriquée dans la guerre antifasciste internationale, allant de la Chine à la France. Voilà pourquoi « Dans les conditions de la guerre réactionnaire d’agression hitlérienne contre les Peuples en vue de leur asservissement total, l’action des patriotes de chaque pays, organisés en partisans, porte en elle l’embryon d’une armée populaire nationale à qui incombe la tâche historique de reconquérir et de garantir l’indépendance dans chaque pays agressé. » (Cahiers du bolchévisme, 1er et second trimestres 1942).

La ligne n’est donc plus celle qu’avait le Parti Communiste auparavant et fondé sur l’économisme des revendications ; il s’agit désormais d’assumer le fait que la France est occupée – « le gouvernement de Vichy n’est pas un gouvernement français » titre l’Humanité du 26 septembre 1940. La tâche consiste donc en une « révolution démocratique », avec une guerre de partisans et une armée de libération nationale – à ceci près que ce concept utilisé par l’Internationale Communiste ne l’est à aucun moment par la SFIC.

Dans le cadre de cette nouvelle ligne combattante on a des mot d’ordres comme « Unissez-vous, refusez de servir le fascisme », « A chacun son boche », « S’unir, s’armer, combattre ». L’agression de l’URSS oblige l’Allemagne nazie à envoyer ses troupes à l’Est, et la Résistance peut passer massivement à l’action, et cela contre la volonté même de De Gaulle, qui le 23 octobre 1941 affirme encore « La guerre des Français doit être conduite par ceux qui en ont la charge... Actuellement, la consigne que je donne pour le territoire occupé, c’est de ne pas y tuer d’Allemands. »

Le ton donné par les communistes est, lui, offensif - « Il faut tenir tête à la police, reconquérir la rue » (L’Humanité du 1er mai 1942) et la SFIC dispose par conséquent depuis octobre 1941 d’un Comité Militaire National, dirigé par Charles Tillon, agissant dans la zone occupée et parallèlement au Comité Militaire de la Zone sud. Les FTP disposent d’un service de renseignements, le Service B ou FANA, ainsi que d’une revue : France d’abord, qui a comme exergue Chasser l’envahisseur !

On peut y lire : « Que chaque cri se fasse balle. La lutte armée doit devenir le devoir de toute la Résistance. Chaque ennemi sera ainsi visé. Car combien sont-ils donc, et combien sommes-nous, si nous sommes un peuple allié de ses alliés ? La victoire ne sera obtenue que par la destruction de l’armée hitlérienne dont la puissance initiale a été forgée, avant la guerre, à l’abri des divers ‘attentismes’ de la non-intervention et de Munich.

De ces données découle une stratégie commune à tous les peuples unis dans la volonté d’en finir le plus tôt possible avec l’hitlérisme.

Cependant, si les Russes restent seuls à détruire la puissante armée nazie, les Français devront supporter un autre hiver de guerre, au cours duquel Hitler pourra réaliser au moins ce qui fut le premier article de son programme insensé de domination du monde : détruire la France, berceau de la liberté. Donc, aucun Français de France n’a intérêt à laisser durer une guerre atroce, alors qu’il est possible de l’abréger. 

Hitler a en France 250.000 hommes pour faire face au second front. Les forces d’occupation sont si réduites que Hitler les double de policiers, gendarmes, légionnaires et autres mercenaires que Pétain et Laval transforment en soldats boches pour aider à occuper, piller, à saigner la France. Mais les Français en état de se battre sont dix fois plus nombreux que l’ennemi.

Un boche isolé est un prisonnier. L’ennemi n’occupe militairement le terrain que là où ses unités peuvent agir en tant qu’unités. Et tous les transports, voies de communication, transports publics, ne sont assurés que par des mains de Français.

En dehors d’une force d’occupation réduite, il ne reste qu’une occupation politique exercée par des traîtres. Dans ce rapport des forces, la terreur nazie n’est opérante que pour ceux qui l’acceptent ou bien l’encouragent en exagérant sa puissance pour mieux masquer leur lâcheté. Attendre, faire la guerre avec la peau des Russes, partir en Allemagne pour travailler pour l’ennemi, laisser guillotiner les Français pour crime de patriotisme, c’est reculer l’heure du second front en désertant le front de France !

Le front de France ? Il est partout où il y a un boche, une de ses armes ou un wagon, un camion, de l’essence ou du blé destiné aux boches, un terrain d’aviation, un dépôt d’armes, un chien de Laval. Nos armes ? Elles sont partout où un peu de courage donne le loisir d’en prendre. Chaque ennemi désarmé doit servir à armer un chef de groupe, autour duquel s’armeront d’autres patriotes d’armes improvisées. Pour la forme de guerre qui nous incombe, contre les forces d’occupation, le nombre doit suppléer à la qualité du matériel. Et nous sommes dix contre un...

Comme vous le recommande le Front National, dans vos usines, vos quartiers, groupez-vous en Comités populaires de la France combattante pour coordonner toutes les formes d’action politique et économique contre l’ennemi ; arrêtez toute production pour les boches et empêchez tout départ pour l’Allemagne. En même temps, organisez et menez l’action armée.

« La Libération nationale, a dit le général de Gaulle, ne peut se séparer de l’insurrection nationale... ». L’insurrection nationale ne saurait être le produit d’un miracle, une génération spontanée à l’heure H. Il n’existe pas d’autres moyens d’organiser une armée de patriotes pour la Libération que le combat quotidien, qui forge la discipline et les chefs, procure les armes et permet d’organiser en agissant, d’agir en organisant.

Laisser croire le contraire serait préparer à notre peuple des désillusions que nous voulons épargner. Chacun à son poste, chacun à son arme. Que sans attendre, tout ce qui appartient à l’armée d’occupation soit cerné de haine, attaqué, frappé, exterminé. Et que, sur le Front National de la Libération, retentisse le cri de guerre contre tous ceux qui veulent détruire notre patrie : TOUS DEBOUT ET CHACUN SON BOCHE. »

France d’abord, est initialement l’« organe d’information sur le mouvement des patriotes français pour la libération du territoire », puis l’« organe d’information, de liaison et de combat des détachements de FTP qui forment sur le sol de la patrie l’avant-garde armée de la France combattante », puis encore l’« organe d’information, de liaison et de combat des détachements de Francs-Tireurs et Partisans adhérant aux Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) » et enfin l’« organe d’information, de liaison et de combat des unités de Francs-Tireurs et Partisans, membres de l’Armée régulière des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) ».

Enfin, il y a une aile uniquement politique, le Front National de lutte pour l’indépendance de la France, issu d’un appel du Comité Central du Parti Communiste du 15 mai 1941 affirmant : « Guidé par le souci exclusif de réaliser l’union de la Nation pour la cause sacrée entre toutes, de l’indépendance nationale, le Parti communiste français, mettant au-dessus de tout l’intérêt du pays, déclare solennellement qu’en vue d’aboutir à la création d’un large front de libération nationale, il est prêt à soutenir tout gouvernement français, toute organisation et tous hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale subie par la France et contre les traîtres au service de l’envahisseur. »

Les « traîtres au service de l’envahisseur » sont définis non seulement par des critères objectifs, mais également subjectifs. Ainsi, le courant politique trotskyste, qui s’oppose à la lutte armée et à la Résistance, mettant dos à dos l’Allemagne nazie et les Alliés, faisant parfois de l’entrisme chez les collabos, devient souvent une cible des FTP. 

De là vient le vocable « hitléro-trotskyste » ; après 1945 la presse trotskyste aura du mal à être autorisée, ne faisant pas partie de la « presse de la Résistance », le symbole de cela restant l’éditorial intitulé « Ils se valent » du journal La Vérité au moment du débarquement allié en Normandie au milieu des massacres nazis en France.

Les FTP mènent la guerre de partisans ; le caractère essentiel de leurs actions reposent sur la mobilité. L’Humanité appelle au début de 1943 : « Agissez, agissez et agissez ! Luttez contre la déportation des ouvriers en Allemagne, par la manifestation, par la grève, par la dislocation des convois. Répondez par la force à la violence de la police et de la Gestapo. 

Sabotez, sabotez, détériorez les machines, les locomotives, les camions, les chalands. Faites sauter les voies ferrées, les ponts et les écluses ; mettez le feu aux entreprises. Paralysez l’industrie de guerre des hitlériens et leurs moyens de transport. Organisez la lutte des paysans pour briser par la force le système des réquisitions hitlériennes. Organisez des manifestations de femmes contre ceux qui nous condamnent à la famine. 

Exigez 500 grammes de pain par jour, du charbon, du bois. Formez dans chaque usine, dans chaque gare, dans chaque dépôt des chemins de fer, des groupes de saboteurs, de dynamiteurs. Organisez de nouveaux détachements de francs-tireurs: enrôlez les ouvriers menacés de déportation en Allemagne; appelez, pour instruire les Francs-Tireurs, les officiers, les sous-officiers licenciés et les anciens combattants. Que chaque patriote considère comme un devoir sacré la lutte armée contre l’ennemi affaibli et obligé de disperser ses forces. Français, Françaises ! Agissez, agissez, agissez ! Ce n’est que de la sorte que nous pourrons préparer l’insurrection nationale, accélérer l’ouverture du deuxième front en Europe et rapprocher l’heure de notre libération. »

Il y a également des maquis, dont le plus important a été fondé dans la Haute-Vienne par Georges Guigouin. Ce dernier a agi dès 1940 et son maquis rassemblera jusqu’à 8000 hommes. Le Front National agit comme un front de masses, on trouve le Front National des avocats, le Front National des médecins, le Front National des commerçants, le Front National des paysans, les Fronts Nationaux d’usines, l’Union des Femmes Françaises...

L’appel du Front National de Juillet 1942 explique ainsi les objectifs de son action :

« 1. empêcher que les ressources de la France servent à la machine de guerre allemande ;
2. empêcher les usines françaises de travailler pour Hitler, en soutenant les luttes revendicatrices des ouvriers, qui, en défendant leur pain et celui de leurs enfants, suivent la cause de la France ;
3. empêcher que nos chemins de fer transportent en Allemagne nos richesses nationales et les produits de notre industrie ;
4. organiser la résistance des paysans à la livraison des produits agricoles aux oppresseurs de la Patrie ;
5. organiser la lutte contre la répression hitléro-vichyssoise, chaque militant du Front National, qu’il soit athée ou croyant, radical ou communiste, devant bénéficier de la solidarité de tous ;
6. diffuser les écrits, appels ou documents du Front National et dénoncer systématiquement les mensonges de l’ennemi ;
7. propager et exalter, face à l’envahisseur et à ses séides, les sentiments patriotiques, la volonté de lutte pour libérer la France. 
»

L’instauration du STO le 4 septembre 1942, qui envoie les travailleurs en Allemagne, renforce le caractère de masse des maquis et de la résistance, mais le Parti Communiste n’a pas changé d’identité, il n’a jamais abandonné son souci de légitimité. Grenier, ancien député communiste de Saint-Denis, part à Londres rencontrer le général de Gaulle et demander officiellement l’intégration de la résistance communiste : « Les FTP se battent, font la guerre et savent mourir avec un courage et un cœur de soldat, c’est pourquoi ils demandent au grand soldat que vous êtes de ne pas laisser ignorer qu’ils font aussi partie de la France Combattante ».

L’unification des mouvements de résistance est « officialisée » par la première séance du Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943, le 29 décembre 1943 les FTP fusionnent avec « l’armée secrète » (issue de « Combat », « Libération-Sud » et « Franc-Tireur ») pour former les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Cette fusion sera parfaitement effective à Paris, plus dure à réaliser en d’autres endroits, elle marque en tout cas la fin de l’indépendance organisationnelle de la résistance communiste.

2. L’union dans la Résistance

L’intégration des FTP dans les FFI marque le franchissement d’une étape : celle de la survie. Car la fusillade des otages, systématisée à la mi-1941 par les nazis puis élargi en juillet 1942 par l’application de la responsabilité pénale aux familles mêmes des résistants, a durement frappé les masses. 30,000 otages auront été fusillés sous l’occupation. 

L’un des symboles les plus marquants du début de cette terreur reste l’exécution des « 27 » à Châteaubriant (en même temps que 22 à Nantes et 50 à Bordeaux), dont le jeune Guy Môquet ou encore Jean-Pierre Timbaud, le secrétaire CGT des métallos, mort fusillé en criant « Vive le Parti Communiste allemand » (bien qu’il faille noter que le KPD est le Parti communiste d’Allemagne et non « allemand », une différence non entrevue par les communistes en France et qui aura son importance). 

Voici la dernière lettre à sa femme et sa fille (il faut noter que Jean-Pierre Timbaud n’a quasiment pas été scolarisé) : « Toute ma vie jais combattue pour une humanité mailleure jais le grandes confiance que vous verait realise mon rêve ma mort aura servie a quelque choses mai dernière pensée serront tout d abord a vous deux mes deux amours de ma vie et puis au grand ideau de ma vie. Au revoire me deux chere amours de ma vi du courage vous me le juré vive la France vive le proletariat international. »

On trouve également Pierre Sémard, secrétaire général de la Fédération des cheminots depuis 1935, dont la dernière lettre contient les mots suivants : « Dans quelques instants je serai fusillé. J’attends la mort avec calme. Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec tous les membres de notre grand Parti, avec tous les Français patriotes, avec les héroïques combattants de l’Armée Rouge et son chef, le grand Staline. Je meurs avec la certitude de la libération de la France.

Dites à mes amis les cheminots que ma dernière volonté est qu’ils ne fassent rien qui puisse aider les nazis. Les cheminots me comprendront ; ils m’entendront, ils agiront et j’en suis convaincu. Adieu, mes chers amis. L’heure de mourir approche. Mais je sais que les nazis qui vont me fusiller sont déjà vaincus.Vive l’Union soviétique et ses alliés ! Vive la France ! »

On trouve également Guy Môquet, Charles Michels (fusillés comme otages), ou encore le groupe des « 23 », composé de 20 antifascistes étrangers et 3 Français, dirigé par le communiste arménien Missak Manouchian et contre lequel les nazis placarderont la fameuse « Affiche rouge ».

Louis Aragon composera un poème connu à leur sujet (« La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans / Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes / Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants / L’affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles / Y cherchait un effet de peur sur les passants / Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent / Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps / Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant / Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir / Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant »).

Si les FTP se renforcent, tel est également le cas du Parti Communiste, comme par exemple à l’été 1942 avec la campagne de recrutement, la « promotion Valmy » qui est parallèle à la campagne pour célébrer le 150ème anniversaire de la victoire française sur les Prussiens à Valmy et aux actions des FTP Valmy. Le gouvernement de Vichy en a été bien conscient en promulgant une loi le 30 janvier 1943, celle de la « milice française ».

A Marseille, ce sont les 40 000 habitants du Vieux-Port qui sont évacués et transférés dans un camp à Fréjus, 2000 d’entre eux, résistants, étant déportés en Allemagne. En juin c’est une section spéciale qui est formée auprès de chaque cour d’appel, spécialement chargée de punir « toute infraction favorisant le terrorisme, le communisme, l’anarchie sociale et nationale, ou la rébellion contre l’ordre social légalement établi ». 

Après Stalingrad, il est clair que le vent tourne, comme le montrent les propos de la grande figure de la collaboration, Philippe Henriot (qui sera secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande avant d’être abattu par la Résistance), qui attaque les « sots qui plantent avec allégresse leurs drapeaux rouges sur leurs cartes et applaudissent chaque fois que l’Europe recule et que le bolchévisme avance » (conférence de presse au Palais de Chaillot du 26 février 1943) ainsi que la « folie collective qui fait des ravages croissants dans les rangs des Français » (allocution à la radio du 12 mars 1943).

C’est dans ce contexte que les FTP avaient lancé en février 1943 le slogan « s’unir, s’armer, se battre » ; les militants doivent s’appliquer avec « courage, un vigoureux esprit offensif et une discipline de fer » (L’Humanité du 15 avril 1943).

Du 1er octobre au 31 décembre 1943, les FTP ont mené 300 actions contre les voies ferrées ou les trains chargés de troupes et de matériel allemands, tuant 750 officiers, sous-officiers ou soldats et en blessant 1780 ; ils ont fait sauter 21 écluses ainsi que 3 sous-stations électriques, 15 transformateurs, une génératrice d’usine et endommagé deux usines électriques, mené 15 opérations contre des canaux, coulant ou sabotant de manière importante 42 péniches. 

65 attaques ont été menées contre des détachements, des patrouilles et des casernements, abattant 215 officiers ou soldats et en blessant 340. A cela s’ajoute l’incendie de dépôts de blés et de fourrage réquisitionnés. Les groupes « Justice » ont abattu 150 agents ou collabos et 6500 personnes ont rejoint ses rangs. 

Les FTP mènent des coups d’éclat : attaque à la grenade d’un restaurant allemand de l’avenue de la Grande-Armée le 14 juillet, attaque d’un détachement de SS en pleins Champs-Elysées par une vingtaine de combattants bien habillés, exécution du SS Julius Ritter qui dirigeait la déportation des ouvriers français en Allemagne, etc.

Il va de soi que les gaullistes ne soutiennent pas les FTP. Il y a peu de livraisons d’armes, ou des armements inadaptés à la guérilla et ne pouvant servir qu’en appui pour le débarquement. La radio anglaise ne parlait jamais des FTP et aucun soutien n’était donné pour la propagande, etc.

Waldeck Rochet, représentant à partir d’octobre 1943 du Comité central du Parti Communiste à Londres, raconte que « De Gaulle et les siens faisaient une discrimination entre les FTP et les autres organisations de la Résistance... On sentait nettement que tous ces gens-là n’étaient pas favorables aux FTP. 

J’avais obtenu la possibilité de parler à la radio une fois tous les quinze jours, pendant cinq minutes, pour faire connaître les mots d’ordre du Parti et de la Résistance par l’intermédiaire de la BBC. D’autre part, je prononçais des allocutions particulières destinées aux paysans. Mais toutes ces émissions étaient censurées à la fois par les Anglais et par les représentants du général De Gaulle à Londres. Chaque semaine, je devais me battre pour pouvoir exprimer nos mots d’ordre d’action, en particulier les mots d’ordre de lutte armée. La tendance de tous mes censeurs étaient l’attentisme. » (Souvenirs d’un militant, L’Humanité du 30 mars 1956).

Un attentisme reposant parfois sur un socle idéologique bien solide et dépassant le simple anti-communisme : il faut ainsi noter que Jean Monnet, le futur organisateur de l’unification européenne, avait prôné à Churchill la fusion des « empires » britannique et français, avec un seul parlement et une seule armée, une thèse partagée à de nombreux niveaux dans les cercles dirigeants des deux « empires ».

Malgré ces obstacles, les FTP se profilent en de nombreuses zones comme une force capable de vaincre seule, malgré le manque de théorie concernant les principes de la guerre de guérilla. En septembre 1943, 12 000 FTP et 500 hommes de troupes régulières libèrent la Corse en 24 jours alors que l’État fasciste italien s’est effondré et que ses troupes se révoltent pendant que l’Allemagne nazie envoient ses propres forces. La lutte armée s’intensifie toujours davantage : rien qu’en février 1944 les FTP abattent 57 miliciens et agents de la Gestapo ; le journal collabo Je suis partout parle lui de 1200 « attentats » dans le département de la Seine et de 500 à Lyon.

Il faut également noter le cas unique du maquis du Limousin, formé en avril 1941 par Georges Guingouin, qui agit avec une autonomie plus ou moins grande par rapport au Parti Communiste dont il est membre depuis les années 1930. Dès août 1940 Guingouin avait lancé un « appel aux militants » ; il acquiert rapidement le surnom de « préfet du maquis » et la zone est qualifiée par les nazis de « petite Russie ».

La Haute-Vienne a été le département comptant le plus de résistants en armes : 8000 et a joué un rôle important lors du débarquement en retardant l’envoi en Normandie de la division blindée SS « Das Reich », qui commit à ce moment le massacre d’Oradour-sur-Glane. Guingouin était considéré par la direction locale des communistes comme un « fou dans les bois » en raison de sa politique totalement autonome et allant à l’opposé de la ligne d’agitation prônée par le Parti Communiste, la lutte armée n’étant qu’un appui militarisé. 

Cela ne signifie pas pour autant que Georges Guingouin ait formé une « base d’appui » comme les communistes en Chine ; d’ailleurs Guingouin n’a jamais cherché à construire une organisation en quoi que ce soit autonome des forces alliées et a toujours gardé un lien permanent avec elles.

Une conduite que la direction du PCF n’a jamais pardonné à Guingouin, tout comme la décision de celui-ci de ne pas prendre militairement Limoges par les armes, mais d’avoir attendu le débarquement pour obtenir la reddition d’une partie de l’armée allemande occupant la ville (l’autre réussissant à s’enfuir malgré l’encerclement).

Les forces alliées avaient en effet appelé les combattants à « rejoindre maquis pour ne pas gêner opérations militaires », ordre largement suivi dans la zone Sud mais défavorable aux communistes liés aux masses urbaines. La formation de grands regroupements, empêchant l’utilisation des formes de la guérilla, fut fatale aux maquis du Vercors dans les Alpes, des Glières en Haute-Savoie, ou encore celui de Saint-Marcel en Bretagne.

Mais le véritable succès communiste reste la grève insurrectionnelle à Paris qui se lance à la mi-août 1944, dont la portée est brisée par l’intervention in extremis de la deuxième division blindée qui apporte la légitimité au gaullisme dans la libération de la capitale. Mais le prestige populaire reste ; le Parti Communiste est incontournable de par sa base populaire et sa continuité : au moment de l’insurrection parisienne, il y aura eu 317 numéros clandestins de l’Humanité, diffusés à 50 millions d’exemplaires. Le Parti Communiste est le « Parti des fusillés », il en revendique 75 000 ; il a été le Parti du combat. 100 000 cheminots ont été liés à la Résistance - dont un dixième sera tué, ainsi que 100 000 employés des PTT.

Les communistes se sont toujours considérés comme une composante de la Résistance et voyait celle-ci comme étant elle-même une composante des forces alliées. Il n’y aura pour cette raison pas de « trahison » en 1944-1945 car l’objectif n’a jamais été une guerre de guérilla autonome visant à la prise du pouvoir. Les thèses communistes étaient qu’il fallait placer au centre de la Résistance le peuple et non la direction gaulliste à Londres, et pareillement que l’insurrection était essentielle et qu’il ne fallait pas tout fonder sur l’intervention militaire britannique ou nord-américaine.

Jacques Duclos expliquait dans son rapport au Comité Central du 31 août 1944 : « Nous entendons consacrer nos efforts à la poursuite de la guerre en vue d’écraser au plus vite l’Allemagne hitlérienne, en vue de hâter le retour de nos prisonniers, en vue de délivrer toutes les provinces de France de l’oppression hitlérienne. C’est une politique de mobilisation de toutes ses forces pour la guerre que doit poursuivre la France pour pouvoir figurer parmi les plus grandes nations. »

Il ne faut pas non plus surestimer la force militaire des FTP. Tout d’abord, le Parti Communiste n’a jamais été un parti militarisé comme l’a par exemple été le Parti Communiste de Chine : il n’y avait au maximum que 10% de militants du Parti Communiste à rejoindre la lutte armée, l’essentiel de l’activité reposant sur l’agitation et la propagande.

Et la guerre de guérilla n’était pas considérée comme une lutte spécifiquement communiste, comme en témoigne l’article paru dans l’Humanité du 1er avril 1944 : « Depuis toujours, il y eut un défaut dans nos écoles militaires : celui d’ignorer systématiquement l’étude de la guérilla, de la guerre de partisans, des francs-tireurs. Cependant, elle a toujours joué un grand rôle dans les guerres nationales. Rappelons simplement: guérilla espagnole contre Napoléon ; francs-tireurs en 1871; dans toute l’Europe pendant cette guerre, en Grèce, en Yougoslavie, au Danemark, en France, en Union soviétique. La guerre des francs-tireurs et partisans doit être au programme de toutes nos écoles. »

Qu’il soit parlé de « nos écoles militaires » en parlant d’un « État bourgeois » que le Parti Communiste était censé anéantir montre la compréhension « patriote » de la conception de l’État. Les années 1944-1945 sont ainsi dans cette optique non pas une défaite mais un succès, puisque l’onde de choc provoquée par le débarquement de juin 1944 a fait passer le nombre de personnes dans les structures FTP de 25 000 à 250 000 en quelques jours.

Il va de soi qu’avec 25 000 membres, le FTP n’étaient au mieux qu’une force de guérilla à ses débuts, mais en étant le « meilleur élève » de la Résistance, cela suffisait pour conquérir avec ces forces une gigantesque base populaire lors du changement de situation historique, changement prévu dès le départ par le Parti Communiste.

La preuve de cette orientation repose d’ailleurs dans la non prise en compte sur le plan stratégique de la présence de centaines de milliers de soldats US, contre lesquels la base populaire ayant rejoint le FTP au débarquement ne lutteraient certainement pas, sans compter que les FTP ne représentaient au final que la moitié des 500 000 FFI.Ainsi, de par sa stratégie, le Parti Communiste n’avait aucune possibilité d’en arriver à l’insurrection.

L’une des conséquences militaires sera la faiblesse de l’épuration : 10 000 exécutions sommaires, 39 000 emprisonnés et 48 000 personnes frappées de dégradation nationale. 94 Français pour 100 000 furent emprisonnés pour faits de collaboration, un chiffre à comparer, pour la même proportion, avec ceux de 374 Danois, 419 Néerlandais, 596 Belges, 633 Norvégiens...

3. Document : « Sang et or » de Georges Politzer

La brochure Sang et or présente le nazisme tel qu’il est interprété par les communistes ; elle a été écrite en décembre 1940 et janvier 1941 et publié clandestinement en février 1941, puis rééditée après 1945 sous le titre de Révolution et contre-révolution au XXème siècle.

« M. Rosenberg dit dans son discours que la deuxième guerre impérialiste vient du fait que « les vraies forces du sang se sont révoltées contre cet odieux abaissement des valeurs vitales » que représentait le premier Versailles. Mais où était cette « révolte » quand, durant les années qui ont précédé la deuxième guerre impérialiste, se déroulaient les tractations entre les représentants du « Sang » et de « l’Or » en vue d’une agression antisoviétique ? M. Rosenberg a couvert cet aspect essentiel des dessous de la guerre impérialiste de 1939-1940-1941 du voile d’un silence significatif.

Car c’est un fait que l’impérialisme franco-anglais voulait régler ses contradictions avec l’impérialisme allemand aux frais de l’Union soviétique.

Est-ce que M. Rosenberg a oublié l’époque où les représentants du régime hitlérien se proclamaient les Saint-Georges de la lutte contre le « dragon du bolchévisme » et les héros envoyés par la Providence tout exprès sur la terre pour défendre contre « la steppe envahissante », comme disait l’auteur du « Mythe du vingtième siècle », l’« occident » avec, comme contenu essentiel, le capitalisme ? 

Pour conserver ses possessions, l’impérialisme franco-anglais « offrait » en effet des annexions en Union soviétique. C’est la raison pour laquelle on a permis à l’Allemagne hitlérienne de réarmer. C’est pour cela qu’on lui a fait concession sur concession. On lui a permis ainsi d’annexer l’Autriche et la Tchécoslovaquie. On a fait pratiquer par Blum la politique de la non-intervention. C’était, entre les représentants du « Sang » et de l’« Or », des tractations impérialistes dont on est loin de connaître tous les détails : Munich en est un exemple inoubliable.

Seulement, la « force vitale créatrice profonde », c’est-à-dire l’impérialisme allemand, a reculé devant la force immense du pays du socialisme. C’est alors que cessent les concessions de la part de l’impérialisme franco-britannique, et la lutte s’engage pour un nouveau partage du monde, non pas aux frais du pays du socialisme, mais entre les puissances impérialistes elle-mêmes.

M. Rosenberg ne dissimule pas seulement le rôle essentiel qu’ont joué les visées antisoviétiques de l’impérialisme franco-anglais dans le déclenchement de la guerre actuelle. Il dissimule également que cette politique constitue la cause fondamentale de la défaite de la France. Il sait parfaitement que la guerre antisoviétique était la préoccupation principale de l’impérialisme franco-britannique. Il sait parfaitement que

c’est l’esprit de classe des hommes du grand capital qui a causé la défaite et qui a livré la France. Néanmoins, il dissimule ce fait incontestable et tente de dégager la responsabilité de la ploutocratie française en prétendant que c’est la « démocratie » qui a causé la guerre et la défaite. Autre manifestation de la solidarité impérialiste, des « intérêts communs » dont discutent en ce moment les représentants des trusts sidérurgiques de France et d’Allemagne, réunis à Paris.

M. Rosenberg a essayé de renforcer son « argumentation » en affirmant plusieurs fois, et sur les tons les plus variés, que, de toute façon, il ne nous reste pas d’autre possibilité que de nous soumettre à la domination impérialiste, parce que cette domination est définitive, voire éternelle. A quoi servirait la résistance, alors que l’avenir appartient à l’asservissement ? Mais il n’y a là évidemment que la vantardise conforme aux principes de la publicité.

C’est ce qui apparaît dans le discours même de M. Rosenberg. Car celui qui fut le grand spécialiste des diatribes antisoviétiques, comme des diatribes antimarxistes, a observé au sujet de l’URSS un silence tellement colossal qu’il n’en a pas dit un seul mot.

Et que pouvait-il dire ? Les diatribes sont interdites. L’homme qui a proclamé que le marxisme est « purement destructif » est contraint au silence par la force immense dont la source est le socialisme construit sous le drapeau de Marx, d’Engels, de Lénine et de Staline.

Le silence de M. Rosenberg sur l’URSS souligne le fait que le pays du socialisme est la réfutation vivante de tout son discours et de tous les discours similaires, de toutes les affirmations racistes concernant l’avenir du monde et de toutes leurs prétentions à l’éternité de l’impérialisme.

Le rêve des impérialismes de régler leur conflit aux frais de l’Union soviétique s’est évanoui grâce au génie de Staline. Les impérialismes sont engagés maintenant dans une lutte qui ne cesse de les affaiblir. Mais pour l’URSS, pour laquelle la politique extérieure stalinienne a conservé la paix, chaque heure représente un pas en avant dans la construction du monde nouveau et, par conséquent, un accroissement du bien-être des peuples qui y vivent libres, ainsi que de la puissance du pays du socialisme. C’est le monde nouveau qui se renforce, pendant que le monde ancien, auquel appartient M. Rosenberg, avec sa ploutocratie déguisée par les mythes racistes, agonise au milieu de la guerre impérialiste qui accumule les morts et les ruines.

Cette leçon est comprise chaque jour davantage par les peuples en lutte pour leur liberté et leur indépendance. »