29 oct 2016

Croix de Feu et P.S.F. - 23e partie : l'échec final

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Il est très difficile d'établir le panorama du P.S.F. pendant l'Occupation, tellement les contradictions de la situation le firent imploser. Tous les choix possibles ont été faits au P.S.F., avec toutes les nuances.

On a ainsi Bernard Dupérier, pilote de François de La Rocque, qui prendra lors de la Résistance le commandement de l'escadre aérienne de chasse française en Grande-Bretagne, ou encore le député Edmond Barrachin qui rejoint Londres, tandis que le député Jacques Bounin organisa la Résistance à l'intérieur du pays.

Mais on retrouve aussi Paul Touvier, figure même du milicien, Paul Creyssel qui fut un temps secrétaire général à la propagande du régime de Vichy.

On a Pierre Lépine qui continua pendant l'Occupation de diriger le service des virus à l'Institut Pasteur de Paris, tout comme Eugène-Gaston Pébellier continua d'être maire de Puy-en-Velay, accueillant même Philippe Pétain triomphalement en 1941.

De manière plus compliquée, on a Jean Ebstein-Langevin, qui participa à la manifestation patriote du 11 novembre 1940 puis rejoignit la Résistance, avant de défendre ensuite les pétainistes après 1945.

Cette position pro-pétainiste après 1945 sera également celle du joueur de tennis Jean Borotra, passé tant par les Croix de Feu que le P.S.F., responsable des sports du régime de Vichy avant d'être détenu par les Allemands, qui à partir de 1943 mirent un terme définitif à l'existence en France de la mouvance P.S.F., par ailleurs directement bannie dans la zone occupée.

On a également Henri Choisnel et Georges Dompmartin, qui combattirent dans la Résistance dans les rangs du Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France généré par le Parti Communiste.

François de La Rocque, de son côté, organisera le « Réseau Klan » fournissant des renseignements aux services secrets britanniques, tout en tentant d'influencer Philippe Pétain dont il devint un conseiller, maintenant toujours un loyalisme général et ce jusque dans l'antisémitisme. Dans le Petit journal, il expliquait par exemple le 5 octobre 1940 :

« L'adoption [de la nationalité] doit être remise en cause dans tous les cas d'espèce où, ayant obtenu la qualité de Français, un Israélite aura contrevenu, dans sa vie publique ou privée, aux lois et principes de l'État, aux préceptes de la civilisation chrétienne (en dehors de toute considération proprement religieuse). »

La presse Croix de Feu et P.S.F. exprimait déjà parfois un antisémitisme virulent, ne reflétant pas la ligne de l'organisation ; sous l'Occupation, le quotidien le Petit journal vivait grâce au régime de Vichy, participant parfois à l'antisémitisme, tout en employant des personnes juives avec de faux papiers, grâce à l'initiative de François de La Rocque.

La Gestapo mit un terme à ces contradictions en décapitant en 1943 les restes du P.S.F., au moyen de 152 arrestations, et François de La Rocque fut déporté en 1943, mourant des suites d’une intervention chirurgicale le 28 avril 1946 à Paris.

Ce n'est que quinze plus tard, à l'occasion du jour consacré à la déportation, que Charles De Gaulle, alors président de la République, lui fit remettre, par l'intermédiaire de sa veuve, la médaille de déporté-résistant à titre posthume, affirmant entre autres « l’ennemi [lui] fit subir une cruelle déportation pour faits de Résistance, dont, je le sais, les épreuves et le sacrifice furent offerts au service de la France ».

Dans son dernier livre, Au service de l'avenir : Réflexions en montagne, paru en 1946, François de La Rocque parlait toujours de l'Armée comme « le sanctuaire ou se monte la garde, se transmet le culte des suprêmes traditions nationales ».

Voici comment Edouard Daladier, figure politique importante des années 1930 et qui en tant que président du Conseil déclara en 1940 la guerre à l'Allemagne, présente dans son Journal de captivité 1940-1945 la manière dont il voyait François de La Rocque.

« Je n'ai aperçu La Rocque qu'une seule fois en octobre 1936, au petit matin, dans le couloir du train qui me ramenait de Biarritz.

Petit, assez gras, pâle, il assistait au lever du soleil adossé à la portière de son sleeping entre deux gardes du corps, puis il était venu prendre un café au lait et fumer sa pipe au wagon-restaurant. J'en avais conclu qu'il ne présentait aucun danger pour la République.

Il aura eu une vie fort mouvementée. Courageux combattant de 1914, il fut volontaire dans l'infanterie. Plusieurs fois blessé. Plusieurs fois cité. Dans cette guerre, un de ses fils a été tué comme aviateur sur la Meuse et un autre grièvement blessé.

Il a été créateur d'un mouvement politique, dont le but me semblait être de créer une République autoritaire, antiparlementaire, hiérarchisée, dont les corporations restaurées auraient été la base sociale. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre. Quelque chose aussi d'un néoboulangisme.

De vieux réactionnaires, épaves attristées ou indignées des luttes électorales, mais surtout des hommes jeunes et des femmes des classes moyennes, victimes de la crise économique, irrités de l'instabilité ministérielle, du désordre des mœurs parlementaires, parfois aussi de scandales trop réels, même lorsqu'ils étaient démesurément grossis et exploités, adhéraient à son mouvement.

La Rocque se préoccupe de rester le chef. Chiappe, Tardieu, Laval, le voudraient comme lieutenant ou comme sergent recruteur. Il ne peut refuser de participer au 6 février, mais il le fait sans enthousiasme, avec une sorte de résignation. Il suffit qu'un adjudant de la garde mobile, posté avec quelques hommes sur la place du Palais-Bourbon, se dresse pour que ces bandes passent leur chemin et renoncent à envahir le Parlement.

Aussi Maurras et Daudet, ainsi que bien d'autres, l'accusent de mollesse sinon de trahison.

Il devient, après le 6 février, le familier de Doumergue [qui fut président de 1924 à 1931], et c'est alors sa grande époque.

Virtuose incontestable de la motorisation, il rassemble dans de vastes prairies des milliers d'automobiles sans un accident ni une panne. Par la somptuosité et l'ordre impeccable de ses défilés, il écrase ses rivaux, Pujo, Doriot et le bonapartiste Taittinger devenu conseiller municipal et enrobé de graisse.

Ses parades groupent peu à peu les gauches divisées. Au congrès de Nantes, malgré les prédictions des augures et le zèle de Marchandeau, le Parti radical rompt avec Doumergue.

Quelques jours après, le sauveur, coiffé d'un béret basque, escorté de policiers, quitte au petit matin, par une porte dérobée, son appartement de l'avenue du Bois, et regagne Tournefeuille.

A partir du 14 juillet 1935, les défilés du Front populaire font pâlir ceux des croix-de-feu. La Rocque a donc été l'un des pères du Front populaire qui en eut d'ailleurs beaucoup et surtout d'involontaires.

Après juin 40, La Rocque deviendra conseiller national et beaucoup plus tard, l'un des conseillers privés de Pétain qui lui emprunte un grand nombre de ses formules.

Il semble que La Rocque était au premier rang des attentistes et que, surtout après l'échec de la grande offensive allemande contre la Russie en 1941, il a cru à la défaite finale de l'Allemagne, d'où la colère de Laval, la méfiance des Allemands, et son arrestation. »