13 oct 2016

Croix de Feu et P.S.F. - 15e partie : la stratégie «sociale»

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Pour rendre crédible la théorie de la profession organisée, François de La Rocque mit en place de vastes campagnes se voulant sociales, visant à contribuer à l'apolitisme d'orientation nationaliste, afin de produire une atmosphère rendant crédible sa proposition corporatiste. Il résumera sa stratégie ainsi, en juin 1936 dans une note aux chefs de sections :

« Qu’il s’agisse de l’ascension de nos idées vers le pouvoir, de la pénétration des milieux ouvriers et paysans ou, dans un champ d’action moins élevé, de la période électorale, cette action sociale est la condition sine qua non de nos succès. »

Le mouvement de François de La Rocque soutenait par exemple le vote des femmes – bien qu'à cela s'ajoute la revendication d'un vote « bonus » pour le chef de famille. Mais cela relevait d'un dispositif précis.

Une section féminine fut formée ainsi en mars 1934, obtenant environ 60 000 membres à son plus haut point, avant la Guerre ; elle était supervisée par Antoinette de Préval qui fut secrétaire de François de La Rocque et une figure de l'orientation « sociale » du mouvement.

800 femmes étaient tombées dans les combats durant la Guerre, 1500 étant médaillées et on en retrouve ainsi aux Croix de Feu. François de La Rocque fit l'éloge d'Isabelle Carlier, professeure au lycée à Moscou et infirmière durant la Guerre, qui lui avait envoyé une lettre où elle présentait Jeanne d'Arc, depuis son emprisonnement pour son opposition à la révolution russe, comme le modèle des valeurs françaises. Il fit même publier la lettre ; Le Flambeau mit également en couverture la photographie d'Octavie Delacour.  

Lorsque les Croix de Feu devinrent le P.S.F., chaque section devait avoir sa section féminine, divisée en une Action Civique et une Action Sociale.

Dès 1937, l'organisation disposait déjà de 523 sections « sociales », avec 550 assistantes sociales et 1350 auxiliaires, fournissant une aide en termes d'infirmeries, d'aides sociales, visant explicitement la jeunesse populaire.

Antoinette de Préval fut au cœur de la formulation théorique et pratique de ce dispositif. Elle fut au centre de l'initiative des soupes populaires destinées à des milliers de personnes, de multiples colonies de vacances (cent durant l'été 1937), des projections familiales de films de guerre et des fêtes de Noël organisées par les Croix de Feu et le P.S.F. pour galvaniser la jeunesse des membres.

François de La Rocque, lors d'une visite en Normandie en 1935 dans un camp de vacances, expliqua à son jeune auditoire la chose suivante, donnant le ton idéologique et culturel :

« Toutes les classes sont représentées ici, elles n'en forment qu'une… Celle de la fraternité Croix de Feu…

Jeunes ou vieux, nous devons tous obéissance à notre « maman », la France, elle nous donne l'ordre impérieux de réunir la Famille Nationale dans les plis de sa robe tricolore. »

Le P.S.F. tenta fortement d'organiser la jeunesse, divisée en trois catégories : 7 à 12 ans, 13 à 16 ans, 16 à 21 ans, garçons et filles étant séparés. Le béret bleu était le signe de reconnaissance, à quoi s'ajouta une chemise bleue avec l'insigne de l'organisation.

A cela s'ajoute l'initiative de camps de vacances pour des enfants nécessiteux, avec comme objectif de connaître ensuite leurs parents, car comme elle l'affirme, à ses yeux :

« N'oubliez ceci : l’enfant est le seul chemin menant au Cœur de l’ouvrier français » 

Voici le style et l'impact de ce qu'elle préconise, dans un Discours aux militants masculins expliquant l'initiative « Travail et loisirs » cherchant à encadrer les jeunes d'origine populaire :

« Que sont devenus ces cadres depuis les mois de vacances ? Dès qu’ils ont un instant de liberté, ils viennent régulièrement dans nos Centres, ils y ont des amis, des communistes redevenus français, grâce à eux.

On ne parle pas politique, cela ne regarde pas les petits enfants, mais on change l’atmosphère, on crée un climat, on se réconcilie dans l’amitié et la gaîté, la pensée de La Rocque pénètre les âmes.

Je peux vous donner ma parole d’honneur que Trois commissariats des environs de Paris m’ont remercié officieusement de l‘installation de mes centres sociaux ; Il n’y a plus de coups de couteaux dans certaines zones où nous travaillons. »

À cela s'ajouta l'initiative de l'Association Médico-sociale Jeanne d'Arc, visant à utiliser la médecine pour capter une base populaire, ainsi que les Sociétés de préparation et d'éducation sportives, utilisant le sport. La jeunesse est utilisée pour la fête de la Saint-Jean au Parc des Princes en 1938, utilisant les flambeaux dans une démonstration sportive et « artistique ».

Des écoles de « rythmique » – l'apprentissage des sons par le mouvement – avaient quant à elles conquis 60 000 personnes. Une ouverture sociale fut faite également aux étudiants, avec un Centre Universitaire qui réussit à capter l'attention de 12 % environ des étudiants (soit environ 8000).

Il faut ici souligner l'importance de la mise en avant de Jean Mermoz, comme symbole du « progrès » au sens nationaliste, donnant au « social » une perspective de « dépassement ».

Pilote de la compagnie générale aéropostale et éminente figure du mouvement de François de La Rocque, Jean Mermoz décéda lors d'une traversée de l'Atlantique et devint un « mythe » de l'idéologie de l'aviation.

François de La Rocque fonda des aéro-clubs Mermoz, regroupant environ 2 000 aviateurs, tant civils que militaires et notamment d'Air France, revendiquant 4500 membres à ses cours techniques.

Voici comment François de La Rocque stylisait, par exemple, la figure de Jean Mermoz, lors d'un discours :

« Les premiers mots que je prononce doivent aller à l'Archange du P.S.F. Ils doivent marquer l'élan de nos coeurs vers Mermoz, mon ami fraternel, notre frère à tous, le Guynemer de la paix, celui qui a ajouté à la France une gloire aussi pure, aussi belle, aussi haute, aussi complète que la plus pure, la plus belle, la plus complète des gloires acquises dans notre pays.

Mermoz est vraiment la représentation même de tout ce que nous souhaitons, de tout ce que nous aimons (…). Mermoz, c'est une bénédiction. Le passage à la tête d'un mouvement de rénovation nationale d'un homme comme Mermoz, c'est un signe de victoire.

Sachez et croyez avec moi que Mermoz est la plus belle étoile, l'étoile qui nous conduit vers le salut de la France, l'étoile qui, à elle seule, illumine tous nos efforts, l'étoile de pureté derrière laquelle nous marchons que bientôt la France redevienne la France. »

Le Flambeau présentait également la chose ainsi :

« Mermoz voulait une France grande et digne, balayée de ses politiciens corrompus, de ses affairistes égoïstes.

Mermoz voulait un gouvernement fiançais travaillant pour les Français.

Mermoz voulait une aviation puissante et propre, sans arrivistes et sans parvenus. »

La réconciliation nationale passait par le social, mais sa perspective était celle d'un « nettoyage » de la situation. Aux aides sociales s'ajoutait la formation d'un idéal nationaliste. Cette dynamique apolitique permettait d'affirmer la mise en place d'un nouvel État, s'appuyant sur des chefs « honnêtes » et « patriotes », ce que François de La Rocque formulait ainsi :

« Les faux dieux du capitalisme de gouvernement, de l'affairisme de couloir, du socialisme international seront anéantis. Le rêve vigoureux de l’honnêteté française commencera, au service du peuple. Le peuple aura des chefs dignes de lui. »