Trotskysmes et néo-socialismes français - 21e partie : apogée du trotskysme comme aile gauche du Parti Socialiste
Submitted by Anonyme (non vérifié)Au tout début des années 2000, les trotskystes sont à leur apogée. Leur influence sur la société française est au plus haut ; parler d'extrême-gauche politique, c'est parler d'eux.
Le pic sera atteint aux élections présidentielles de 2002 : Olivier Besancenot du courant frankiste-pabliste fait 4,25 %, Arlette Laguiller du courant Lutte Ouvrière 5,72 %, les deux dépassant le candidat « communiste », Robert Hue, qui n'obtient que 3,37 % des voix.
Juste avant ces élections, Lionel Jospin était premier ministre après avoir été secrétaire général du Parti socialiste qu'il avait rejoint en tant que cadre du courant lambertiste. Le quotidien Le Monde était dirigé par un ancien trotskyste, Edwy Plenel, et connaît une importante fraction de journalistes issus du trotskysme, à peu près une quarantaine sur 270.
Le courant lambertiste possède une main-mise importante sur la direction du troisième syndicat français, la CGT-Force Ouvrière. Le premier, la CGT, connaît une influence forte du courant frankiste-pabliste, qui par ailleurs contrôle les syndicats SUD, nés en 1981 et issus de syndicats autonomes et de la scissions des parties du syndicat CFDT contrôlées ou sous influence de ce courant.
Leur dynamique est toutefois restreinte, car le Parti Socialiste les a mis dans une situation de dépendance, siphonnant plusieurs fois des dirigeants et des cadres, tel Jean-Christophe Cambadélis, Julien Dray, Henri Weber, Jean-Luc Mélenchon.
L'entrisme trotskyste a tellement réussi que le trotskysme est devenu un courant au sein des institutions elles-mêmes, que ce soit dans l'appareil d'État ou la culture (la première compilation de hip hop « Rapattitude » est ainsi réalisée à la base par deux lambertistes).
Les trotskystes ne l'ont pas remarqué, car leurs divisions les ont empêché de se considérer comme faisant partie d'une même réalité, justement contre-révolutionnaire.
Dans les faits, les courants trotskystes – frankiste-pabliste et lambertiste, et celui de « Lutte Ouvrière » entre les deux – ne se concurrencent pas, ils se divisent le travail, mais cela apparaît à leurs yeux comme des divergences profondes, voire antagoniques.
Le seul point d'achoppement se produisit dans les facultés et dans les mouvements étudiants et lycéens, avec des méthodes significatives chez les deux courants : lors des assemblées générales, des militants sont placés discrètement pour appuyer ou casser certains propos, pour pousser dans un sens, pour retarder au maximum le vote pour que celui-ci ne se déroule que lorsqu'une majorité est certaine, etc.
Ce sont cependant les lambertistes qui parvinrent à récupérer la moitié du syndicat UNEF dominé alors par les « staliniens », en 1971, même si à partir de 1978, la place sera de plus en plus laissée aux frankistes-pablistes et surtout aux socialistes.
Mais à part les facultés, les trotskystes se sont divisés le travail : les frankistes-pablistes se tournent vers les mouvements sociaux, tandis que les lambertistes travaillent au corps la CGT-Force Ouvrière, évitant toute apparition publique en tant que telle non nécessaire, ce qui ne les empêche pas d'atteindre le nombre de 8000 adhérents dans les années 1970.
Le courant lambertiste est en effet patriarcal et syndical, généralisant le cassage de gueule des opposants et des concurrents, tout en restant toujours légaliste au point d'avoir, fait unique à l'extrême-gauche, demandé à l'État de revenir en arrière sur son interdiction suite à mai 1968, ce qui fut accordé. Historiquement, cela fut toujours la plus grande organisation d'extrême-gauche, mais aussi la moins visible, la moins connue.
Sa démarche de recrutement tient également à des « coups » : les militants noyautent, puis au bout de quelques mois, annoncent leur « rupture » et le choix des lambertistes.
Du côté frankiste-pabliste, on fait tout le contraire et on tente de se poser comme principale alternative à l'extrême-gauche, en allant de plus en plus dans le sens de l'entrisme dans les mouvements sociaux, après une courte période « gauchiste » agressive.
L'entrisme est organisé clandestinement dans les syndicats, pendant de longues années parfois, avec le plus souvent des déceptions humaines, mais permet de renforcer l'organisation, jusqu'à un certain palier, souvent amoindri par les intégrations dans les appareils syndicaux et surtout le Parti Socialiste.
A ce processus s'ajoute, à partir de 1974, le fait que la Ligue Communiste, devenue Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) suite à une interdiction, autorise le droit de tendances.
Cela signifie qu'un militant de la LCR doit rendre des comptes à l'organisation, puis à sa tendance, voire à la fraction de sa tendance, à chaque fois avec un processus de noyautage.
Les trotskystes ont ainsi toujours tourné en roue libre. Une centaine en 1945, ils deviennent plusieurs centaines juste avant 1968, puis profitant de 1968 ils passent à des milliers de militants, qui tous se perdent au fur et à mesure, en raison de l'entrisme.