23 oct 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français - 9e partie : le Parti Populaire Français

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Jacques Doriot profite des événements de février 1934 pour rompre avec le Parti Communiste. Il se lance en effet dans une campagne pour un comité d'action avec le Parti Socialiste, sur une base antifasciste.

Cela reviendrait à liquider l'identité du Parti, ce qui arrangerait Jacques Doriot qui doit faire face à la bolchevisation du Parti et à sa progression idéologique. Déjà, deux autres opportunistes ont été éjectés au début des années 1930, qui auront le même parcours que lui par la suite mais feignaient de leur côté l'accord idéologique avec l'Internationale Communiste, Henri Barbé (qui dirigeait le Parti) et Pierre Celor (s'occupant de l'appareil).

Jacques Doriot échoue cependant devant un Parti Communiste très organisé par l'Internationale Communiste et se lançant dans la bataille de ce qui va devenir le Front populaire. Par conséquent, ne pouvant liquider le Parti de l'intérieur, il va tenter de le faire depuis l'extérieur.

Sur le plan des idées, il annonce ouvertement, comme les trotskystes, que l'Internationale Communiste a échoué, et il prétend pareillement ouvrir une troisième voie entre réformisme et le Parti Communiste.

Dans le journal local de Saint-Denis L'Emancipation, daté du 21 juillet 1934, dans un article intitulé pas moins que « Pour un parti unique », Jacques Doriot affirme ainsi :

« Après quinze ans d'expériences décevantes de la 2e Internationale et d'impuissance révolutionnaire de la 3e dans les plus grands pays d'Europe, il convient de rechercher si les formules de 1919 sont encore justes.

Il convient de procéder à une révision générale des valeurs. Il convient de rechercher pourquoi dans des murs économiquement et socialement portés au socialisme, c'est le fascisme qui gagne le pouvoir et écrase brutalement la classe ouvrière, au moment où elle devrait jouer son rôle historique. »

Jacques Doriot s'appuie alors entièrement sur sa base de Saint-Denis, où un véritable culte lui est dédié. L'Émancipation y tire à 7000 exemplaires, contre 4000 au niveau national. Il profite alors de subsides du chef de la banque Worms, représentant des grandes entreprises désireuses de saper le Front populaire.

Voici alors ce que raconte Jacques Doriot le 28 juin 1936, dans la salle des fêtes de la mairie de Saint-Denis, dans le contexte de Front populaire :

« Lorsque vous lisez les œuvres de Marx et Engels, que vous êtes jeunes, que l'expérience ne vous a pas encore tanné la peau, vous vous trouvez pris par ces raisonnements magnifiques et grandioses.

Et puis, peu à peu, à mesure que vous vous enfoncez dans la vie, soit que vous y soyez un simple observateur, soit que vous ayez, comme les Russes, les leviers de commande en main, vous vous apercevez que ces doctrines, formidablement étudiées, oublient le facteur humain, qu'elles ne tiennent aucun compte de la nature de l'homme, qu'elles ne tiennent aucun compte des inégalités prrofondes entre les facultés des humains.

L'erreur fondamentale du marxisme est de croire que le milieu économique forme complètement le milieu social, que l'homme est le produit exclusif de son milieu économique.

Or, cette affirmation n'est que partiellement vraie. Car il faut tenir compte qu'en-dehors de l'impulsion qu'il reçoit du milieu économique, l'homme obéit à un certain nombre de lois naturelles. »

C'est là une thèse extrêmement proche de celle de Jean Jaurès. En fait, Jacques Doriot est passé d'une ligne d'ultra-gauche à une position de jauressiste de droite. Sa position rejoint celle des néo-socialistes.

Sa position est difficile : d'un côté, pendant la grande grève de juin 1936, il fait distribuer 130 000 repas aux grévistes par la mairie, de l'autre aux élections parlementaires de mai, il n'a gagné qu'avec 51,4 % contre 75,9 % auparavant.

Voilà pourquoi le « Parti Populaire Français » est fondé dès 1936, comme fruit du long travail de sape de Jacques Doriot, mais sur une base idéologique et organisationnelle précaire.

Dans toute la France, le Parti Communiste tente d'empêcher les meetings de cette nouvelle organisation, mais sans trop de succès, alors que les réactionnaires locaux les soutiennent pour s'opposer justement aux communistes.

Le succès est alors là : 15 000 adhérents très rapidement au début juillet, et au 1er août 1936 le « PPF » revendique déjà 50 000 membres, puis 101 000 fin octobre et 120 000 fin novembre. L'hebdomadaire se serait vendu à 250 000 exemplaires en juillet, rien que dans la région parisienne.

Si ces chiffres sont sujets à caution, le PPF organise cependant deux meetings, avec 4 000 puis 10 000 personnes à Paris. A Marseille, il s'organise par l'intermédiaire de Simon Sabiani, ancien combattant « héroïque » de la première guerre mondiale devenu député-maire de Marseille en s'appuyant sur toute une rimbambelle de truands et mafieux. La machine était lancée.

Les grandes questions: