27 oct 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français - 12e partie : « X-Crise » et les « juillettistes »

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Un tract des "Croix-de-feu"Les années 1930 ont été marquées par l'influence très importante des technocrates. La moitié des étudiants en droit ou en médecine, des étudiants de polytechnique, etc. étaient sous l'influence de l'extrême-droite, manifestant et militant, se structurant intellectuellement par ce biais.

De manière plus populaire, les « Croix-de-feu » rassemblaient des centaines de milliers de combattants nationalistes et conservateurs, prônant une remise en ordre musclée, étant un strict équivalent du parti allemand DNVP, qui lui était encore plus massif avant 1933, où il agissait de conjoint avec le parti nazi.

Tout comme le néo-socialisme, il s'agit là de courants prônant des solutions « par en haut », par l'administration forte, par le coup de force. Le Parti Populaire Français est la seule structure assumant ce principe jusqu'au bout, jusqu'au fascisme, et encore n'assumera-t-il pas ouvertement le projet de dictature complète avant la défaite de 1940.

Les années 1930 sont bien plus caractérisées par les courants mélangeant fascisme et renouvellement spirituel, pacifisme et catholicisme, engagement social et planisme. Les figures intellectuelles mélangent allégrement toutes les conceptions, tel Charles Péguy le catholique qui avait prôné le « socialisme ».

Authentiquement fascistes sur le plan de l'idéalisme, ces courants oscillent politiquement entre une fascination pour le nazisme, et un esprit social catholique plus ou moins musclé. De fait, toute « l'intelligence » française des années 1930 est plongée dans cette idéologie.

L'une des structures les plus fameuses fut le groupe « X-Crise », le « X » symbolisant l'école polytechnique et « crise » signifiant « Centre de Renseignements et d’Informations Sociales et Economiques ». Par la suite le nom sera « Centre Polytechnicien d’Etudes Economiques ».

Photo de Charles SpinasseIl est issu d'un bulletin fondé en 1931 et appelé « X-Information », et fondé en 1933, rassemblant vite 2000 personnes, dont 700 de polytechnique. « X-Crise » connaît différents courants, plus ou moins libéral d'esprit, mais tous prônent un capitalisme régulé par en haut, par la technocratie.

L'une de ses figures sera Charles Spinasse, ministre de l'Économie nationale du Front populaire de juin 1936 à mars 1937, puis son ministre du Budget (de mars à avril 1938), avant d'ensuite être au premier de la collaboration avec l'occupant nazi du camp planiste, prônant une Europe fédérale selon les principes de Pierre-Joseph Proudhon.

Rien que cet exemple montre l'importance du planisme en France. Les ingénieurs sont pétris de cartésianisme, de « rationalisme » par en haut, dans l'esprit de ce que John M. Keynes prônait en Angleterre, ou du New Deal de Theodore Roosevelt. La question est de savoir dans quelle mesure l'option doit être « violente » ou pas pour la société et la démocratie bourgeoise.

Certains deviendront ainsi collaborateurs des nazis, comme Pierre Pucheu qui rejoindra le Parti Populaire Français, devenant ensuite pas moins que Secrétaire d’Etat à la production industrielle puis Ministre de l’Intérieur du gouvernement de Vichy. D'autres choisiront par contre la Résistance, comme Jules Moch, qui deviendra, à de nombreuses reprises, ministre après 1945... en jouant un rôle éminent dans l'écrasement de la vague de grève de 1948.

Car, dans tous les cas, le « planisme » du groupe « X-Crise » vise à affronter le communisme, d'une manière... ou d'une autre. Après la crise de février 1934, le mois de juillet joua un rôle important : voici ce que dit L'Humanité du 31 juillet 1934, dans un article sur la première page et intitulé « Les « juilletistes » » :

« La découverte, il y a deux nuits, boulevard Magenta [à Paris], dans une auto fasciste, d'armes et de cartouches, les défilés fascistes que suscitent les obsèques de Coty et la mort de Lyautey viennent à point pour nous faire souvenir que la lutte contre le fascisme ne doit aucun cas quitter le terrain du concret.

Certes, le fascisme n'a pas encore trouvé ses bases de masses en France, mais il les recherche, il s'y emploie avec des moyens puissants et l'activité en apparence ralentie des vacances ne doit pas nous masquer le travail qu'il accomplit (…).

La grande vague de fond prévue pour le 8 juillet – Néo, anciens combattants, C.G.T. - n'a été, grâce à la constitution du front unique, qu'une marée, très ordinaire, mais elle a laissé, en se retirant, le Plan du 9 juillet.

Et ce plan du 9 juillet qui se vante de réunir des jeunes – un peu mûrs d'ailleurs – est la plus médiocre et la plus vieillotte déclamation fasciste qui se puisse imaginer, la réédition à peu près textuelle du plan de « l'Acacia » !

Elle est le fruit d'une collaboration significative qui va des renégats à la Paul Marion, aux Croix de Feu comme de Maudhuy, aux Jeunesses Patriotes de Saivre : aussi représente-t-elle tout simplement la ligne moyenne de la bourgeoisie.

De quoi s'agit-il ? Une fois de plus, sous prétexte « d'éviter la guerre civile », on tente de rassembler sur un programme anti-marxistes anciens combattants, néos et forces syndicales.

C'est Jules Romains – écrivain que j'ai connu [l'article est de Vaillant-Couturier] jadis aux lisières de ce qu'on appelle « l'extrême-gauche », devenu aujourd'hui propagandiste ardent de Mussolini en France – qui a préfacé ce Plan d'un « nouveau régime » (sic).

Du plan, il n'y a rien à dire, sinon qu'il laisse à tout moment passer l'oreille fasciste par son Conseil des corporations (terme rectifié dans un erratum du genre pavé de l'ours et transformé en Conseil national économique) par l' « Union des ouvriers et des patrons », par le « renforcement de l'exécutif » par l'établissement d'un « gouvernement de fait » destiné à convoquer une Constituante ».

Le groupe « X-Crise » fut ainsi une tentative planiste, fondée sur les « élites ». Si elle échoua, son esprit va se concrétiser dans le projet planiste le plus poussé du type alors : l'école d'Uriage.