24 oct 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français - 10e partie : le national-socialisme du Parti Populaire Français

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Une fois le « Parti Populaire Français » lancé, Jacques Doriot modifia lentement mais sûrement son discours officiel. Il passa du « soutien » aux revendications ouvrières de 1936 à la critique d'une manipulation par les communistes. Il se posa en défenseur des classes moyennes ; en juin 1936, il avait déjà appelé à protéger les petites entreprises, et s'était posé en « intermédiaire » pour les négociations. Les adhérents du « Parti Populaire Français » lui doivent un « serment de fidélité », que voici :

« Au nom du peuple et de la patrie, je jure fidélité et dévouement au « Parti Populaire Français », à son idéal, à son chef.

Je jure de consacrer toutes mes forces à la lutte contre le communisme et l'égoïsme social.

Je jure de servir jusqu'au sacrifice suprême la cause de la révolution nationale et populaire d'où sortira une France nouvelle, libre et indépendante. »

Jacques Doriot apparaît alors comme le grand critique de l'URSS, qui est selon lui une grande menace, à laquelle il faut faire face en organisant de solides alliances avec ses ennemis.

Jacques Doriot passe ici de la position trotskyste – la révolution, oui mais l'URSS a dégénéré – à l'anticommunisme ouvert ; au lieu de lutter contre le communisme de l'intérieur, il lutte à l'extérieur.

Cela l'amène à appeler à la constitution, dès 1937, d'un « Front de la Liberté », en défense des libertés qui seraient victimes du Front populaire : les libertés de parler, de penser, de travailler, de presse et de commerce.

Voici son argumentation éminemment trotskyste, qu'on peut lire dans son document Le Front de la Liberté face au communisme :

« La faillite du socialisme en Union Soviétique a vidé le Parti Communiste français de tout son idéal et la direction que les Russes maintiennent sur son parti en ont fait une véritable armée soviétique campée sur notre sol.

Cette armée, nous allons la voir à l'oeuvre ; il ne s'agit plus d'un parti qui veut faire une révolution sociale dans un pays et qui sait qu'il peut aboutir, d'un parti qui veut libérer la masse humaine des charges qui pèsent sur elle, il s'agit pour l'instant d'une véritable armée étrangère envahissant la France, et rien que cela. »

Le contexte est alors celui de l'affrontement antifasciste, avec notamment la fusillade de Clichy : le rassemblement antifasciste de Clichy contre un rassemblement du « Parti Social Français » (ex-Croix de feu) est réprimée par les tirs de la police faisant cinq morts et 300 personnes blessées.

Le « Front de la Liberté » rassemble alors le « Parti agraire et paysan français », l’« association des amis des Francistes » (ex-Parti franciste), « Parti républicain national et social » (ex-Jeunesses Patriotes), le « Centre de propagande des républicains nationaux » et la « Fédération républicaine » (c'est-à-dire l'aile conservatrice de la droite), avec la non-participation mais le soutien notamment électoral de l'Action française.

C'est évidemment un équivalent du « Front de Harzburg », unissant en 1931 en Allemagne les nazis et les forces conservatrices.

Bien entendu, dans ce cadre, le « Parti Populaire Français » a balancé par-dessus bord l'Internationale et le symbole du marteau et de la faucille, encore utilisés au début. Voici l'hymne qui fut instauré :

Libère-toi France, libère-toi
Secoue le joug des luttes fratricides
Que l'étranger apporte sous ton toit
Sous le couvert de promesses perfides.
Que le Français soit maître de ses lois
Hors du pays les fauteurs de querelle
Nous ne subirons pas votre tutelle
Libère-toi France, libère-toi

I. La liberté que nos ancêtres
Ont payée du prix de leur Sang
Est menacée de disparaître
Lève-toi O peuple tout puissant
Déjà la rouge dictature
De faits sanglants, de combats inhumains
Se repaît de notre blessure
Debout Français, Saint-Denis te tend la main.

II. Méfiez-vous de ces émissaires,
Fossoyeurs de l'Humanité,
Parlant un langage de guerre,
Sous le signe de la Fraternité
Halte-là !... Nous sommes en France
Et vos espoirs guerriers seront vains
Notre ennemie, c'est la souffrance !
Malheur à ceux qui en sèment le grain !

III. Unissez-vous hommes de sciences
Ouvriers, humbles paysans
Joignez la force à l’expérience
En commun, soyez les artisans,
Les pionniers de la vie nouvelle
Et plus léger sera votre tribut
Écoute Jacques Doriot qui t'appelle
Enfant de France vers le plus noble but.

Tout un décorum fasciste s'instaure : cérémonie du drapeau, célébration des tués dans des bagarres (la foule répondant « Présent ! » ou bien « En avant, par-dessus les tombeaux ! »), gardes en uniformes au pied de grands podiums lors des meetings, etc.

Il faut souligner la dimension plébéienne : Jacques Doriot parle franchement et simplement, sans faire du « grand style », il tient ses discours fleuves en chemise, son pantalon tenant par des bretelles, tout en suant abondamment : il apparaît comme un « homme du peuple ».

Pierre Drieu La Rochelle, derrière, se charge de styliser cela :

« Nous avons vu le fils du forgeron, nous avons vu l'ancien métallurgiste dans la houle de ses épaules et de ses reins, dans le hérissement de sa toison, dans la vaste sueur de son front, continuer et épanouir devant nous le travail de quinze ans.

Devant nous, il a pris à bras-le-corps toute la destinée de la France, il l'a soulevée à bout de bras comme un grand frère herculéen. »
(Avec Jacques Doriot)

Et c'est le « grand Jacques » qui doit se charger de réunifier les classes sociales :

« Notre socialisme réussira mieux que le socialisme des socialistes et des communistes, parce qu'on ne peut lui reprocher de servir l'étranger ni de vouloir couper le cou aux bourgeois.

Autre point important, en effet : nous laissons leur peau aux bourgeois, nous leur laissons leurs places dans l'économie et même d'abord l'argent.

Nous leur demandons seulement de nous livrer leurs petites âmes individuelles et du même coup nous retirons l'âme à leur système, qui se met à glisser tout doucement vers le socialisme. »
(L'Homme mûr et le heune homme, La Nouvelle Revue française, 1935)

C'est ainsi une ligne national-socialiste.

Figures marquantes de France: 
Les grandes questions: