Trotskysmes et néo-socialismes français - 11e partie : le Parti Populaire Français, Drieu La Rochelle et le coup de force
Submitted by Anonyme (non vérifié)Ainsi, le Parti Populaire Français a comme objectif un fascisme français, la réconciliation des classes au nom du seul intérêt national, et cela de manière agressive. Jacques Doriot exprimera ainsi, en 1938, sa fascination pour Adolf Hitler et sa « révolution », dans Refaire la France :
« La révolution hitlérienne a redonné à l'Allemagne son autorité, son prestige, sa liberté, sa force (…). Cette révolution nationale populaire, comme toutes les révolutions, est fière de son œuvre (…).
Il semble que la France n'ait pas réalisé complètement l'événement considérable qu'a été l'arrivée au pouvoir des nazis : victoire contre le bolchevisme, victoire plus lente, mais non moins décisive, contre les vieilles forces traditionnelles de l'Allemagne ; victoire pacifiste contre les traités de paix et leurs défenseurs (…).
Notre politique est simple : nous voulons l'union des Français contre le marxisme. Nous voulons débarrasser la France des agents de Moscou. »
On est là dans un projet qui est clair, et le grand intellectuel à l'arrière-plan, c'est Pierre Drieu La Rochelle. L'idéologie du Parti Populaire Français, c'est le principe en quelque sorte de régénérescence nationale, tant corporel que spirituel.
On a ici une expression propre aux conditions françaises de la contradiction entre les villes et les campagnes, et Pierre Drieu La Rochelle tente de théoriser cela, de manière totalement idéaliste. A ses yeux :
« Dans les villes commence à se former la conception bourgeoise de la vie, la conception intellectuelle et rationaliste de l’homme sans corps, de l’homme assis (…). L’homme nouveau est apparu, avec une prompte ampleur en Italie et en Allemagne. »
(Notes pour comprendre le siècle)
Il faut donc une sorte de renaissance, de réconciliation :
« La cellule de l'énergie humaine, du mouvement social, c'est l'individu capable du maximum d'action, l'individu d'élite, le maître. Il pose ainsi de façon implicite le double élément social sur lequel se fonde le fascisme: le chef et le groupe qui entoure le chef. »
(Socialisme fasciste)
« Le capitalisme, sans contrôle intérieur ni extérieur, cette force anonyme et aveugle qui broie aussi bien les travailleurs bourgeois que les travailleurs ouvriers, a défiguré dans la conscience de tous la notion de chef (…).
Vous savez ce que je veux dire : que vous soyez bourgeois, paysans ou ouvriers, vous êtes tous les mêmes, vous avez peur de crier, de chanter. Vous avez trop vécu, cachés dans vos maisons, enfouis dans vos petites vies et histoires individuelles. Vous ne savez plus ce que c’est que d’être ensemble, tous ensemble. »
D'où le soutien à Jacques Doriot, qui représente la « force » :
« Ce parti existe, c’est le parti de la décision, de l’action, c’est le P.P.F.. »
(Avec Jacques Doriot)
Il est ici logique que le Parti Populaire Français naisse en rupture avec le Parti Communiste, car il y a en France une incompréhension idéologique de l'Union Soviétique, comprise comme « dictature », soit négativement par les socialistes en 1920, soit « positivement » par des gens qui s'apercevront pour beaucoup par la suite qu'il y a en réalité une idéologie, un cadre scientifique très précis, qu'il ne s'agit pas simplement d'une logique « brutale » du « coup de force ».
Il y a un malentendu blanquiste, putschiste, typiquement français qui naît en 1920 à la fondation du Parti Communiste, et le Parti Populaire Français en est le produit direct.
Si l'on regarde le premier congrès du Parti Populaire Français, en novembre 1936, si on voit une bonne partie n'appartenant pas un parti politique précédemment, le reste vient grosso modo à part égale du Parti Communiste et de la SFIO d'un côté, de l'extrême-droite de l'autre.
Mais les membres issus de la classe ouvrière formeront toujours un socle d'à peu près 40 % à la base du Parti Populaire Français, même si les classes moyennes prendront une dimension toujours plus grande au fur et à mesure.
Les cadres eux-mêmes viennent du Parti Communiste : le rédacteur de La Liberté n'est pas moins que l'ancien secrétaire de rédaction de L'Humanité, Camille Fégy. L'ancien dirigeant du Parti Communiste pour la période 1929-1931, Henri Barbé, est devenu un haut responsable du Parti Populaire Français. Pierre Dutilleul avait été secrétaire de la Fédération Communiste du Nord, un bastion s'il en est.
En Afrique du Nord, le responsable du Parti Populaire Français Victor Arrighi avait été au Parti Communiste de 1920 à 1924 ; le porte-parole national du Parti Populaire Français, Paul Marion a été un haut responsable du Parti Communiste de 1920 à 1929.
Marcel Gire avait été un haut responsable du Secours Rouge International ; Emile Nedelec avait été Vice-président de l'Association Républicaine des Anciens Combattants ; Fernand Soupé était maire de Montreuil.
Membre du bureau politique du Parti Populaire Français, Jules Teulade vient du syndicalisme anarchiste, ayant été par la suite membre du Parti Communiste à partir de 1923 et secrétaire de la Fédération du bâtiment de la CGT unifié, syndicat dont vient également Alexandre Abremski, un proche de Jacques Doriot et conseiller municipal communiste à Saint-Denis.
Tous ces gens sont acquis aux thèses de Jacques Doriot, au nom du « coup de force », et la perspective « socialiste », c'est la nation, d'autant plus que c'est Robert Loustau, ancien Croix-de-feu, qui rédige le programme du Parti Populaire Français, mélangeant élitisme et corporatisme.
Logiquement, les dons tombent alors de partout : du régime fasciste italien, mais également voire surtout des banques (Worms, Rotschild, Verne, Dreyfus, Lazare, Banque nationale pour le commerce et l'industrie, banque d'Indochine...), du Comité des forges, Byrrh avec les frères Violet, du Comité central des charbonnages, des Ampoules Mazda, du Cercle des associations des entreprises françaises, des industriels et commerçants colonisant l'Algérie, etc.
A Bordeaux, Jean Le Can qui y a construit le port est dans cette logique le responsable local du Parti Populaire Français jusqu'en 1938 ; une figure-clef est également Pierre Pucheu, responsable du service d'exploitation du Comptoir de l'industrie sidérurgique et ancien Croix-de-feu, agent essentiel dans les rapports avec la haute bourgeoisie.
Par cette aide d'une foule de banquiers et industriels, le Parti Populaire Français se procure ainsi de nombreux sièges locaux en province ; les voyages des cadres se font toujours en première classe, plusieurs journaux sont achetés : des quotidiens, des hebdomadaires, des revues. Sa base tient en pratique à 75.000 personnes, mais irradiant aisément 300.000 personnes.
Mais à côté de ce mouvement de masse organisé par en haut, on retrouve une foule de projets concernant uniquement les élites. Cette option sera privilégiée au point que le soutien au Parti Populaire Français se ralentira massivement à partir de 1938, de la fin du Front populaire. L'option visant à réorganiser par en haut, sans utiliser les masses, prend le dessus, et le Parti Populaire Français devra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour tenter de prendre les planistes de vitesse et tenter d'ériger sa dictature se voulant mobilisatrice.