5 nov 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français - 19e partie : le trotskysme comme parasite des directions

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Les trotskystes ont tous étudié le Programme de transition, et toutes leurs stratégies sont fondées dessus. Mais les différences d'interprétation modifient les démarches.

Il est ainsi une conception absurde de Trotsky, une conception totalement anti-dialectique, voulant que l'économie capitaliste a cessé de renforcer sa base productive. On lit ainsi que :

« La prémisse économique de la révolution prolétarienne est arrivée depuis longtemps au point le plus élevé qui puisse être atteint sous le capitalisme. Les forces productives de l'humanité ont cessé de croître. Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle. »

Aussi incohérent que cela puisse être, le courant trotskyste lambertiste maintient cette affirmation, alors qu'évidemment le niveau des masses des pays capitalistes a largement progressé depuis 1938.

Pour autant, il s'agit ici surtout de différentes mises en perspectives et cette question des forces de production est un prétexte aux différences concernant les revendications à employer.

En effet, l'idée de base du Programme de transition c'est de trouver des revendications réformistes ayant une nature « révolutionnaire ». Le trotskysme rejette le matérialisme dialectique qui raisonne en termes d'étapes et d'idéologie, assimilant la révolution socialiste « stalinienne » à une sorte de coup de force équivalent au fascisme, ou comme le dit le Programme de transition :

« Les "Fronts populaires" d'une part, le fascisme de l'autre, sont les dernières ressources politiques de l'impérialisme dans la lutte contre la révolution prolétarienne. »

Les revendications qui seraient réformistes et révolutionnaires en même temps permettraient par contre la solution, car elles seraient une authentique mobilisation de masse, le « parti » n'ayant comme existence que d'appuyer et de diriger cette mobilisation de masse, vers la « grève générale ».

« La IV° Internationale met en avant un système de REVENDICATIONS TRANSITOIRES dont le sens est de se diriger de plus en plus ouvertement et résolument contre les bases mêmes du régime bourgeois. Le vieux "programme minimum" est constamment dépassé par le PROGRAMME DE TRANSITION dont la tâche consiste en une mobilisation systématique des masses pour la révolution prolétarienne. »

Les partis trotskystes sont ainsi des agrégats de tendances, pas un parti communiste organique fondé sur une idéologie.

Les partis trotskystes sont des « centres » d'agitateurs syndicaux, car la révolution selon Trotsky passe nécessairement par les syndicats au départ, d'où la bataille pour le contrôle des syndicats par les trotskystes et les appels à la « démocratie prolétarienne ».

Les trotskystes rejettent par principe le fait que sous la dictature du prolétariat, il n'y ait qu'un seul Parti, qu'une seule idéologie, une seule ligne.

Il y a ainsi ici un sabotage des principes du communisme, à quoi s'ajoutent que les revendications trotskystes sont en réalité l'outil du fascisme.

Pourquoi ? Parce que leurs réalisations sont impossibles dans le capitalisme, sauf par le fascisme. Le trotskysme nie simplement qu'elles soient réalisables, « oubliant » le fascisme.

Les divergences entre tendances trotskystes s'appuient sur les questions de priorité à telle ou telle revendication que que Trotsky a mis en avant, et dont voici les cinq principales :

1. « Contre la cherté de la vie, qui , au fur et à mesure que la guerre se rapprochera, prendra un caractère de plus en plus débridé, on ne peut lutter qu'avec le mot d'ordre de l'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. Les contrats collectifs doivent assurer l'augmentation automatique des salaires, corrélativement à la montée des prix des articles de consommation. »

2. « Contre le chômage, tant "structurel" que "conjoncturel", il est temps de lancer, en même temps que le mot d'ordre des travaux publics, celui de l'ECHELLE MOBILE DES HEURES DE TRAVAIL. Les syndicats et les autres organisations de masse doivent lier ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas par les engagements mutuels de la solidarité. »

3. « Afin de réaliser un système unique d'investissement et de crédit, selon un plan rationnel qui corresponde aux intérêts du peuple tout entier, il faut fusionner toutes les banques dans une institution nationale unique. Seules, l'expropriation des banques privées et la concentration de tout le système de crédit entre les mains de l'État mettront à la disposition de celui-ci les moyens nécessaires réels, c'est-à-dire matériels et non pas seulement fictifs et bureaucratiques, pour la planification économique. »

4. « La lutte contre le fascisme commence, non pas dans la rédaction d'une feuille libérale, mais dans l'usine, et finit dans la rue. Les jaunes et les gendarmes privés dans les usines sont les cellules fondamentales de l'armée du fascisme. Les PIQUETS DE GRÈVES sont les cellules fondamentales de l'armée du prolétariat. C'est de là qu'il faut partir. A l'occasion de chaque grève et de chaque manifestation de rue, il faut propager l'idée de la nécessité de la création de DÉTACHEMENTS OUVRIERS D'AUTODÉFENSE. »

5. « L'expropriation des expropriateurs ne signifie pas non plus la confiscation forcée de la propriété des PETITS ARTISANS et des PETITS BOUTIQUIERS. Au contraire, le contrôle ouvrier sur les banques et les trusts, à plus forte raison la nationalisation de ces entreprises, peut créer pour la petite bourgeoisie citadine des conditions de crédit, d'achat et de vente incomparablement plus favorables que sous la domination illimitée des monopoles. La dépendance envers le capital privé fera place à la dépendance envers l'État, qui sera d'autant plus attentif pour ses petits collaborateurs et agents que les travailleurs eux-mêmes tiendront plus fermement l'État dans leurs mains. »

Le problème est facile à comprendre :

* Toutes ces revendications, d'une manière ou d'une autre, sont parfaitement intégrables dans l'organisation du mode de production capitaliste.

Ainsi, en 1981 le secteur bancaire a été largement nationalisé en France, mais la bourgeoisie l'a accepté et d'ailleurs elle en a profité par la suite : l’État était bourgeois et donc cette revendication trotskyste n'a servi que la réorganisation, la modernisation du capital.

De la même manière, l'échelle mobile des salaires a existé dans plusieurs pays, c'est une revendication « keynésienne » classique, etc.

* La bataille est réduite à la question du rapport de force dans les entreprises : sont niées l'idéologie, la culture. Le prolétariat est réduit aux ouvriers assemblés individuellement et devant profiter individuellement.

Le prolétariat n'est pas ici une classe protagoniste, mais un « vecteur » pour la direction trotskyste : c'est précisément la vision planiste.

* Trotsky s'imagine que les monopoles contrôlent de manière uniforme toute la société et « décident », alors que le capitalisme ne pense pas et les monopoles ne peuvent donc pas « choisir ».

Le trotskysme raisonn en fait en termes de « plan contre plan », et il considère que les individus prolétaires doivent s'unir, par le syndicat au départ puis en masse ensuite dans des comités, pour surveiller l'économie et la réorganiser à leur profit. C'est la conception des révolutionnaires comme parasites de directions dont il faut prendre le contrôle.

Cela n'a rien à voir avec la conception matérialiste dialectique du mode de production, c'est en réalité un planisme. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la thèse fondamentale du trotskysme :

« La tâche centrale de la IV° Internationale consiste à affranchir le prolétariat de la vieille direction, dont le conservatisme se trouve en contradiction complète avec la situation catastrophique du capitalisme à son déclin et constitue le principal obstacle au progrès historique. »