14 oct 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français – 2de partie : l'entrisme comme démarche trotskyste par excellence

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Les trotskysmes français sont historiquement des réformismes « durs » s'opposant à l'utilisation de concept de « république » par la social-démocratie. Le trotskysme n'est nullement « communiste » ; sa base idéologique est une sorte d'indépendantisme de la social-démocratie.

Pour cette raison, la dynamique des trotskysmes français s'appuie sur cette volonté de « rupture » de la social-démocratie avec les nécessités pratiques gouvernementales. Le pouvoir est censé revenir aux organisations ouvrières, partis comme syndicats, s'unifiant pour un nouveau régime issu des luttes économiques « maximalistes ».

Les trotskysmes français sont donc totalement français dans leur base même, dans leur socle idéologique et social : ils sont nés de l'absence de radicalité dans la social-démocratie française historique.

Il se pose par contre bien sûr la question du grand concurrent communiste, qui a lui dépassé le réformisme de la social-démocratie française, même si de manière insuffisante et déséquilibrée. Les trotskysmes français se sont justement appuyés sur ces faiblesses – et sur l'appui pratique des réformistes de la social-démocratie face au communisme – pour se développer.

Leur démarche va en permanence osciller entre surtout un entrisme très net vers le Parti socialiste – considéré comme réformiste – et des démarches entristes vers le Parti Communiste – considéré comme « bureaucratisé ».

L'entrisme est donc une démarche purement trotskyste : elle consiste à envoyer des gens dans une organisation afin de l'influencer de l'intérieur. Ce travail de sape se fait souvent clandestinement, sous forme d'une fraction masquant ses activités, mais il peut être ouvert, avec le principe des « tendances », « fractions », etc.

Les multiples scissions au sein du trotskysme procèdent, en pratique, des débats à ce sujet. Il y a ceux qui prônent l'entrisme vers le PS, d'autres vers le PC, d'autres encore les deux, d'autres uniquement dans des organisations liées au PS, d'autres vers celles liées au PC, etc. etc.

Du temps même de Trotsky, le trotskysme existait en réalité sous la forme de trotskysmes. Mais au départ, une « Ligue communiste » fut fondée en France en 1930, rassemblant des opposants internes au Parti Communiste. Trotsky parvient alors à convaincre la majorité d'entre eux d'adhérer à la social-démocratie représentée alors par la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière).

Ce courant « reconnu » par Trotsky du trotskysme exista alors de manière ouverte en tant que ent « groupe bolchevik-léniniste » publiant « La Vérité ». Trotsky considère alors, en anti-communiste, que le Parti Communiste français n'est plus révolutionnaire, voire contre-révolutionnaire. C'est donc la social-démocratie qui jouera le rôle principal... poussée par les événements, et à condition d'être correctement influencée.

Trotsky explique ainsi, en août 1934 :

« La destinée du prolétariat dépend dans une large mesure, à notre époque, de la résolution avec laquelle la social-démocratie réussira, dans le bref délai qui lui est imparti, à rompre avec l’État bourgeois, à opérer une mutation et à se préparer à la lutte contre le fascisme.

Le fait même que la destinée du prolétariat puisse ainsi dépendre de celle de la social-démocratie est la conséquence de la faillite de l'Internationale communiste comme parti dirigeant du prolétariat international, et aussi l'exceptionnelle acuité de la lutte des classes.

La tendance du centrisme à supplanter le réformisme, de même que la tendance du centrisme à la radicalisation, ne peuvent manquer de revêtir un caractère international, en corrélation avec la crise mondiale du capitalisme et de l’État démocratique. Mais il est d'une importance décisive pour les conclusions pratiques, surtout dans le domaine de l'organisation, de savoir comment cette tendance se réfracte, à l'étape donnée du développement, à l'intérieur du parti social-démocrate d'un pays donné (…).

Sous l'influence aussi bien des conditions nationales spécifiques que des leçons internationales, la crise intérieure de la social-démocratie française a évolué de façon beaucoup plus profonde que celle de la social-démocratie allemande dans la période correspondante. La bureaucratie socialiste s'est vue forcée de porter un coup à sa droite. Au lieu d'assister, comme en Allemagne, à l'exclusion d'une petite aile gauche, nous avons été témoins de la rupture avec l'aile droite la plus conséquente (en sa qualité d'agence de la bourgeoisie), les néos (…).

D'autre part, on ne peut pas tenir pour exclu que la bureaucratie social-démocrate, en France, avec l'aide active des staliniens, parvienne à isoler l'aile gauche et donner à l'évolution du parti un caractère rétrograde (…).

Les deux partis [SFIO et PC] représentent des organisations centristes, avec cette différence que le centrisme des staliniens est le produit de la décomposition du bolchevisme, tandis que le centrisme du parti socialiste est né de la décomposition du réformisme.

Il existe entre eux encore une autre différence, non moins essentielle. Le centrisme stalinien représente, malgré ses tournants convulsifs, un système politique très stable qui est indissolublement lié à la situation et aux intérêts de la puissante couche bureaucratique. Le centrisme du parti socialiste reflète la position transitoire des ouvriers qui cherchent une issue sur la voie de la révolution.

Dans le parti communiste, il y a indubitablement des milliers d'ouvriers combatifs. Mais ils sont désespérément confus (…).

En donnant au Front unique un caractère purement décoratif, en sacrant du nom de « léninisme » leur renonciation aux mot d'ordre révolutionnaires élémentaires. les staliniens retardent le développement révolutionnaire du parti socialiste. Ils continuent à jouer leur rôle de frein, même maintenant, après leur tournant acrobatique. Le régime intérieur du parti exclut aujourd'hui, de manière plus décisive encore qu'hier, toute croyance en la possibilité de sa renaissance.

On ne peut comparer la S.F.I.O. et la S.F.I.C. comme on compare deux pièces d'étoffe : quel tissu est le meilleur, le plus serré ? Il faut considérer chaque parti dans son développement et tenir compte de la dynamique de leurs rapports réciproques à l'heure actuelle. Ce n'est qu'ainsi que nous trouverons, pour notre levier, le point d'appui le plus avantageux (…).

Il n'est nullement besoin d'idéaliser la S.F.I.O., c'est-à-dire de la faire passer, avec toutes ses contradictions actuelles, pour le parti révolutionnaire du prolétariat; Mais on peut et on doit considérer ses contradictions internes comme une garantie de son évolution ultérieure et, partant, comme un point d'appui pour le levier marxiste. La Ligue peut et doit montrer l'exemple à ces milliers et à ces dizaines de milliers d'ouvriers révolutionnaires, d'instituteurs, etc. qui risquent, dans les conditions actuelles, de rester en dehors du courant de la lutte. En entrant dans le parti socialiste, ils renforceront extraordinairement l'aile gauche, féconderont toute l'évolution du parti, constitueront un centre d'attraction puissant pour les éléments révolutionnaires du parti dit « communiste » et faciliteront ainsi considérablement le débouché du prolétariat sur la voie de la révolution.

Sans renoncer à son passé et à ses idées, mais aussi sans de quelconques arrière-pensées de cercle, en disant ce qui est, il faut entrer dans le parti socialiste : nullement pour des exhibitions, nullement pour des expériences, mais pour un sérieux travail révolutionnaire sous le drapeau du marxisme. » (S.F.I.O. et S.F.I.C. : la voie du débouché)