2 déc 2013

Les manifestations de Carhaix et de Paris de ce week-end

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Deux manifestations ont marqué l'actualité politique de ce week-end, deux manifestations révélant le fond politique de la situation en France.

D'un côté, en effet, il y avait les « bonnets rouges » qui manifestaient à Carhaix en Bretagne, le samedi 30 novembre 2013 ; de l'autre, le Front de Gauche manifestait à Paris, le 1er décembre 2013, contre « l'injustice fiscale ».

C'est-à-dire que le week-end a été marqué de deux moments politiques de profonde irrationalité, dans un esprit totalement petit-bourgeois où le « peuple » devrait s'unir face à une « poignée » de nantis. On a, dans les deux cas, la négation profonde de la réalité sociale, marquée par l'antagonisme principal entre prolétariat et bourgeoisie.

Le rassemblement des bonnets rouges

Les « bonnets rouges », c'est ce fameux mouvement lancé par en haut par des capitalistes de Bretagne, utilisant le localisme et un nationalisme fictif afin de mobiliser les masses populaires en ce sens.

La manifestation à Carhaix avait son importance, car elle devait montrer que le mouvement, ultra-populiste et totalement corporatiste, ne s’essoufflait pas ; d'ailleurs, le maire de la ville en question est la principale figure du mouvement, Christian Troadec.

Celui-ci, accompagnée de la représentante de la Fédération des Transports Routiers, a déclaré dans son discours final, en substance, que sans patrons, pas de salariés ; pour qu'il y ait de l'emploi, il faut des capitalistes.

Il a appelé François Hollande à  venir en Bretagne « comme l'ont fait De Gaulle en 1969 quand il a annoncé le Pacte Routier; Giscard, en 1977 pour la charte culturelle de Bretagne et Mitterrand en 1981 pour annoncer l'abandon de la centrale nucléaire de Plogoff. Je l'invite à venir ici annoncer la suppression de l'écotaxe. »

Preuve de la réussite complète de cette opération dans l'esprit de la chouannerie – les bonnets rouges, c'est aussi un symbole de cela, et pas qu'une révolte fiscale face à Louis XIV – l'ensemble de l'extrême-gauche présente en Bretagne a suivi.

A suivi, ou précédé historiquement, c'est difficile à dire, tellement le discours sur la Bretagne y compris à l'extrême-gauche « bretonne » est totalement empreint d'un refus de voir la bourgeoisie en face, masquant sa propre nature de classe derrière les critiques du centralisme parisien.

C'est à croire qu'il n'y a pas de bourgeoisie en Bretagne... et c'est le prix à payer pour les « anticapitalistes » pour pouvoir défiler aux côtés des bourgeois.

Afin de garder la face, autonomistes, NPA, anarchistes, etc. ont d'ailleurs prétendu faire un « bloc », au nom d'un « peuple travailleur breton » dont feraient même partie les étudiants. On touche ici le fond d'une situation pathétique, où des gens se prétendant d'extrême-gauche sont, non plus seulement les laquais de la social-démocratie, mais carrément ouvertement de toute une frange de la bourgeoisie.

Qu'ont donc dans la tête les quelques centaines d'ouvriers des usines en crise totale pour aller dans une telle manifestation et s'y faire applaudir par des « bonnets rouges » ? Eh bien, c'est le syndicalisme, voire le syndicalisme « national », c'est-à-dire une mentalité fasciste.

Ce qui s'est passé à Carhaix illustre une soumission idéologique et culturelle totale à la bourgeoisie locale, et il est flagrant que l'idéologie « nationaliste bretonne » en a été un puissant vecteur.

Le chanteur « historique » du nationalisme breton, Gilles Servat, a ainsi bien sûr chanté samedi et il a expliqué que :

« Mieux vaut l'aventure que subir la dictature de la bourgeoisie parisienne »

Voilà un sacré aveu du caractère irrationnel du mouvement des bonnets rouges...

C'est une catastrophe complète, la déroute du prolétariat, le prix à payer pour ne pas avoir assumé l'idéologie combattante, pour ne pas avoir considéré que l'opposition à la bourgeoisie doit être complète et sans compromis.

Conséquence de cela du côté des personnes se voulant révolutionnaires : l'irrationalisme a régné en maître, entre gauchistes portant un « drapeau breton » inventé par des fascistes et conspirationnistes, certains même avec notamment Nicolas Sarkozy dessiné avec une étoile de David ou encore des propos délirants typiquement « chouans ».

C'est révélateur de la nature de classe, fondamentalement petite-bourgeoise, toujours prête à « s'ouvrir » aux petits patrons, aux « petits » contre les « gros », etc.

Sous prétexte d'union populaire, c'est le drapeau de la révolution socialiste qui est jeté à la poubelle, et il n'est gère étonnant ici que les pseudos maoïstes de « Drapeau rouge », après leur pathétique soutien aux petits capitalistes produisant du lait, soutiennent les « bonnets rouges » au nom de la présence du « peuple ».

Le « peuple » est ici le concept populiste, plébéien, censé justifier tout et n'importe quoi, et c'est précisément cela qu'il faut démasquer.

L'actualité prolétarienne, c'est la révolution socialiste, et la guerre populaire ne commence pas en défilant avec des petits patrons luttant contre la fiscalité...

Et justement, le moment est là ; il grandit. Le capitalisme se casse la gueule et il faut vite proposer une alternative conséquente, complète, totale !

Même José Bové peut constater que « les manifestations en Bretagne sont manipulés par la FNSEA et le MEDEF qui soutiennent une agro-industrie qui va droit dans le mur. » C'est tout un modèle qui s'effondre et l'heure est à proposer l'alternative socialiste !

Le rassemblement du Front de gauche à Paris

Alors que les « bonnets rouges » ont été grosso modo 30 000 à Carhaix, Jean-Luc Mélenchon a quant à lui revendiqué 100 000 personnes, pour en réalité véritablement bien moins, voire moins qu'à Carhaix, le tout en tout cas dans une ambiance bien plus terne et moins révoltée si l'on ose dire.

Il faut dire que l'idée de manifester pour une « révolution fiscale » jusqu'au ministère de l'économie n'a rien de motivant pour des masses populaires qui ont compris le caractère vain de telles initiatives.

Mélenchon se place simplement comme meilleur gestionnaire de la bourgeoisie. Il a tenté, une nouvelle fois de se mettre en scène, de se présenter comme la figure de proue de la contestation vraiment de gauche et ancrée dans l'histoire républicaine. Il a d'ailleurs cité Victor Hugo et repris ce qu'il avait affirmé il y a peu : nous serions en 1788, la situation serait pareille qu'au moment de la fin de l'Ancien régime, etc.

Il se pose ainsi comme sauveur de la république bourgeoise, au moyen de différentes taxes qui permettraient d'acheter l'unité. Le contenu relève donc du bricolage populiste, du bon mot employé comme arme politique.

Il a, au cours de ses différents délires populistes de ces derniers jours, qualifié Bercy (le lieu du ministère de l'économie) de « portique du Medef », une manière d'apparaître radical et d'éviter d'avoir à parler de la bourgeoisie ; il y a également eu des « happenings » autour du « fisc fucking ».

Jean-Luc Mélenchon ne compte pas abandonner le terrain de la fiscalité pour parler des luttes de classe ; il fait comme les trotskystes et en reste sur le terrain de la question de la gestion. Là où les bonnets rouges veulent une sorte de solution par en bas, il veut une solution par en haut.

Et dans tous les cas, la bourgeoisie a les mains libres pour continuer ses activités.

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