Trotskysmes et néo-socialismes français – 17e partie : Le Monde et Sciences-Po, au cœur des « cathos de gauche »
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les gens issus de l'école d'Uriage ont soutenu totalement Le Monde. Lors d'une crise en 1951, où Hubert Beuve-Méry faillit perdre la direction du journal au profit de René Courtin et d'une fraction libérale-démocrate, il y eut d'ailleurs une vague de soutien, d'un côté par Charles De Gaulle, de l'autre avec un appel signé par 350 personnes dont 31 professeurs à la Sorbonne, au Collège de France, aux facultés, 36 membres du Conseil d’État, de la Cour des Comptes, de l’Inspection des finances et de la magistrature.
L'État lui-même soutient Le Monde. C'est Charles De Gaulle qui a amené Hubert Beuve-Méry à en devenir le dirigeant, quant au papier et son prix, aux salaires, l'impression elle-même, le prix de vente, la dimension du tirage, etc. tout cela est décidé directement par les ministères...
Le Monde commence à 100 000 exemplaires par jour, pour atteindre 140 000 exemplaires en 1956, tout cela avec une équipe de 300 personnes. A partir de 1955, et jusqu'en 1962, le tirage double. En 1974, le tirage est de 430 000 exemplaires : avec mai 1968, c'est le triomphe de l'esprit de l'école d'Uriage par l'intermédiaire du Monde, qui en 1983 est un monument employant plus de 1300 personnes.
Le journal Le Monde va cependant abandonner relativement Charles De Gaulle, car sa ligne reste encore et toujours celle d'Uriage : décentralisation, traditionalisme, évolutions administratives sans rupture réelle afin de maintenir une « continuité » corporatiste, le respect absolu du « travail », la patiente construction d'une élite, etc. etc.
La position du Monde est ainsi en 1968 d'un côté de reconnaître une valeur à la critique de la société, mais en même temps d'appuyer Charles De Gaulle face au chaos éventuel. Hubert Beuve-Méry écrit ainsi :
« Nécessité d’une mutation de la société, participation de chacun aux activités qui le concernent, rétablissement de l’ordre public et des conditions de vie élémentaires du pays, réforme des structures, adaptation de l’Université aux nécessités modernes de la nation ainsi qu’au rôle et à l’emploi des jeunes, arrêt d’une dégradation qui ouvrirait bientôt la voie à une de ces guerres civiles dont quelque dictature est le couronnement normal, le Charles De Gaulle a tracé là — sommairement — un programme qui ne peut être que celui de tout gouvernement digne de ce nom. On doit, sur ce point, lui donner raison. (…).
Si ce devait être le chaos, la France ne disparaîtrait pas pour autant. Tôt ou tard, le “sang nouveau” dont parle le Général viendrait l’irriguer. Elle risquerait seulement de payer fort cher l’obstination d’un homme incapable de se retirer à temps, en renonçant pour lui et pour elle à la démesure de ses rêves. » (26-27 mai 68)
Charles De Gaulle quitta le pouvoir en 1969, Hubert Beuve-Méry quitta Le Monde la même année, remplacée par Jacques Fauvet. C'est la même année où l'Institut d'études politiques de Paris (IEP de Paris), communément appelé « Sciences Po », devint un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Auparavant, « Sciences Po » avait été nationalisé en 1945, étant une école privée à l'origine. Aujourd'hui encore « Sciences Po » dépend d'une « fondation » privée : la « Fondation nationale des sciences politiques » ; depuis 1985, c'est un « grand établissement ».
Rejoindre « Sciences Po », c'est suivre un parcours balisé pour arriver aux plus hauts postes de gestion, des administrations comme des entreprises, avec l'École Nationale d'Administration comme prolongement pour les plus hauts postes d'État.
Le Monde et « Sciences Po », c'est précisément la même culture, la même approche, la même idéologie. On a ici affaire à une bourgeoisie « cultivée », nettement de gauche, mais farouchement anti-communiste et considérant que les réformes passent par l'État, tout en restant ouvert aux entreprises.
C'est une mentalité de « cadres », une mentalité typique du néo-socialisme, du planisme.
Et pour cette raison, le trotskysme va chercher pendant des décennies à recruter dans ce milieu, s'orientant en apparence vers les usines mais également surtout aux sorties des grands lycées parisiens, des grandes écoles comme « Sciences Po », l’École Normale Supérieure, l’École Normale d'Administration, mais également les syndicats.
L'objectif reste le même: empêcher le communisme, prôner une gestion différente, prétendument planifiée, rationnelle, au service du peuple.