Photo en une du Monde : le chantage émotionnel anti-populaire autour de la migration
Submitted by Anonyme (non vérifié)« Il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue de certaines misères » disait Jean de La Bruyère, et effectivement les drames qui se nouent autour des migrants sont poignants. Rien de pire, toutefois, que de ne pas avoir d'attitude matérialiste et de confondre le drame humain de la migration avec ce que celle-ci représente actuellement.
Et c'est un chantage moral littéralement ignoble qu'a fait le journal Le Monde hier en publiant, en gros titre de ses versions papier et web, le cadavre d'un enfant de 3 ans, trouvé mort sur la plage de Bodrum en Turquie, lors d'une tentative de sa famille de rejoindre l'île grecque de Kos, juste en face.
Il y a quelques jours, le pape François a rappelé que « les migrants sont la chair du Christ », mais qui aurait pensé qu'un journal aussi sérieux que Le Monde passe dans le camp du racolage complet, même s'il appartient effectivement à un groupe de presse catholique (allant du Monde diplomatique à La Vie, Les Clés de la foi, etc.) ?
Cependant, il est vrai que la situation est polarisée au possible. Car si les classes aisées appellent à la solidarité et à l'ouverture en masse, les classes populaires disent oui à la solidarité mais un non catégorique à la migration. C'est qu'elles, elles savent, question de culture et de civilisation, que lorsque des gens viennent, il leur faut un logement, un travail, un encadrement sanitaire, des dispositifs scolaires, une logique d'intégration, etc.
Y a-t-il cela ? Absolument pas. La société française est un chaos capitaliste, où les villes populaires et les villages des campagnes subissent des troubles ininterrompus, agressant la vie quotidienne des masses. La situation est intenable, considérée comme invivable et insupportable par les gens.
Alors, avec tout le respect qu'on peut avoir pour Charles Aznavour en tant qu'artiste, quel est le sens de son appel en soutien aux migrants, quand lui-même habite en Suisse un village de 3000 habitants au bord du lac Léman, idéalement situé sur la route entre Lausanne et Genève ?
C'est là une hypocrisie typique : les voix de la bourgeoisie et du catholicisme social qui appellent à l'ouverture n'hébergeront pas du tout les migrants dans leurs quartiers, qui sont toujours plus chics, plus propres, plus élitistes. La bourgeoisie, retranchée dans ses beaux quartiers, aux valeurs décadentes, ne voit en la migration qu'une chose : le renforcement du prolétariat dans sa forme décomposée, divisée et soumise.
Inversement, le communisme a toujours défendu les révolutions dans chaque pays comme composante de la révolution mondiale; l'affaiblissement d'une nation, par le pillage ou les migrations, est anti-populaire. L'internationalisme prolétarien raisonne en termes de dignité et de développement équilibré et réfute le développement inégal du capitalisme.
Car pour ce dernier, il s'agit ici d'une opération de mobilisation de masse dans le sens de la « charité » et on ne sera guère étonné d'apprendre dans notre dossier sur l'émigration et la migration que c'est l’Église catholique qui a lancé il y a un siècle le grand thème du migrant comme « sujet » social, comme « martyr » de notre époque.
Il s'agit d'empêcher les masses de lutter dans leur propre pays semi-coloniaux semi-féodaux dans le tiers-monde, il s'agit de corrompre par les sentiments (devenus alors religieux) dans les métropoles capitalistes-impérialistes.
Ce qui a été mise en place hier, c'est ainsi une opération de chantage ignoble, une de ces actions d'ailleurs combinées du catholicisme social et du post-modernisme d'extrême-gauche pour attaquer les masses, pour les diffamer, pour les faire passer pour rétrogrades, réactionnaires, etc.
Les masses seraient arriérées et égoïstes, les catholiques sociaux et les universitaires seraient les défenseurs de l'humanisme et du partage.
En jouant sur la confusion entre réfugiés et migrants, on entend faire passer les gens pour des salauds. Cette confusion est systématique, elle est claire pour qui fait simplement attention aux mots. Voici par exemple ce que dit le NPA : « réfugiéEs des guerres, Roms (des migrantEs de l’intérieur de l’Europe...) ou sans-papiers, tous sont des migrantEs qui doivent avoir la liberté de circuler et de s’installer. »
La situation d'une personne réfugiée fuyant la guerre et le massacre et celle d'une personne abandonnant sa campagne pour tenter de vivre mieux n'ont absolument rien à voir.
Les grandes masses ne sont de fait pas dupes. La classe ouvrière, en particulier, possède par essence même l'internationalisme prolétarien. Elle n'est certainement pas égoïste. Ce qu'elle voit par contre très bien est qu'il n'y a ici qu'un seul but avec ce discours sur la migration : désorganiser encore plus les classes populaires, les diviser, les fragmenter, anéantir leur identité populaire et toutes leurs traditions.
L'immigration jusque-là était acceptée de par sa nature ouvertement dialectique : les immigrés rentrent en concurrence sur le plan de l'emploi mais en même temps ce n'est pas vrai et ils renforcent la classe ouvrière, les mélanges se font tout de même et l'intégration se réalise au-delà de multiples contradictions au sein du peuple, notamment avec les préjugés racistes et semi-féodaux de part et d'autre, etc.
Tout cela fut bien compliqué, c'est encore bien compliqué et les grandes masses n'ont pas encore fini de digérer ce processus – mais c'est en cours, même si le Front National entend empêcher justement la recomposition de la classe. Toutefois, hors de question par conséquent d'accepter une nouvelle vague de migration qui viendrait abîmer le tissu prolétarien en recomposition.
La position est absolument unanime dans la classe et à moins de dire qu'elle soit entièrement raciste – ce que font les post-modernes –, la ligne de masses sur ce point est éminemment simple.
L'extrême-gauche qui prône l'effacement des frontières et le droit de s'installer où l'on veut, quand on veut, ne défend pas le point de vue du peuple, mais de la bourgeoisie moderniste, ou bien de l'ultra-gauche qui se veut ultra-révolutionnaire, ce qui revient au même.
Rien à voir, en tout cas, avec le peuple. Il saute aux yeux des masses que les discours sur la solidarité sont hypocrites, que l'ouverture massive des frontières actuelle est seulement un moyen pour le capitalisme d'écraser la classe ouvrière, de diviser les masses en faisant s'installer des centaines de milliers de personnes issues des campagnes et pétries d'idéologie semi-féodale, et surtout de répondre à la baisse tendancielle du taux de profit en se procurant une main d'œuvre à très bas salaire.
Le chantage moral de la presse vise à permettre cela, précisément en passant par le gommage de la différence fondamentale entre réfugiés et migrants. La famille du pauvre enfant mort n'était pas une famille réfugiée, obligée de tout abandonner pour survivre, même si les raisons sont naturellement faciles à comprendre : il s'agit de vivre mieux, en paix.
Elle vivait déjà en Turquie et la mort a été provoquée par la tentative de migrer au Canada. La famille avait initialement quitté la ville syrienne d'Aïn al-Arab / Kobané ; or, cette ville est en ce moment sous contrôle du PKK kurde et on ne peut pas d'un côté dire qu'il faut combattre militairement l’État islamique et en même temps soutenir l'abandon du pays. De plus, le père a expliqué qu'il allait retourner à Kobané pour procéder à l'enterrement de sa femme et de ses deux enfants, ce qui montre qu'il n'y a pas impossibilité d'y retourner pour cette famille.
C'est là le drame des migrants : vouloir vivre mieux, mais en s'orientant absolument individuellement, en ayant une position absolument anti-patriotique d'abandon pur et simple de leur pays.
C'est surtout vrai des couches éduquées, qui abandonnent en masse leur patrie pour tenter une carrière individuelle, pour par la suite réinvestir dans leur propre pays, contribuant à renforcer la domination semi-coloniale semi-féodale. C'est là la terrible actualité présente dans les pays « du tiers-monde » - est-il besoin de souligner ce que cela signifie pour le développement local ? C'est une catastrophe complète, un pillage complet par les pays capitalistes - impérialistes.
Idéologiquement, cette tendance à l'abandon de son pays est vrai aussi des masses paysannes, happées par le « rêve américain » - ce qui est un processus idéologique précisément opposé à la guerre populaire anti-féodale, et qui converge parfaitement avec les intérêts des impérialistes à l'échelle mondiale.
Ce que révèle la migration actuelle, c'est le chaos à l'échelle mondial provoqué par le développement inégal du mode de production capitaliste, c'est le maintien des traits féodaux dans la majeure partie des pays du monde ce qui bloque le développement économique et démocratique, c'est l'hégémonie complète de l'idéologie capitaliste et de son individualisme.