15 déc 1935

Le Secours rouge et l'union dans la solidarité - Jean Chauvet (décembre 1935)

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Jean Chauvet, décembre 1935

Les communistes dans le Secours rouge

Au VIIè congrès de l'Internationale communiste, Dimitrov – dont le nom est l'évocation du peuple dressé de toute sa puissance contre le fascisme – en termes clairs, indiqua que si par son activité le Secours Rouge International a « gagné l'amour, l'attachement et la profonde reconnaissance de centaines de milliers de prolétaires et d'éléments révolutionnaires, paysans, intellectuels », sa tâche se pose maintenant de se transformer en une véritable organisation de masse de travailleurs de tous les pays capitalistes, pour devenir une sorte de « Croix Rouge », englobant des millions d'hommes, de femmes, de jeunes .

A la veille du VIIIè congrès de notre Parti communiste français, je veux, par cette contribution, montrer comment les communistes doivent être les meilleurs, les plus fraternels, les plus affectueux parmi les membres du Secours Rouge en France.

Dévouement et solidarité

Nous, communistes, nous devons être les meilleurs partout où nous nous dévouons.

Lorsqu'il s'agit de la solidarité aux victimes de la répression capitaliste et de la terreur fasciste, le dévouement doit être en proportion de celui que la population laborieuse apporte sous la forme d'aide et de soutien.

La tâche des communistes, pour la solidarité est immense, mais tout aussi immenses sont les possibilités de la rendre puissante. Cela pose pour la France de faire du Secours Rouge la grande et agissante organisation englobant toutes les couches sociales de notre pays, et là les communistes doivent être hardis, audacieux, car il s'agitt d'atténuer la souffrance humaine, car il est certain que la grande masse du peuple de France a toujours porté un concours efficace à une telle oeuvre.

En 1934, les communistes au sein du Secours Rouge ont été hardis dans leurs propositions. Il en est du reste découlé des succès indéniables.

Au moment de la préparation de la Conférence nationale du Secours Rouge en France, les communistes proposèrent que l'on ne s'en tienne pas à la conférence habituelle avec seulement des délégués élus dans les congrès départementaux du Secours Rouge, mais que des délégués non membres du Secours Rouge soient élus dans de grandes assemblées populaires pour participer aux travaux de la conférence.

Nous estimions, en effet, et les faits nous ont donné raison, que le Secours Rouge, moteur d'un grand mouvement de solidarité, se devait d'avoir dans sa conférence, les éléments actifs permanents de la solidarité et les représentants de la population laborieuse qui, par sa solidarité, permet de poursuivre notre grande œuvre.

Les succès

Les centaines de milliers de travailleurs qui entament leur maigre budget pour l'emprisonné, pour le proscrit et leur famille, qui signent nos pétitions, qui sont de toutes nos luttes pour la liberté aux antifascistes, aux pacifistes, aux soldats, doivent connaitre, doivent savoir comment leur argent est utilisé, comment leur volonté a servi en faveur des victimes de là répression capitaliste et de la terreur fasciste.

Les résultats de cette orientation hardie, c'est la conférence nationale du Secours Rouge, préparée dans tout le pays en liaison avec les masses travailleuses qui financèrent elles-mêmes la tenue de cette conférence sans qu'à aucun moment ne se ralentisse l'effort de solidarité.

La conférence de la région parisienne du Secours rouge avec 817 délégués comprenant 341 communistes, 35 socialistes, 441 sans-parti ; la conférence nationale avec 185 délégués membres du Secours Rouge et 85 non membres du Secours Rouge – ajoutons la province où la proportion fut la même – par ces chiffres on peut se rendre compte que cela constituait un premier pas vers l'élargissement du Secours Rouge.

Ce premier succès ne pouvait satisfaire les communistes, d'autant plus que s'ajoutait le grand rassemblement de Toulouse dont la portée pour sauver les victimes de la réaction et de la terreur en Espagne fut des plus positive.

Il fallait, s'aidant de l'expérience acquise, aller plus loin. C'est pourquoi les communistes militants dans le Secours Rouge proposèrent de lancer dans le pays une grande pétition populaire sous le signe du 14 juillet de la liberté.

Cette pétition adressée au président de la République fut un grand succès, puisqu'elle représente 4 millions de travailleurs, plus de 1.000 municipalités, près de 300 élus du Parlement. Dans tout le pays, par cette pétition, l'emprisonné de France et des colonies clamait : « Ne m'oubliez pas ».

Des hommes sortirent de prison en France et en Tunisie, des poursuites furent annulées, des non-lieu ordonnés, et pour la première fois le Secours Rouge était convoqué à la présidence de la République.

Les pouvoirs publics étaient et sont encore obligés de tenir compte des requêtes du Secours Rouge qui, par son travail, son dévouement, son abnégation, a gagné et gagne sans cesse la sympathie du grand peuple de France.

Large union

Certes, le décuplement de la force du Secours Rouge est appréciable, mais il n'est encore, avec ses 65.000 adhérents, qu'un moteur de machine à coudre constitué en majorité des éléments actifs du mouvement antifasciste.

Audacieux, les communistes le sont, mais dans le Secours Rouge cette audace ne doit pas avoir de limite, surtout quand il s'agit de la santé, de la vie des meilleurs fils du peuple qui souffrent dans les prisons, les bagnes et camps de concentration.

Toutes les couches sociales sont atteintes, par la terreur fasciste et la répression : chrétiens et laïques en Allemagne ; républicains et révolutionnaires en Espagne ; tout un peuple par la guerre fasciste en Ethiopie ; des pacifistes, des soldats, des antifascistes, des chrétiens en France : des nationalistes dans les colonies.

Alors, les soulager, les sauver, obtenir leur liberté avec l'aide de toutes les couches sociales, c'est la préoccupation constante du Secours Rouge dans le moment présent.

Cela nous impose de poursuivre, avec les gens charitables jusqu'aux révolutionnaires en passant par les démocrates, l'oeuvre que nous nous sommes tracés.

Le chrétien n'est pas moins enclin que le laïque à voir cesser les cruautés du fascisme. Il n'est pas moins ému des souffrances des emprisonnés que le révolutionnaire ou le démocrate. Je ne veux citer qu'un fait : à Revin, dans les Ardennes, à la suite d'une grève, deux ouvriers étaient poursuivis sur plainte de leur patron.

Le Secours Rouge s'occupa de leur défense et ils furent acquittés. Au meeting organisé pour faire connaître ce résultat à la population, après les discours les révolutionnaires remercièrent par l'Internationale et une autre partie de la salle par un chant religieux. Ce fait prouve l'intérêt pris par une couche sociale de la population au sujet des deux ouvriers poursuivis et leur joie de les voir acquitter. Eh oui ! on peut être chrétien et avoir un coeur d'humain tout comme les laïques, alors le Secours Rouge, c'est son devoir le plus élémentaire, doit gagner les chrétiens au mouvement de solidarité et leur faire une place en son sein.

I1 est donc indispensable de tenir compte de ces indications et par conséquent que les communistes, dans le Secours Rouge, soient, là encore, les meilleurs et sachent, par leur attitude, par leur langage, convaincre tous les membres du Secours Rouge, qu'il y a place pour tous dans l'organisation.

L`esprit de Croix rouge

L'esprit de « Croix rouge » dont doivent s'imprégner les communistes militant dans le Secours rouge, et dont ils doivent imprégner toute l'organisation, ne doit pas seulement l'être en façade. D'abord, et avant tout, l'attitude envers les victimes est la base même de la marche ascendante du Secours rouge.

Le secours à l'emprisonné, au proscrit, à sa famille, doit être la tâche sacrée.

Emprisonné, le proscrit et sa famille doivent être entourés d'une véritable affection de tous les membres et rien ne doit être négligé pour leur liberté, pour leur sécurité.

De moins en moins on doit voir le proscrit ballader d'une ville à une autre, au lieu de lui apporter, dans la ville où il arrive une solidarité vivante, en l'entourant de l'affection la plus grande, avec l'ensemble de la population laborieuse qui n'admettra jamais ensuite que cet homme, qui a passé la frontière au péril de sa vie, puisse être l'objet de tracasseries policières.

De moins en moins, la famille de l'emprisonné ne doit voir le Secours rouge que seulement au travers du secours apporté. Elle doit avoir souvent la visite de membres du Secours rouge s'inquiétant de la santé de l'emprisonné, de sa famille, de ses enfants. Mille et une petites choses qui apportent souvent un soulagement plus grand que le modeste secours.

Et, là encore, les communistes doivent se montrer les plus grands partisans et réalisateurs de cette affection dont il faut entourer toutes les victimes et leurs familles.

La grande tâche

Une telle attitude aura forcément des répercussions sur l'ensemble des membres du Secours rouge, car si on doit être affectueux avec les victimes, il faut être fraternel avec la population pour la gagner au Secours rouge.

Cela nécessite que le Secours rouge accomplisse toutes ses tâches avec ses propres mots d'ordre, avec ses propres cadres. Il ne s'agit pas pour le Secours rouge de déterminer telle ou telle politique qui supprimera la répression capitaliste et la terreur fasciste, il s'agit d'apporter la solidarité matérielle, morale, d'assurer la défense et de faire tout pour arracher des prisons les travailleurs de toutes opinions et de toutes tendances.

S'occuper de la solidarité, rien que de la solidarité, mais la réaliser avec tout le peuple de France et des colonies, c'est la grande tâche a accomplir.

Or, pour cela, les communistes, dans le Secours rouge, doivent savoir, par leur attitude, entraîner tous les membres à se proposer pour remplir telle ou telle tâche.

Le chrétien, dans la section du Secours rouge, doit se sentir aussi à l'aise que le laïque, à condition que les discussions restent exclusivement sur le terrain de la solidarité.

Ceux dont les convictions antireligieuses les déterminent à militer dans ce sens doivent pouvoir s'entendre sur le terrain de la solidarité avec le travailleur chrétien.

Sous l'égide des libres pensées, du Parti communiste, l'athée pourra, tout à son aise, propager ses idées, ses convictions. Et, de cette, façon, dans le Secours rouge, nous n'aurons pas de discussions byzatines qui ne feraient avancer aucunement le décuplement de la solidarité.

Je reprends une formule qui m'est chère :« A celui qui s'efforce de soulager, par son obole, les défenseurs de la liberté et les martyrs de l'enfer fasciste, ne demandez pas son opinion, sa tendance, tendez- lui la main et faites-lui place dans le Secours Rouge ».

Et les communistes sauront la rendre vivante dans leur contact avec la population laborieuse.

Solidarité – Justice – Liberté

Sur ce terrain, les concours ne manqueront pas au Secours rouge et nous verrons dans une même équipe de collecteurs, allant solliciter la souscription de l'inconnu, des chrétiens, des démocrates, des socialistes, des communistes, qui, sur le terrain des idées, ne sont pas d'accord, mais le sont sur le terrain de la solidarité en faveur de ceux qui connaissent les rigueurs de la prison et de l'exil pour leur lutte en faveur du bien du peuple.

Forcément, le langage doit aussi être en rapport avec l'oeuvre que le Secours rouge accomplit.

Si, dans le Secours rouge, il est question de la crise ministérielle, c'est pour dénoncer les gouvernements qui se font les complices de la répression ; si l'on dénonce la crise économique, c'est pour montrer que tel chômeur manifestait et fut arrêté parce qu'il demandait du travail ou du pain.

Il ne peut s'agir pour le Secours iouge de répéter les mots d'ordre d'un parti ou d'un mouvement. Le Secours rouge a suffisamment à faire pour montrer la souffrance des emprisonnés, pour appeler à les défendre, pour faire concentrer la volonté du peuple en leur faveur en ayant comme mot d'ordre : solidarité, justice, liberté. Par leur langage, les communistes, parlant au nom du Secours rouge, sauront, par des choses vécues, faire vibrer les sentiments humanitaires de la population laborieuse en faveur de ceux qu'il faut secourir, défendre et arracher des prisons.

Unanimité pour la solidarité

L'année 1936, les communistes militant au Secours rouge veulent qu'elle soit à la fois l'année des 100.000 membres et de l'union dans la solidarité. L'union avec tous, avec le ligueur, avec le syndiqué, avec le socialiste, avec le radical, avec le communiste, avec le démocrate.

Le Parti socialiste, comme le Parti communiste, comme les syndicats, comme la Ligue des droits de l'homme, comme le Parti radical, comme les organisations chrétiennes, ne sont pas des organisations concurrentes du Secours rouge.

Toutes ces organisations, plus ou moins, ont de leurs membres qui sont frappés par la répression, par les rigueurs de la justice. Alors, le Secours rouge les défend, les soutient, mais il pense qu'ils seraient encore mieux défendus et mieux soutenus avec une grande organisation unique de solidarité, où toutes ces organisations auraient des militants aux différents postes de cette grande oeuvre. N'est-ce pas possible ?

Nous pensons que c'est possible et ce sera la grande tâche des communistes dans le Secours rouge, en 1936, de décupler la solidarité en préparant les assises d'une puissante conférence d'union dans la solidarité où tout sera fait pour réaliser l'unanimité sur le terrain de la solidarité.

Puisse cette contribution, en vue du VIIIè congrès national de notre Parti, être amplement discutée dans les cellules, les rayons, les régions, le congrès, pour permettre au Secours rouge de s'acheminer résolument, dans l'esprit de Dimitrov, vers la « Croix rouge » populaire, au service des enfants du peuple, emprisonnés, déportés, proscrits pour avoir voulu le bien du peuple.