17 juil 1937

Le bilan du Groupe Parlementaire Communiste en faveur des classes moyennes - Auguste Havez (juillet 1937)

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 Auguste Havez, juillet 1937

La presse, ces temps derniers, a beaucoup parlé de la situation actuelle des classes moyennes.

On a même pu voir le Temps , l'organe de la grande bourgeoisie, du Comité des Forges et des trusts, épiloguer en de nombreux articles et « prendre la défense » des classes moyennes.

A première vue, on est un peu stupéfait de cette mansuétude soudaine des « 200 Familles » pour les petites gens, mais on en devine tout de suite les raisons.

C'est ainsi que le Temps écrit dans son numéro du 21 février 1937 :

« Ainsi l'un des résultats les plus nets de la politique du Front populaire au pouvoir est que les classes moyennes se trouvent en grand danger sinon de disparition totale, du moins de régression, ou pour reprendre l'affreux terme à la mode, de prolétarisation. »

Et comme le lecteur pourrait ne pas être disposé à avaler facilement la pilule, le Temps , grand journal d'apparence sérieuse, écrit également :

« Selon le marxisme, la concentration indéfinie des entreprises sur le régime capitaliste doit tôt ou

tard, on le sait, mettre fin au petit commerce, à la petite industrie. »

Autrement dit, lorsque l'on constate que les nuages amènent la pluie, on est responsable des intempéries. Mais le Temps ne s'arrête pas à ces détails d'interprétation : le Front populaire menace de mort certaine les classes moyennes, il faut les grouper, les organiser :

« Devant la nécessité chaque jour plus évidente et plus impérieuse de grouper pour la défense de leurs intérêts et de leurs droits tous les Français appartenant aux classes moyennes, si éprouvées et si menacées, etc... »

Bien entendu ; il s'agit de les grouper contre le Front populaire, contre les travailleurs.

Si l'on en doutait, il suffirait de lire quelques extraits d'un autre journal, celui des saboteurs de l'économie nationale, la Journée Industrielle . Dans le numéro du 26 janvier, M. Germain-Martin y écrit :

« Le problème du sort des classes moyennes est posé. Il ne peut être résolu sans une modification des tendances politiques qui ont inspiré la législation de classe dont on nous a dotés depuis le mois de juillet 1936. »

C'est clair : que le Gouvernement cède la place ou change sa politique. Et pour bien faire comprendre que la politique du Front populaire est absolument contraire à la grande majorité du pays, ce défenseur tard-venu des petits indique :

« C'est donc entre un prolétariat peu nombreux, si proche de la terre qu'il n'est pas à proprement parler un prolétariat, et une classe dite élevée, que se situent en France les classes moyennes. Elles sont l'immense majorité du pays. »

Par conséquent, c'est simple : l'immense majorité du pays, ce sont les classes moyennes ; celles-ci étant vouées à la mort par le Front populaire, que ce dernier s'en aille.

Mais si les choses sont comme le pensent très probablement les rédacteurs du Temps et de la Journée Industrielle , elles ne sont pas du tout comme ils l'écrivent.

Ce sont les banques, les trusts, les monopoles capitalistes qui sont la cause de la « prolétarisation » d'une grande partie des classes moyennes et de la misère de celles qui subsistent. Il suffit, pour s'en rendre compte, de citer quelques chiffres.

De 1906 à 1931, le nombre des travailleurs occupés dans les entreprises de plus de 100 salariés est monté de 1.714.000 à 3.294.000, soit une augmentation de 92 %.

Dans le même laps de temps, le nombre des travailleurs occupés dans les entreprises de plus de 5.000 salariés est monté de 140.000 à 442.000, soit une augmentation de 215 %.

Or, pour la même période, le nombre des employés et ouvriers dans l'industrie a augmenté de 21 %.

II faut en conclure que ces 21 %, qui n'étaient pas salariés, sont allés renforcer la masse des prolétaires et qu'une partie importante, des salariés de la petite industrie (moins de 100 ouvriers) est allée s'embaucher dans les usines des gros capitalistes.

Le petit industriel a dû licencier une partie de son personnel, l'artisan s'est séparé de ses compagnons, au détriment de leurs affaires et au profit des gros capitalistes.

Ajoutons que de 1921 à 1926, le nombre des ouvriers industriels a augmenté d'un million, fourni en partie par la diminution du nombre des ouvriers agricoles qui fut, pendant cette période, de 460.000. Le reste, soit 540.000, a été fourni inévitablement par les classes moyennes. Par conséquent, les journaux de la grosse industrie métallurgique, du Comité des Forges et des Houillères sont bien mal qualifiés pour s'apitoyer sur le sort de ceux qui ont été, qui sont, ou qui seront dans l'avenir, victimes du gros capitalisme. Le Gouvernement de Front populaire, disons-le franchement, n'a pas fait tout ce qu'il fallait pour les classes moyennes, mais il n'est pas du tout responsable de leur situation difficile.

Ce sont les banques, les trusts, les monopoles capitalistes qui sont la cause de leur mort lente.

C'est la concentration capitaliste qui a acculé les classes moyennes à la misère.

La petite industrie a dû céder le pas à la grande usine et, dans la mesure où elle subsiste encore, ce n'est que dans les plus mauvaises conditions ; ou bien elle vend « librement » ses produits à des prix que lui impose une concurrence formidable, ou bien, elle produit pour la grande industrie, à des prix de vente qui ne laissent même pas aux producteurs indépendants, petits industriels, artisans, le revenu d'un salarié.

Les commerçants, eux, sont acculés entre les prix élevés des marchandises qui leur sont vendues par le commerce de gros et la concurrence que leur fait le commerce à succursales multiples et à capitaux puissants. L'un et l'autre ont, d'ailleurs, les mêmes actionnaires qui, ainsi, gagnent à tous les coups.

Les paysans ne. Sont pas plus favorisés. Les trusts vendent engrais et instruments aratoires au prix fort, les propriétaires fonciers exigent des loyers élevés et les paysans vendent leurs produits agricoles à des prix insuffisamment rémunérateurs.

Mais il faut dire que tous, petits industriels, commerçants, artisans, paysans, sont également victimes du gros capitalisme par suite de l'appauvrissement du prolétariat qui constitue la masse fondamentale de leur clientèle et dont les revenus avaient été éliminés par suite de la baisse des salaires, du chômage, etc.

Dans ce domaine, le gouvernement du Front populaire aurait pu faire davantage pour les classes moyennes.

Cette nécessité n'a pas échappé au Parti radical et radical-socialiste, au nom duquel le président Daladier disait, le 11 février 1937 :

« Il n'y aura de véritable restauration financière que dans la mesure où les classes moyennes pourront tenir dans la vie économique française le rôle capital qui leur a toujours appartenu. Aujourd'hui, elles sont placées devant une hausse considérable des matières premières qui coïncide par ailleurs avec la réduction des crédits bancaires, tandis que les charges de leurs entreprises sont accrues. Il n'est pas de tâche plus urgente que de venir à leur aide. Le parti radical est prêt à lui consacrer tous ses efforts. »

Certes, nous ne croyons pas, comme le président Daladier, que « les classes moyennes pourront tenir dans la vie économique française le rôle capital qui leur a toujours appartenu » car, d'une part, on ne peut ignorer que les classes moyennes ont joué ce « rôle capital » dans la mesure où elles ont présidé au développement capitaliste et jusqu'au moment où elles ont dû céder la place à la grande bourgeoisie capitaliste, et que, d'autre part, elles ont parallèlement présidé à la création d'un puissant prolétariat.

Si les communistes, en marxistes, constatent que la concentration capitaliste étouffe et détruit les classes moyennes, ils ne peuvent qu'appeler celles-ci à l'alliance avec le prolétariat contre le gros capitalisme générateur de misère et pro-fasciste, ennemi de toute la classe laborieuse.

Mais, pour les communistes, une alliance n'est pas un vain mot, c'est un acte qui suppose une défense réciproque, une action d'ensemble, des buts définis.

Le programme du Rassemblement populaire reste notre règle immédiate : Tout pour le Front populaire, tout par le Front populaire. C'est la ligne politique de notre grand Parti que le groupe communiste au parlement a su interpréter, malgré les embûches et les tentatives de division que notre camarade Jacques Duclos rappelait, en ces termes, le 26 février, lors du débat sur la politique générale du Gouvernement :

« Rien ne saurait nous faire oublier que le but de la réaction est de séparer les classes moyennes de la classe ouvrière afin de les écraser séparément et de ramener des gouvernements du type Tardieu ou Laval, condamnés par le suffrage universel. »

Un certain nombre d'élus du Front populaire ont parfois oublié cette tactique de la réaction et sont allés jusqu'à aider les ennemis de la classe ouvrière et des classes moyennes en essayant de les opposer. Les communistes au parlement n'ont jamais cessé de vouloir l'union de la Nation française contre les 200 Familles.

Pour cela, aucune des revendications des petites gens ne leur a échappé.

Il suffirait d'indiquer que sur 115 propositions de loi et de résolution déposées sur le bureau de la Chambre par le groupe communiste entre le 10 juin 1936 et le 25 mars 1937, 63 d'entre elles

visent directement ou indirectement les classes moyennes. Aucune question intéressant la paysannerie, les commerç ants, les artisans, etc., n'a été discutée dans les commissions parlementaires sans que nos camarades ne se soient prononcés en leur faveur. Aucun débat ne s'est déroulé à la Chambre sans que les communistes ne soient intervenus pour les classes moyennes.

Le groupe communiste et son bureau exécutif n'ont tenu aucune réunion sans que le problème ne soit discuté, et c'est par dizaines de fois, que nos camarades, membres de la délégation des gauches, ont reçu le mandat de souligner le mécontentement des classes moyennes et la nécessité d'apporter un remède à leur situation difficile. Le dernier communiqué du bureau exécutif, en date du 25 mars 1937, n'indique-t-il pas :

Après les interventions de Jacques Duclos, Paul Ramette et Billoux, le Bureau exécutif a chargé ses représentants à la délégation des gauches de rappeler à celle-ci la nécessité de prendre des mesures pour faire aboutir d'urgence un certain nombre de questions comme la retraite aux vieux travailleurs, pour la discussion immédiate de laquelle le groupe a accordé ses 72 signatures au Dr Fié ; la propriété culturale, que la Chambre pourrait voter aujourd'hui même, les calamités agricoles et les problèmes intéressant les petits commerçants qui ne peuvent attendre plus longtemps.

Les représentants de la délégation des gauches insisteront également pour que la rentrée des Chambres ait lieu, comme il a déjà été entendu, dès le 20 avril.

Le Bureau exécutif a chargé Langumier de suivre attentivement la proposition de loi tendant à supprimer le palier d'augmentation de 15 % sur les loyers et à interdire le retour au droit com mun. »

Déjà le 16 mars 1937, s'inspirant des nécessités immédiates, le Bureau exécutif affirmait son désir de voir aboutir un certain nombre de questions dominantes avant la séparation des Chambres.

« Le Bureau exécutif a, en outre, estimé que les Chambres ne peuvent se séparer pour une longue période sans apporter une solution aux problèmes les plus immédiats qu'attend le pays. Il convient, en effet, de faire aboutir :

La retraite aux vieux travailleurs, aux infirmes et incurables ;

Le relèvement du taux des allocations de chômage. Le Bureau exécutif a, en outre, décidé d'intervenir auprès de la délégation des gauches pour demander que les lois sur les conventions pour la vente des produits agricoles, les conventions entre employés et employeurs dans l'agriculture, sur la propriété culturale, les calamités et les dettes agricoles, ainsi que sur le métayage, la révision des fonds de commerce, l'aménagement des dettes commerciales, le renouvellement des baux et l'amnistie, soient votées au cours de la session ordinaire.

A la demande du Bureau exécutif, la délégation des gauches se réunira le jeudi 18 mars, à 10 h. 30.»

Et ce n'était là que la confirmation de ses précédentes décisions, puisqu'après la provocation de Clichy, le bureau exécutif avait immédiatement déclaré que :

Le groupe communiste est convaincu que les manS uvres de la réaction et les puissances d'argent ne céderont que devant l'application intégrale du pro gramme du Rassemblement populaire qu'exigent les travailleurs des villes et des champs, les classes moyennes et tous ceux qui veulent le pain, la paix et la liberté.

Aux pressions de la réaction et du fascisme pour contraindre le Front populaire à l'abandon de son programme, le groupe estime qu'il faut répondre par une application stricte des lois sociales votées par le Parlement et par le vote des mesures urgentes qui s'imposent en faveur des chômeurs, des vieuxtravailleurs, de la paysannerie, des artisans et des petits commerçants.

La réalisation de ces mesures, c'est la condition essentielle du renforcement du Front populaire qui s'opposera victorieusement aux forces de la réac tion.

Mais revenons aux propositions déposées sur le bureau de la Chambre intéressant : petits industriels, petits commerçants et artisans, paysans, petits rentiers, etc.

A – PETITS INDUSTRIELS, PETITS COMMERÇANTS ET ARTISANS

On sait que les gros propriétaires et les vendeurs de fonds ou d'immeubles font inscrire dans les baux ou actes de vente de fonds, qu'à défaut de paiement d'un seul terme à son échéance ou d'inexécution d'une seule des conditions inscrites en leur faveur, le contrat sera résilié de plein droit.

Par suite de la crise, ont eu lieu de nombreuses expulsions et ventes de commerçants, industriels et artisans honnêtes qui n'ont pu faire face à leurs engagements.

Le nombre des ruinés est innombrable ; les suicides fournissent à la presse une chronique douloureuse.

Pour y mettre fin, notre groupe communiste déposait, dèsle 11 juin 1936, une proposition de loi tendant à suspendre leseffets de la clause résolutoire inscrite dans les contrats, pendant la durée de la crise économique.

Cette proposition indique en son article premier :

« A titre exceptionnel, tout locataire, sous-locataire ou cessionnaire, tout débiteur au titre d'un contrat ou titre, sous quelque forme qu'il soit conclu, passé ou signé avant la promulgation de la présente loi, peut, nonobstant toute clause résolutoire ou contraire, ou toute décision de justice non encore exécutée, demander des délais pour se libérer et même la suspension provisoire de ses paiements s'il justifie que sa défaillance est due à la crise, à toute autre cause indépendante de sa volonté. » Le premier alinéa de l'article 2 est ainsi conçu :

 

« Tout locataire, expulsé en vertu d'une clause résolutoire et dont les locaux n'étaient pas encore reloués à la promulgation de la présente loi, devra être réintégré s'il en fait la demande. »

La situation empirant pour les intéressés, les gros propriétaires et marchands de fonds redoublant d'ardeur par haine du Front populaire, notre groupe déposait une nouvelle proposition de loi le 24 juillet.

Reprenant les termes de la première, elle la complétait, notamment par un nouvel alinéa à l'article 2 :

« En cas d'impossibilité de réintégration pour n'importe quel motif que ce soit, le propriétaire qui, après l'expulsion de son locataire, aura bénéficié d'une plus-value ou amélioration quelconque faite par son locataire, ou de la valeur de son fonds sous n'importe quelle forme que ce soit, lui devra le remboursement intégral des travaux et améliorations, ainsi que la restitution entière des profits qu'il aurait pu ou pourrait acquérir des suites de l'expulsion. »

Enfin, un article 4 rendait l'article premier applicable à toutes les créances civiles ou commerciales, y compris celles de l'Etat et les impôts.

Mais il nous faut ajouter qu'avant le dépôt de cette proposition, notre groupe avait, à la date du 3 juillet, et par une proposition de résolution, demandé au gouvernement de prendre des mesures afin de venir en aide aux commerçants, artisans et petits industriels, en attendant la mise en application d'un programme économique destiné à ranimer l'activité industrielle et commerciale.

Les communistes y demandaient en particulier :

a) Un moratoire fiscal pour ceux qui seront en mesure de justifier leur impossibilité de se libérer de leurs impôts arriérés ; b) La généralisation des mesures prises par la Banque de France, en vue d'apporter un concours effectif pour permettre des facilités de paiement ;

c) La mise en vigueur de l'article 8 de la loi du 31 mars, 1930 prévoyant des abattements à la base.

d) L'interdiction de toutes ventes et expulsions.

Comme on le voit, ces propositions communistes pouvaient apporter une sérieuse amélioration à la situation des commerçants, petits industriels et petits artisans.

Elles ont cet avantage de ne rien coûter, ou presque, aux finances publiques.

Et pourtant de multiples séances à la Chambre, des débats à n'en plus finir, n'ont apporté que bien peu de choses pour les petites gens. La loi du 19 août 1936 instituait une aide temporaire aux entreprises commerciales, industrielles et agricoles ne prévoit que des avances dont le montant ne peut être supérieur à 12 % du montant des salaires payés entre le 1er juillet 1935 et le 30 juin 1936.

Les conditions requises pour obtenir des avances ont fait que les petites entreprises frappées par la crise n'ont pu en bénéficier, puisque leur situation financière devait offrir des garanties suffisantes de solvabilité. L'aide prévue par la loi alla directement favoriser les grosses entreprises. Les classes moyennes avaient été oubliées.

La loi du 21 août 1936, permettant l'octroi de délais aux commerçants, industriels et artisans, fut un peu plus heureuse, mais, sans pour cela apporter un changement notable dans la situation de ceux que guettait la ruine, puisque seuls peuvent bénéficier de délais, les artisans, commerçants et industriels non admis à l'impôt général sur le revenu. Une infime partie des intéressés a pu en bénéficier. La Chambre a été beaucoup mieux inspirée en votant le projet de loi sur le prix de vente des fonds de commerce actuellement en suspend devant le Sénat.

Dans tous les débats, nos camarades n'ont manqué aucune occasion d'intervenir pour en améliorer les textes sans prolonger la discussion, ce qui permettait à notre camarade Honel de dire à la séance du 9 février 1937 :

« Nul ne put contester au groupe communiste son désir d'aboutir au plus vite. Ce souci, nous l'avons manifesté à diverses reprises, notamment au mois de juin, lorsque nous disions aux grévistes qu'il fallait savoir arrêter les revendications pour que l'effort constructif du Front populaire puisse se développer en faveur des classes moyennes.

Ce souci, enfin, nous voulons le manifester une fois de plus en adoptant un projet qui sert à la fois les intérêts sacrés, parce que les fruits d'un travail personnel, des acquéreurs et des vendeurs de fonds de commerce. »

Les résultats insuffisants n'ont pas ralenti l'activité de notre groupe communiste.

Le 4 février 1937, il déposait une proposition de loi tendant à relever de la forclusion les commerçants n'ayant pas demandé le renouvellement de leur bail dans les délais légaux ou l'ayant demandé irrégulièrement.

Le 23 du même mois, une proposition ayant pour but de réduire les frais de procédure. Signalons, pour terminer sur ce point, ses propositions pour :

- Soulager la petite industrie de la bière ; assurer la liberté commerciale des débitants de boissons et les libérer complètement du système de « contrats fournitures ».

Et, en collaboration avec des députés d'autres groupes, les propositions visant :

- la protection des entreprises et salons de coiffure ;

- la protection des petits artisans et l'aménagement fiscal de l'artisanat ;

- la simplification des formalités imposées aux marchands ambulants et forains ;

- la fixation d'un maximum aux droits de place sur les foires et marchés.

Enfin, c'est grâce à l'inlassable activité de notre camarade Gitton, que l'indemnité accordée aux petits hôteliers qui logent des chômeurs a été relevée.

Parlant au nom du groupe communiste, notre camarade Rigal, au cours de la discussion du budget indiquait, en ces termes, la nécessité de satisfaire les revendications du petit commerce et de l'artisanat :

« J'appelle l'attention du gouvernement sur les conditions trop sévères imposées au petit commerce et aux artisans pour bénéficier des dispositions de la loi du 18 août 1936 tendant à faciliter la mobilisation des créances commerciales garanties par l'Etat. On ne manque pas, par ailleurs, de tirer argument contre la politique du gouvernement du retard apporté au dépôt d'un certain nombre de projets impatiemment attendus par les petits commerçants.

Nous voudrions que le gouvernement réponde à ces campagnes par des actes. Il convient, tout d'abord, de faire cesser toutes les poursuites et toutes les tracasseries dont les petits et moyens commerçants, ainsi que les artisans, sont l'objet, et qui les exaspèrent.

Il est temps ; aussi, d'abroger l'article 18 de la loi sur la propriété commerciale, instrument de la ruine de tant de commerçants parisiens qui étaient, pour leur malheur, locataires de la ville de Paris ; celle-ci a pu, en effet, refuser le renouvellement de leur bail moyennant une indemnité dérisoire de deux années de loyer ; c'est pour eux la perte du fruit d'une vie de travail.

II faut faire cesser d'autre part le scandale soulevé par la saisie des prestations allouées aux hôteliers logeant des chômeurs. Je veux croire que le gouvernement tiendra à coeur de prendre les mesures utiles à satisfaire les autres revendications du petit commerce, dont voici les principales : fixation du plafond des loyers à 200 % du prix d'avant-guerre, propriété commer ciale intégrale, suppression de la clause résolutoire, réforme de la patente en attentant sa suppression totale, suppression des poursuites en matière fis cale.

Jusqu'à présent, le petit commerce n'a pas suffisamment bénéficié de l'effort réformateur de la nouvelle majorité.

Nous savons que le gouvernement ne peut résoudre tous les problèmes à la fois, mais celui que j'ai évoqué est un des plus graves : nous appelons le gouvernement et la majorité à s'intéresser à la misère des petits commerçants. »

Dans sa séance du 28 mai dernier, la Chambre a voté une loi d'une extrême importance, qui révise de la façon la plus favorable la loi dite de propriété commerciale du 13 juillet 1933, et qui y apporte d'heureuses adjonctions. Nous en indiquons les principales dispositions :

La demande pour le renouvellement du bail devra parvenir au bailleur dans le délai maximum de deux ans et minimum de neuf mois avant l'expiration du bail. Elle pourra être faite par simple lettre recommandée avec avis de réception adressé au bailleur. Dans les grosses agglomérations, le juge de paix sera compétent pour trancher les différents locatifs lorsque le loyer du bail arrivera à expiration et ne dépassera pas 9.000 francs. Pour les loyers supérieurs à 9.000 francs, le tribunal civil restera compétent. Dans les nouveaux immeubles construits avant le 1er août 1914, le nouveau loyer ne pourra en aucun cas dépasser, de 200 % le prix du loyer fixé en 1914 ; pour les autres immeubles, le nouveau loyer sera établi par analogie avec les prix payés pour les locaux similaires construits avant le 1er août 1914.

Les charges ne pourront excéder 15 % du prix des loyers. La durée du bail sera au moins égale à la durée du bail précédent, sans pouvoir excéder 12 ans.

Dans tous les cas de reprise, y compris par le propriétaire, les collectivités locales, départementales, nationales, ou les services publics, une indemnité d'éviction égale au préjudice subi sera versée au locataire sortant.

Les clauses résolutoires conclues dans les baux sont nulles. Tous les cas de forclusion sont relevés.

Les poursuites pour défaut de paiement ne pourront être intentées que si les loyers arriérés dépassent les loyers d'avance. Les loyers d'avance, la garantie versée au propriétaire ne pourront dépasser le montant d'un semestre de loyer payé à terme échu et d'un trimestre pour les loyers payés à terme à échoir.

Signalons que les dispositions importantes relatives à la compétence du juge de paix, à la limitation de la garantie versée au propriétaire, à l'indemnité d'éviction exigée en tous cas, ont été acquises grâce aux amendements déposés par le groupe communiste et soutenus notamment par le camarade Honel, vice-président de la Commission du Commerce.

La Chambre a commencé en juin de discuter l'aménagement des dettes commerciales et la substitution à la faillite d'un règlement transactionnel. Les décisions fiscales de la Chambre entraînent de grandes modifications aux textes proposés.

Là encore, nos camarades sont intervenus avec force, et la Chambre, dans sa séance du 18 juin, a adopté un projet dont notre camarade Rigal a ainsi résumé l'opinion du groupe communiste : « Le groupe communiste reconnaît que sur cette question, l'une des plus importantes pour le petit commerce et l'artisanat, le projet qui vous est présenté, après tant de recours au moratoire, représente un réel progrès. Il estime cependant que le contre-projet présenté par notre collègue Colin a été repoussé par la Commission du Commerce avec un excès de légèreté.

Ce contre-projet prévoyait que la loi serait définitive, alors que le projet ne la rend applicable que jusqu'en 1940. De plus, il décidait que serait considéré comme de bonne foi tout commerçant qui n'au rait pas été convaincu de malversation.

Enfin, et c'est l'une des dispositions que nous regrettons le plus d'avoir vu repousser par la Commission, nous estimons que l'accord d'une seule des deux majorités suffisait, et que, si le débiteur demandait une réduction de moins de 50 %, il était préférable de laisser la commission statuer sans appel ; on aurait sans doute ainsi obtenu des débi teurs un effort plus considérable.

Cependant, soucieux de ne pas ralentir la discussion, nous ne maintiendrons pas notre contre projet, demandant seulement au gouvernement d'obtenir avant les vacances le vote par le Sénat, et de ce projet, et des autres projets qui intéressent le petit commerce. » ( Applaudissements à l'extrême-gauche .)

Quel sort le Sénat réservera à ces textes votés par la Cham bre ?

Le gouvernement du camarade Léon Blum ayant cédé, malgré les conseils de résistance que lui donnaient nos camarades Duclos et Gitton dans la nuit du 20 au 21 juin, nous ne voulons pas présumer de l'attitude du cabinet Chautemps.

B – LA PAYSANNERIE

Le problème de la paysannerie est l'un de ceux qui ont le plus retenu l'attention du groupe communiste.

Le 9 juin 1936, il déposait une proposition de loi pour la création d'un office national interprofessionnel du blé.

La Chambre et le Sénat ont voté un texte plus restrictif que le texte communiste, mais l'activité de nos camarades, leurs nombreuses interventions, ont fait que les paysans producteurs de blé ne sont plus maintenant les victimes de la haute spéculation.

Le même jour était remise, au président de la Chambre, une proposition :

« Tendant à la révision des baux à ferme dont l'article 1er indique que le prix des baux à ferme est ramené à deux fois et demie au maximum du prix payé le 1er août 1914. »

Tandis que l'article 6 prévoit que :

« La révision d'un bail à ferme ne peut entraîner sa résiliation que dans le cas où le fermier en ferait la demande. »

Le 23 juin, c'est une proposition qui vise la réglementation du métayage et l'institution de contrats collectifs entre propriétaires et métayers, comportant, entre autres, obligatoirement :

1. La liberté syndicale et la liberté d'opinion des métayers ;

2. La suppression des prestations, corvées, redevances ou autres charges pesant sur le métayer et sa famille sous quelque forme que ce soit ;

3. La rémunération du travail du métayer.

Le 25 juin, c'est le dépôt d'une proposition de loi pour le vote d'une indemnité de crise aux producteurs de plantes à parfums, qui intéressé plus particulièrement les paysans de la région de Grasse, dans les Alpes-Maritimes.

Le lendemain, le groupe dépose la proposition pour l'amé nagement des dettes agricoles dont l'article 2 stipule que :

« Tout cultivateur ou artisan agricole, débiteur de bonne foi, pourra obtenir des délais pouvant atteindre deux ans pour le remboursement de ses dettes arrivant à échéance. Toutes les poursuites, les saisies et les ventes sont suspendues pendant le même temps. »

Le 30 juin, nos camarades soumettent à la Chambre une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à déposer un projet de loi organisant l'assurance contre la mortalité du bétail, la grêle, la gelée, l'inondation, l'ouragan.

Cette réalisation communiste coûterait 100 millions par an à l'Etat, c'est-à-dire moins que ce qu'il en coûte actuellement. Mais c'est l'époque où les paysans sont, nombreux, menacés d'expulsion, ou obligés d'accepter des augmentations de loyers. Avec d'autres députés, nos camarades Renaud Jean et Waldeck Rochet demandent le 7 août, dans une proposition, que : « Tous les baux à ferme venant à expiration en 1936 soient prorogés d'un an, sur une demande faite par le fermier par lettre recommandée, dans les trois mois qui suivront la promulgation de la pré sente loi. »

Les 14 et 29 janvier 1937, notre groupe dépose deux nouvelles propositions sur la revalorisation de la culture de la fleur d'oranger, et pour la défense des oliveraies.

Enfin le 2 février, il demande au gouvernement :

1. D'étendre, à tous les départements, la mise en vigueur des allocations familiales ;

2. De déposer un projet de loi faisant supporter aux propriétaires, en cas de métayage, une partie des versements à effectuer aux caisses de compensation, en vue du paiement d'allocations familiales aux salariés agricoles ;

3. De déposer un projet de loi instituant des allocations familiales au profit des petits exploitants agricoles, métayers, fermiers, petits propriétaires.

La situation particulière des métayers, du point de vue des lois sociales, n'a pas échappé à notre groupe dont les camarades Waldeck Rochet et Renaud Jean se sont faits les interprètes, et leur activité a contribué, pour beaucoup, à faire venir devant la Chambre le projet de loi sur l'extension, aux métayers, du bénéfice des allocations familiales, et Renaud Jean, dans la séance du 18 mars, défendait le principe du paiement d'une partie des cotisations par le propriétaire : « Nous voterons le texte qui nous est soumis, car il nous semble conforme à la fois à la justice et au bon sens. Au surplus, qu'est-ce donc que le petit métayer, sinon un salarié qui, en général, touche un salaire nettement inférieur à celui de tous les travailleurs de la même région ?

En ce qui concerne le payement des cotisations, deux cas peuvent se présenter : l'exploitation familiale d'abord. Dans ce cas, le propriétaire paye l'ensemble des cotisations.

Dans les exploitations plus importantes exploitées par le métayer, sa famille et un certain nombre d'ouvriers, on rembourse au métayer la moitié des cotisations.

Cela me paraît fort juste, et je demande à la Chambre de se prononcer tout de suite, étant bien convenu que le gouvernement déposera avant longtemps le projet de statut du métayage, avant longtemps, c'est-à-dire suffisamment tôt pour que ce statut soit mis en application, comme la loi sur la propriété culturale, dès cet été. »

Cet ensemble de propositions communistes démontre avec quel souci notre groupe s'intéresse à la paysannerie.

Leur vote, leur réalisation n'en coûterait rien au Trésor public. Pourquoi faut-il que les paysans n'aient pas à se réjouir d'avoir obtenu ces revendications ?

Défendre les classes moyennes oui, mais il faudrait en parler moins et leur donner plus. Cela était possible.

Dans le courant de février dernier, la Chambre fut appelée à discuter d'un projet de la plus grande importance pour la paysannerie. Il s'agissait de régler les rapports entre producteurs agricoles, commerçants et industriels, par la conclusion de conventions collectives fixant les conditions de vente de produits agricoles pour une branche de production.

Dans la séance du 11 février, notre camarade Renaud Jean marquait l'accord de notre groupe en ce sens :

« Ce projet nous apparaît comme un des problèmes les plus importants qui se posent, à la fois pour les producteurs agricoles et satisfaction à plus d'un million de fermiers et à apporter un peu de joie dans les chaumières de France. »

L'explication ci-dessus est suffisante pour faire comprendre toute l'importance de ce projet.

Pourquoi faut-il que dix mois après la victoire du Front populaire, une couche aussi importante de la population n'ait pas obtenu cette loi indispensable ?

Les communistes ont tout fait pour qu'il en soit autrement. Leur insistance auprès du gouvernement et de la délégation des gauches, leur action permanente à la Chambre, dans les commissions parlementaires, n'a pas réussi à vaincre les résistances, et souvent les résistances de ceux qui parlent beaucoup des classes moyennes.

C – LA PETITE PROPRIÉTÉ

On connaît les deux propositions de notre camarade Jacques Duclos intéressant les petits propriétaires logeant des chômeurs. La première, en date du 31 décembre 1936, qui fait suite à de nombreuses interventions de notre camarade, tend à réaliser ce double but :

- Exonérer les chômeurs du paiement de leur loyer et assurer le paiement d'une indemnité compensatrice aux petits propriétaires ayant des locataires chômeurs.

L'article 4 de cette proposition stipule :

« Une indemnité compensatrice de loyer sera attri buée aux propriétaires privés de tout ou partie de leurs revenus et non inscrits au rôle de l'impôt gé néral sur le revenu, etc.

Cette indemnité sera égale à la totalité de l'exonération dont ont bénéficié les locataires chômeurs.

« Si le propriétaire est inscrit au rôle de l'impôt général sur le revenu, cette allocation sera dimi nuée d'autant de fois 1 % que la somme pour la quelle le propriétaire est inscrit au dernier rôle publié, compte de multiples de mille. »

Autrement dit, un propriétaire inscrit au rôle de l'impôt général pour 10.000 francs, toucherait, si son ou ses locataires sont chômeurs, le montant intégral de son loyer, moins 10 %.

Celui, inscrit au rôle pour un revenu de 50.000 francs, tou cherait le montant de ses loyers de chômeurs, moins 50 %.

On voit par là, que notre proposition vise surtout à sauver les petits propriétaires, c'est-à-dire, les représentants-type des classes moyennes. Et pour qu'il n'en coûte rien à la caisse de l'Etat, l'article 5

prévoit la constitution d'une caisse de compensation alimentée par un prélèvement progressif sur les revenus locatifs supérieurs à. 30.000 francs. Ce qui ne toucherait pas les petites gens.

La deuxième proposition, déposée le 12 février 1937, préconise un système de dégrèvement d'impôts en faveur des petits propriétaires chômeurs. L'article premier prévoit :

« Une réduction de un douzième par mois de chômage dans l'année écoulée à laquelle s'applique l'imposition, sera appliquée à la contribution foncière sur la propriété bâtie, établie pour les chefs de famille chômeurs au 1er janvier, et propriétaires de la maison qu'ils habitent, à condition :

1. Qu'ils ne possèdent pas sur l'ensemble du territoire des biens immobiliers autres que la maison habitée et le terrain immédiatement attenant, et que celui-ci ne dépasse pas une superficie de 1.500 mètres carrés ;

2. Qu'ils ne sous-louent pas une partie de la maison.

L'exonération sera totale après douze mois de chômage. »

Comme l'on dit en « style parlementaire », le texte se suffit à lui- même et il n'est point besoin d'en exposer les motifs. La place nous manque pour donner, ici, le texte des nombreuses interventions et la liste des démarches de nos camarades, Jacques Duclos, pour les petits propriétaires en général ; Midol et Capron, pour les mal-lotis ; Benoist, pour les malheureuses victimes de la Société de Crédit Immobilier de Seine et Seine-et-Oise, dont le scandale démontre mieux que tout, que le souffle républicain n'est pas encore passé dans les hautes sphères des administrations.

D – LES RETRAITES

Nous ne nous attarderons pas à souligner l'importance de la proposition de loi déposée le 3 juillet 1936, tendant à la création d'une caisse de solidarité nationale, et à accorder une retraite aux vieux travailleurs. Nos lecteurs connaissent suffisamment l'attitude de notre Parti et les efforts admirables de notre secrétaire général, Maurice Thorez.

Nous voulons indiquer qu'il n'est pas question seulement d'attribuer une retraite aux vieux ouvriers et employés du commerce et de l'industrie, mais aussi à tous ceux, commerçants, artisans, paysans, artistes, intellectuels, etc., qui n'ont pu s'assurer une vieillesse à l'abri du besoin.

Notre groupe a déposé également :

1. Le 22 décembre 1936, une proposition tendant à inviter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que les retraités et pensionnés puissent toucher les sommes qui leur sont

dues à la perception ou au bureau de poste de leur choix, ce qui éviterait de trop longs et trop pénibles déplacements à nos vieux ;

2. Le 31 décembre 1936, une proposition de loi tendant au rajustement des pensions de retraites servies par les caisses de retraites des employés, ouvriers et agents des communes et établissements publics communaux du département de la Seine, aux agents des communes ou à leurs ayant-droit ;

3. Le 12 février 1937, une proposition de loi tendant à admettre les fonctionnaires féminins des lycées, collèges, cours secondaires de jeunes filles et de garçons, à faire valoir, pour la constitution du droit à pension, les services rendus par ces fonctionnaires en qualité de surveillantes d'internat.

Ces propositions ne démontrent-elles pas le souci de notre groupe communiste d'améliorer la situation des petites gens ?

E – LES LOCATAIRES

Certes, nos propositions tendent à préserver les locataires en général, mais, parmi eux, se trouvent les classes moyennes. Parfois, les intérêts de celles-ci (les petits et moyens propriétaires) peuvent s'opposer à ceux des locataires en général. La position des communistes ? Notre camarade Langumier l'a traduite à la tribune de la Chambre, au cours de la discussion du budget :

« Nous voulons une loi égale pour tous. Les locataires de locaux d'habitation sont protégés et les

propriétaires ne peuvent dépasser, en ce qui les concerne, un pourcentage déterminé de majoration. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les locataires de locaux industriels et commerciaux ? »

Jacques Duclos disait au meeting de Wagram, le 16 avril : « C'est d'une politique concrète du logement que dépend la santé de la famille française. Détruire le taudis, c'est avoir une politique hardie du logement, avec l'aide de l'Etat. »

C'est en s'inspirant de ces idées que le groupe communiste a déposé une série de propositions sur le bureau de la Chambre :

1. Le 9 juin 1936, tendant à modifier la loi du 29 juin 1929 réglementant les rapports entre propriétaires et locataires de locaux à usage d'habitation et professionnels.

II s'agit d'interdire, notamment, le retour au droit commun, d'empêcher la hausse illimitée des loyers et de supprimer le palier d'augmentation de 15 % qui menace les locataires de toutes sortes, petits commerçants, artisans, fonctionnaires, etc.

Le 11 juin, notre groupe déposait deux autres propositions pour compléter celles ci-dessus.

2. Le 21 juillet, c'était une proposition de loi ayant pour objet la revision des baux commerciaux. L'article premier indique : « A partir de la promulgation de la présente loi, les locataires, sous- locataires, cessionnaires ou leurs ayants cause, titulaires de baux ou d'engagements de location à usage commercial, industriel, professionnel ou artisanal, ou occupants à quelque titre que ce soit, auront droit de payer leur loyer à raison de 200 % de celui de 1914, compte tenu de l'augmentation réelle des charges afférentes aux locaux si le propriétaire justifie qu'elles sont supérieures à celles fixées dans le contrat. »

Le texte prévoit des mesures particulières pour les locaux non loués

en 1914 et ceux construits après cette date.

3. Le 24 juillet, notre groupe dépose une nouvelle proposition pour interdire les augmentations ;

4. Le 23 février 1937, est déposé un texte tendant à réglementer le paiement de la garantie et du terme d'avance pour les loyers des locaux à usage commercial, professionnel et d'habitation. De quoi s'agit-il ?

- de considérer le terme d'avance comme un dépôt de garantie ;

- de limiter le montant de ce dépôt à 10 % du montant du loyer, ce qui, pratiquement, supprimerait les termes d'avance, semestriel et trimestriel, pour ne permettre que le terme mensuel ;

- de rendre, obligatoirement, le montant de la garantie productif d'intérêt à 5 %.

5. Le 26 février, notre groupe invitait le gouvernement à proposer d'urgence les mesures législatives permettant une refonte de la législation sur les loyers ;

6. Le 4 mars, le groupe communiste déposait une nouvelle proposition pour :

- empêcher la majoration de 15 % prévue pour le 1er juillet 1937 ;

- proroger les baux prenant fin au 1er juillet 1937 jusqu'au 1er juillet 1939.

Ces lois sont attendues par la multitude de commerçants, d'artisans, des personnes à professions libérales.

Enfin, le 26 janvier 1937, était déposée une proposition de loi tendant à la coordination des constructions d'habitations à bon marché et à loyers modérés qui mettrait fin au gâchis et permettrait, entre autres, aux classes moyennes, de trouver de véritables logements à loyers modérés.

Ne terminons pas sur ce point sans signaler notre proposition de loi qui intéresse la région parisienne, déposée le 4 août 1936, et qui tend au rachat, par les sociétés concessionnaires distributrices d'électricité, des canalisations collectives d'immeubles, avec interdiction de leur location. Elle vise à faire cesser ce scandale dit « des colonnes montantes ».

F – POUR TOUTES LES CLASSES MOYENNES

Tout ce que nous avons indiqué ci-dessus ne résulte que de ce qui, de l'activité communiste, pouvait être à peu près classifié pour en rendre la lecture plus facile.

Mais le groupe communiste n'a pas limité son activité à cela. Un certain nombre de ses propositions et de ses interventions intéressent toutes les classes moyennes.

C'est ainsi que, tenant compte qu'en six années, plus de 70.000 commerçants ont fait faillite, que des milliers d'artisans ont perdu tout leur avoir pendant la crise, que des dizaines de milliers de représentants de commerce, de travailleurs en extra, d'artistes, de petits paysans ruinés également, ont perdu leurs moyens de vivre, notre groupe déposa tout d'abord, et dès juin 1936, une proposition demandant au gouvernement de prendre des mesures pour établir un vaste programme de grands travaux, en vue de ranimer la vie économique et de donner du travail aux chômeurs, quels qu'ils soient.

Le 22 décembre de la même année, une nouvelle proposition était faite, plus précise, plus pressante. Elle invitait le gouvernement : « A prendre sans retard toutes dispositions utiles a pour que soient admis au bénéfice des allocations de chômage les artisans, commerçants et toutes catégories de travailleurs non salariés qui, par suite des circonstances, ont perdu l'occupation dont ils tiraient leurs moyens d'existence. »

Il s'agissait de sauver de la misère ceux que le gros capitalisme avait jetés à la ruine.

Le gouvernement ne déposant pas son projet de création d'un fonds national de chômage, malgré l'insistance des communistes, notre groupe en prend l'initiative par sa proposition du 29 janvier 1937, dont l'article 7 dit :

« Doit être considéré comme chômeur total, toute personne ayant dépassé l'âge scolaire, justifiant a qu'elle a perdu I'occupation dont elle tirait les moyens d'existence, et gagnant au moins 6 francs par jour, qui, ayant présenté au service public, syn dical ou artisanal de placement de son domicile, une demande d'emploi, n'a pu voir cette demande satisfaite dans un délai de trois jours. »

Et pour que les services compétents n'interprètent pas restrictivement, le dernier alinéa de cet article précise que : « Cette définition s'applique à toute personne indistinctement, y compris les matelots, dockers, sai sonniers, commerçants, artisans, artistes, etc. »

N'est ce pas là, un moyen de venir en aide aux classes moyennes dont on parle tant pour ne rien faire pour elles ?

On sait aussi que commerçants, petits industriels, artisans, petits propriétaires gênés par la crise, ont dû recourir à des emprunts pour faire face à leurs engagements.

Les banques, les sociétés véreuses, les usuriers en on profité pour les acculer à la ruine, sous prétexte de les aider.

Chacun sait que des prêts sont effectués à 10, 15 et même 20 % d'intérêts.

Notre groupe a estimé que le Front populaire se devait de faire cesser un pareil état de choses et, le 26 mars, une proposition de loi demandait qu'on y mette fin en rétablissant le délit d'usure qui, pratiquement, n'existe plus.

L'article 4 indique :

« Les prêts qui seront contractés pendant l'année 1937 ne devront pas comporter un taux d'intérêts supérieur à 5 % en matière civile et 6 % en ma tière commerciale. »

Et l'article 5 comporte :

« Pour tous les prêts contractés avant la promulgation de la présente loi et dont le taux, d'intérêt est supérieur à 5 % en matière civile et 6 % en matière commerciale, ce taux sera réduit pour l'année en cours au moment de cette promulgation aux limites indiquées à l'article 4.

Lorsque le taux de ces mêmes prêts dépassera 9 % pour conventions civiles et 10 % pour les transactions commerciales, il sera réduit respectivement à 7 % et 8 % pour l'année en cours, et au taux fixé à l'article 4 pour les années suivantes. »

Est-il utile de se demander ce que penseraient d'une telle loi les commerçants, artisans, etc ? Chacun connaît leur réponse. Notre groupe communiste ne visait-il pas à favoriser les classes moyennes, en déposant :

Le 31 décembre 1936, une proposition tendant à inviter le gouvernement à déposer un projet de loi en vue d'organiser, en 1937, la célébration nationale du tricentenaire du Discours de la Méthode de René Descartes.

Le 11 mars 1937, une autre proposition invitant le gouvernement à prendre toutes mesures utiles en vue d'organiser, en 1937,1a célébration nationale du bicentenaire de la naissance d' Antoine Parmentier.

N'est-ce pas rendre hommage aux morts des classes moyennes, tout en suscitant des manifestations propres à ranimer la vie économique ?

Le 12 février 1937, une proposition de résolution pour que isolent prises toutes mesures nécessaires pour que des conditions spéciales de voyage soient accordées aux anciens combattants de France et de l'Etranger, à l'occasion de l'Exposition de 1937, ce qui donnerait des satisfactions aux anciens combattants des classes moyennes, comme aux autres, tout en favorisant le commerce.

Le 29 janvier, une autre proposition tendant à inviter le gouvernement à prendre toutes mesures en vue de l'aménagement, de l'agrandissement et de la réorganisation des Halles Centrales, en liaison avec l'organisation des marchés de province, ce qui, certes, gênerait les gros mandataires pour favoriser commerçants, paysans, maraîchers, etc.

Ce sont de nombreuses lettres de petites gens qui ont incité notre groupe à déposer, le 5 novembre 1936, une proposition de loi pour modifier la législation sur les pupilles de la nation qui fait que, de deux enfants d'un grand mutilé, l'un est pupille parce que né avant le 20 août 1920, et l'autre ne peut l'être parce que né après cette date, ce qui gêne sérieusement les familles de la petite bourgeoisie qui veulent faire une situation et qui ne peuvent le faire pour le second enfant, l'aide de l'Etat leur faisant défaut.

Ce sont les mêmes lettres des mêmes petits commerçants et artisans qui ont plus particulièrement décidé notre groupe à déposer, le 11 mars dernier, une proposition demandant que soit relevé le taux des allocations militaires aux soutiens de famille, et que soit élargie la notion de « soutien », pour que commerçants, artisans et autres petites gens puissent en bénéficier.

Et notre groupe défendait également les petits gens, lorsqu'au cours de la discussion du projet de loi sur la hausse injustifiée des prix, Ramette disait :

« II est évident que si l'on veut vraiment augmenter le pouvoir d'achat des masses, il ne faut pas permettre que les améliorations obtenues par elles viennent s'inscrire aussitôt dans les prix. Ce serait tourner dans un cercle vicieux. Ce que nous voulons, c'est que les profits excessifs du grand capitalisme subissent une réduction. »

Tandis que, n'oubliant pas les paysans, Renaud Jean précisait que :

« Il ne faut pas confondre revalorisation des produits agricoles et hausse illicite. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste a présenté un amendement aux termes duquel la loi ne jouera pas pour les produits agricoles vendus par le producteur.»

Et, notre camarade Nicod mettait la Chambre en garde ainsi :

« Va-t-on se borner à lutter contre les petits commerçants, écrasés par la crise, sans même inquiéter les spéculateurs et les grands trusts capitalistes ? »

II faut croire que la Chambre n'était pas de son avis, car point n'est besoin d'être grand clerc pour savoir que cette loi ne verra jamais le jour.

Il y avait pourtant là une belle occasion de frapper les gros et d'aider les petits, qu'ils soient des classes moyennes ou de la classe ouvrière. Enfin, un dernier point.

Les efforts des communistes pour le tourisme populaire sont connus de tous et nous ne voulons ici souligner que la partie de ces efforts qui ne touchent pas la classe ouvrière.

Indiquons, en passant, que l'Association touristique populaire créée par notre camarade Barel, au lendemain des élections, a fait que le commerce de la Côte d'Azur connaît une clientèle nouvelle, mais aussi un nombre de visiteurs qu'il n'espérait pas revoir un jour. Or, l'activité de nos camarades a fait, qu'entre le vendredi saint et le lundi de Pâques, 54.345 touristes sont descendus sur la Côte d'Azur, contre 20.688 l'année dernière. Qu'on aille donc demander aux commerçants de Nice ce qu'ils en pensent.

On sait que le tourisme fait vivre 500.000 personnes et rapporte 1 milliard par an au Trésor.

L'apport du tourisme étranger représente, entre 1927 et 1930, une somme de 12 milliards par an qui réduit d'autant le déficit de la balance commerciale.

C'est en tenant compte de ces considérations que nos camarades des Alpes-Maritimes ont agi, que notre groupe défend les revendications des commerçants et hôteliers de Vichy, etc., et que nos camarades sont intervenus dans différents débats à la Chambre. C'est ainsi qu'en mars, au cours de la discussion sur la fixation des. prix dans les hôtels et restaurants, notre camarade Lévy affirmait avec force :

« La loi a pour objet d'éviter une hausse des prix et l'exploitation des touristes. Ne pas légiférer serait empêcher l'arrivée des touristes étrangers et le développement du tourisme populaire ; ce serait mettre en péril le succès de l'Exposition. »

Et dans le même débat, notre camarade Gaou terminait son intervention en disant :

« Pour arriver à ce résultat (donner aux touristes étrangers le désir de prolonger leur séjour en France) il ne faut pas que notre pays passe pour le pays de Ia vie chère, il faut que le gouvernement ait les moyens de défendre le commerce honnête, de manière que nos hôtes ne quittent pas la capitale et nos différentes provinces sur une mauvaise impression. »

Terminons en citant la fin du discours que notre camarade Ramette prononçait le 11 juin dernier à l'occasion des débats sur les pleins pouvoirs douaniers :

« Ce projet de loi n'est d'ailleurs que la reconduction, avec une amélioration, des pleins pouvoirs antérieurs. Ces pleins pouvoirs ont été utilisés par des gouvernements dont la politique était foncièrement différente de celle du gouvernement de Front populaire.

C'est la démonstration que le projet peut servir a à la satisfaction de la rapacité des trusts capitalistes et, par suite, à l'écrasement des masses travailleuses, et en particulier des classes moyennes, petits- industriels, artisans et paysans, ou bien inversement à l'amélioration des conditions d'existence des travailleurs de toutes conditions, et notamment à la satisfaction des légitimes besoins des classes moyennes.

Dans ce dernier cas, les pleins pouvoirs douaniera ne suffisent pas ; il faut aussi que le gouvernement exprime clairement sa volonté de lutter efficacement contre la hausse des prix et contre le sabotage de l'économie nationale ; sa volonté dé sortir du cercle vicieux dans lequel nous contraint dé tourner la reconnaissance au patronat du droit de reprendre, par la hausse des prix, ce qu'il a été obligé d'accorder aux travailleurs pour qu'ils puissent vivre décemment. Il faut que, dans le pays, on reste convaincu que le gouvernement veut maintenir les améliorations acquises par les ouvriers et développer l'aide aux classes moyennes, à la classe paysanne. »

Nous pourrions citer de nombreux exemples encore de l'activité de notre groupe communiste en faveur des classes moyennes, Mais nos lecteurs comprendront que ce bilan est déjà suffisamment éloquent pour démontrer ce que le grand Parti communiste à fait et tenté de faire pour cette importante couche de la population. Il nous faut maintenant tirer quelques conclusions indispensables. On remarquera que de toutes nos propositions, trois d'entre elles seulement supposent des dépenses ou des moins-values de recettes :

a) Celle qui a trait aux dégrèvements d'impôts au bénéfice des petits propriétaires logeant des chômeurs ;

b) La création du fonds national de chômage ;

c) La retraite aux vieux travailleurs.

Nous pourrions simplement affirmer que cela était et est contenu dans le programme du Rassemblement populaire et que, par suite, l'on connaissait par avance leurs répercussions financières. Mais nous pensons qu'en dehors de l'obligation qui est faite aux partis du Front populaire de tenir leurs promesses électorales, il convient d'indiquer que ces trois propositions ne nécessiteraient pas de somme importante.

Les dégrèvements apporteraient quelques millions de moins-values en recettes.

La création du fonds national de chômage nécessitera des dépenses d'autant moins importantes que d'une part la retraite aux vieux travailleurs sera un fait accompli, et que, d'autre part, l'activité économique sera ranimée, notamment en satisfaisant les classes moyennes.

La retraite des vieux travailleurs est couverte pour les trois quarts, d'après les chiffres mêmes du docteur Fié.

Les 800 millions qui manquent peuvent être obtenus par l'obligation pour les compagnies d'assurances d'appliquer la péréquation aux rentes en viager, par l'obligation pour les caisses, de retraites autonomes de verser à la Caisse nationale de retraite les sommes qu'elles ont reçues d'affiliés qui ne toucheront jamais d'elles une retraite, puisque n'ayant pas un nombre suffisant d'années de versements, par des conditions particulières à faire aux nombreux porteurs de rentes sur l'Etat.

Toutes les autres propositions ne nécessiteraient aucune dépense nouvelle pour l'État.

Par suite, on peut s'étonner de n'avoir pas trouvé à la Chambre plus de compréhension et de sens politique, moins de bavardages et plus de réalisations.

L'adoption de toutes ces propositions faites dans l'intérêt des classes moyennes aurait éclairai sérieusement l'horizon politique. Elles auraient été satisfaites dans la plupart de leurs revendications. Le Front populaire, pour elles, n'aurait pas été une coalition politique sur laquelle des doutes peuvent s'élever ; mieux, ceux qui, nombreux, et sans être idéologiquement fascistes, n'ont pas voté pour les partis du Front populaire, se seraient sans aucun doute rangés du bon côté

et par là même auraient supprimé toute chance d'avènement du fascisme en France.

Nous n'en serions plus à redouter les attaques sournoises de la droite réactionnaire, à craindre la division du Front populaire, à redouter les manoeuvres de dislocation.

La « clientèle » possible des partis factieux leur serait enlevée sans espoir de retour.

Les hésitations de certains de nos amis radicaux auraient disparu et l'alliance de la classe ouvrière et des classes moyennes serait effectivement réalisée.

Le Front populaire serait plus solide que jamais ; car, ainsi que le disait le secrétaire général de notre Parti, Maurice Thorez : « Le Front populaire, c'est l'alliance durable entre e la classe ouvrière et les travailleurs des classes moyennes, la paysannerie notamment. » Cette alliance durable, les communistes la veulent de toutes leurs forces. Ils l'ont voulue pour le Pain, la Paix et la Liberté. Ils la veulent contre les 200 familles, pour l'Union du peuple français, pour faire de notre pays une France libre, forte et heureuse.