10 Jan 1936

Notre Parti - Marcel Cachin (janvier 1936)

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Marcel Cachin, janvier 1936

Le VIIIè congrès du Parti attestera la puissance croissante du communisme français. Nous devrons surtout marquer ses progrès magnifiques en 1934 et 1935.

Depuis le jour du 6 février 1934, où le fascisme a tenté ici de se saisir du pouvoir par la force, l'élan a été donné.

Le danger fasciste a galvanisé la classe ouvrière française. Elle a immédiatement compris qu'il était nécessaire de lui opposer la plus énergique réaction.

Et les faits montrent que c'est surtout autour de nos idées communistes que s'est polarisée la résistance antifasciste. Le congrès national devra rechercher les raisons de ce fait indéniable. Au cours de ces deux dernières années, en effet, les progrès du Parti ont été continus et rapides. Nous en fournirons les preuves chiffrées au congrès. Le nombre des adhérents au Parti et aux jeunesses communistes dépasse 100.000 ; celui de ses cellules de base est de 4.221, sur lesquelles 776 cellules d'entreprises. Les recettes dépasseront pour 1935 deux millions et demi.

La progression de notre presse a suivi naturellement celle du Parti. L'Humanité a atteint le tirage moyen de 250.000 numéros. Grâce au dévouement admirable de milliers de ses adhérents et sympathisants, elle dépasse le dimanche 350.000 numéros. Les finances de l'Humanité sont en bon état. Elles s'établissent en recettes à plus de 17 millions pour 1935 et elles couvrent les dépenses en laissant un bénéfice.

Il faut ajouter que 39 hebdomadaires régionaux sont répandus à 175.300 exemplaires. Quelques uns d'entre eux : l'Enchaîné de Lille, le Rouge Midi de Marseille, ont plusieurs éditions et tirent, le premier à 23.800, le second à 14.000 exemplaires. Cinq d'entre eux vendent plus de 7.000 numéros et tous ne cessent de progresser. On fera au VIIIe congrès le bilan précis de la situation du Parti communiste français. Ce sera un bilan très positif. Toutes nos organisations révolutionnaires ont démarré brillamment. Nous ne considérons d'ailleurs ces succès que comme un point de départ. L'utilité essentielle de ces constatations favorables sera de fouetter l'activité et les initiatives de chaque membre du Parti pour de nouveaux bonds et de nouvelles conquêtes beaucoup plus importantes.

Pourquoi le communisme français a til réalisé ces progrès évidents ?Il les doit à sa discipline intérieure ; il les doit à sa compréhension des

événements ; il les doit à sa politique juste ; il les doit à la solidarité qui le lie à l'Union soviétique et à l'Internationale communiste. Tandis que tous les autres partis sont déchirés de contradictions et d'oppositions intérieures, le Parti communiste français apparaît comme un bloc solide où chaque militant comprend la valeur souveraine de la discipline librement consentie.

Je viens de lire les comptes rendus de plus de quarante congrès régionaux qui ont précédé et préparé l'Assemblée nationale du 22 janvier à Lyon. Chacun de. Ces congrès, où la base a été largement consultée, atteste la parfaite harmonie intellectuelle dans notre grand Parti.

On ne perd plus son temps à discuter de façon byzantine ; on ne remet pas en question les buts finaux qui sont clairs et qui tiennent dans l'institution des Soviets en France.

On ne remet pas en question la tactique, désormais acquise après des années de discussions, d'hésitations et d'erreurs. Maintenant, il s'agit d'exécuter des décisions très mûrement réfléchies.

C'est ce que comprennent tous les militants habitués à la discipline du Parti. Et c'est pourquoi nous sommes assurés qu'à Lyon, après des explications claires et complètes et après un examen approfondi, se manifestera une adhésion massive aux résolutions. On ne compte pas dans le Parti communiste cinq ou six tendances contradictoires qui tentent de s'unir gauchement sur une motion finale d'unité verbale d'impuissance.Cette discipline, obtenue après de longs tâtonnements, est à nos yeux la véritable caractéristique de notre Parti qui veut être avant tout un PARTI D'ACTION ; c'est ce que veulent tous les travailleurs et c'est l'une des raisons qui les attirent vers lui. Puis, les communistes français ont résolument et efficacement travaillé, surtout depuis les émeutes de février 1934, pour L'UNITÉ et le rassemblement de toutes les forces ouvrières et démocratiques de notre pays.

Ils ont été et ils demeurent encore les artisans, les plus fermes partisans de l'unité d'action entre tous les prolétaires d'abord, et aussi entre tous les partisans de la paix et des libertés démocratiques. Nous savons trop bien ce qu'est le fascisme et nous sommes décidés à tout pour l'empêcher de passer en France.

Nous proposons le front uni à tous les socialistes du monde entier et nous regrettons que la IIe Internationale s'obstine à le refuser. Nous proposons partout de constituer le Front populaire contre le fascisme et il nous apparaît comme incompréhensible que certains chefs socialistes fassent obstacle à l'universalisation mondiale de ce front populaire contre la guerre et le fascisme.

Nous voyons clairement les progrès effrayants et rapides de la guerre et du fascisme qui continuent de menacer le monde. Serait ce que nos camarades socialistes n'en apercevraient pas comme nous la menace redoutable ? Nous serions en droit de le penser, après les expériences passées. Nous ne pouvons oublier qu'en novembre 1932, deux mois avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir, Léon Blum, d'ordinaire mieux inspiré, écrivit dans le Populaire :

« L'accès du pouvoir est désormais clos devant le national socialisme. La social démocratie allemande a eu Hitler ! » C'était nier le danger le plus grave et le plus imminent !

Les conséquences de cette fausse interprétation du fascisme, de cette sous estimation de la force du fascisme, on les connaît aujourd'hui. C'est parce que nous ne voulons pas qu'on retombe dans une erreur identique, que nous insistons avec tant de force et d'obstination sur la nécessité première de s'unir pour barrer la route au fascisme et pour faire reculer la guerre.

De cette attitude, les prolétaires français ont su gré au Parti communiste français et c'est l'une des raisons, encore, de la sympathie prolétarienne qui enveloppe ses organisations. Nous devons ajouter que notre solidarité étroite avec l'Union soviétique est aussi très appréciée par la classe ouvrière et paysanne française et même, de plus en plus, par des couches larges d'hommes qualifiés de la classe moyenne et des intellectuels.

Après six ans de crise, le vieux monde apparaît comme de plus en plus impuissant à remettre de l'ordre dans l'univers. Il apparaît comme condamné, il ne sait plus produire que la misère, la guerre, la servitude, le recul et la régression de la civilisation.Et, en même temps, grâce aux développements gigantesques de l'économie en Union soviétique, le communisme est devenu, pour des multitudes de travailleurs et de penseurs, le champion de la nouvelle civilisation humaine.

C'est d'une observation psychologique très élémentaire. Lorsque les aboyeurs de la réaction fasciste prétendent que les progrès du communisme sont dus à l'achat de quelques consciences de profiteurs gorgés de l'or de Moscou, ils profèrent une sottise encore plus qu'une malhonnêteté.

Mais non ! L'Union soviétique attire les peuples vers elle par sa seule existence et par ses progrès continus. Elle les attire parce qu'elle vit, parce qu'elle est pacifique, parce qu'elle a donné aux cent peuples qui la constituent des possibilités de développement et de culture qui sont, partout ailleurs, refusées aux travailleurs, quels qu'ils soient. On vient au communisme parce qu'en U.R.S.S., le communisme, c'est la paix intérieure et extérieure, c'est le pain pour tous, c'est l'avenir sûr, c'est l'enthousiasme au travail, c'est le travail libéré de toute exploitation, c'est le travail au pouvoir.

Parce que les communistes français défendent cette politique avec une fidélité absolue, les travailleurs se tournent vers eux et place en eux leurs espérances.

C'est ce que le congrès de Lyon mettra vigoureusement en évidence ! Notre Parti demeure un grand parti prolétarien ; le prolétariat est la force centrale qui accomplira la révolution.Mais les prolétaires accueillent avec joie dans leurs rangs tous les intellectuels qui, nombreux, demandent à combattre dans les rangs du marxisme.

Le communisme, c'est le marxisme qui fut longtemps méconnu, travesti, injurié, traité comme une conception rétrograde et barbare. En réalité, le marxisme est la philosophie de l'histoire du prolétariat ; il est l'explication unique de l'évolution humaine ; il est à la base de toute l'action progressive de l'humanité.

Aussi devons nous attacher le plus haut prix à la parution en 1935, aux Études Sociales Internationales, à Paris, du livre intitulé « A la lumière du marxisme ».

Il contient onze études de onze intellectuels spécialisés dans diverses sciences qui ont commencé à se servir du matérialisme dialectique comme méthode de travail.

C'est la première fois, en France, que l'on tente d'appliquer aux sciences la dialectique matérialiste.

Nous saluons ce cercle encore restreint de travailleurs scientifiques marxistes qui ont frayé la voie.

Le marxisme a pénétré dans les Facultés des lettres et des sciences ; il est représenté dans une Faculté de droit. Des dizaines d'agrégés de tous les ordres le professent ouvertement. C'est un grand événement pour notre pays.C'est un événement à l'actif de notre Parti. Il compte dans ses rangs plusieurs de ces savants réputés qui ont eu le courage de rompre avec le conformisme de l'Université officielle.

Nous devons considérer aussi, comme un fait à notre actif, l'adhésion retentissante au communisme de quelques uns des littérateurs et des artistes les plus notoires de notre époque.

Notre grand ami Henri Barbusse avait été le premier à venir à nous et, avec lui, Romain Rolland. Depuis, au cours de l'an dernier s'est tenu, en juillet à Paris, un congrès des intellectuels du monde entier. Et la plupart d'entre eux, parmi les plus glorieux et les plus incontestés, firent une profession de foi ardente et enthousiaste au communisme. André Gide en est le plus illustre.

Et, désormais, ce qui est aussi un signe des temps, la page littéraire du dimanche de l'Humanité s'honore de compter, parmi ses collaborateurs, plus de 40 des meilleurs écrivains d'aujourd'hui. De même, le communisme est il en droit de se glorifier d'avoir compté parmi les siens l'un des plus grands peintres de ce moment, Paul Signac, qui a entraîné de très nombreux artistes et critiques d'art dans nos associations de culture révolutionnaire.

Ainsi, notre mouvement communiste et ce n'est pas un mince éloge prouve til, en ce temps de décadence bourgeoise, que la culture est inséparable de la révolution !

Ce sera l'oeuvre de notre VIIIè congrès de mettre en valeur les multiples aspects des conquêtes du Parti communiste français.Après le congrès qui sera public, ouvert à toute la presse bourgeoise et où seront débattues les questions actuelles de la politique nationale et internationale, il n'est pas douteux que le communisme recevra une nouvelle impulsion et un élan incomparable pour des progrès ultérieurs et décisifs.