17 aoû 1936

L'important problème des classes moyennes - André Seigneur (aout 1936)

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André Seigneur, aout 1936

Voici plus de 20 ans, Lénine, le génial chef du prolétariat, et Camille Pelletan, un des chefs du radicalisme français, parlant des maux de notre peuple, indépendamment l'un de l'autre, aboutissaient à la dénonciation de quelques dizaines de familles toute puissantes qui défendent leurs intérêts particuliers aux dépens de ceux de l'écrasante majorité de notre peuple.

En effet, en 1902, Camille Pelletan écrivait :« Un péril grandit de jour en jour : c'est le pouvoir que prend dans les mains de la haute spéculation la concentration et le maniement de grands capitaux. Il faut préserver de leur domination croissante les intérêts généraux du pays, la liberté et la fortune de tous ».

Le 28 juin 1892, 10 ans plus tôt, il s'écriait à la Chambre, s'adressant au gouvernement d'alors :« Et vous, en face des pouvoirs assaillis de notre République, vous mettez quoi ? 200 clients de la puissance financière !» faisant ainsi allusion aux 200 plus importants actionnaires de la Banque de France. Lénine, de son côté, et surtout dans « l'Impérialisme, stade suprême du Capitalisme », démontrait magistralement et définitivement, la véritable dictature que faisaient et qu'ont continué de faire subir à notre peuple les oligarchies financières que dénonça à son tour le Président Daladier dans son heureuse formule des « 200 familles, maîtresses indiscutables non seulement de l'économie française, mais de la politique française elle-même ».

Cette dictature, occulte mais impitoyable, d'une poignée de grands financiers et de magnats de l'industrie, qui conduisait notre peuple à la ruine, et tente de le maintenir divisé, ne pouvait se prolonger indéfiniment et impunément.

Engels déjà, en 1878, dans son « Anti-Dühring » écrivait :

« Aucun peuple ne consentirait à s'accommoder longtemps d'une production réglée par des trusts, avec cette exploitation déclarée de toute la société, par une petite bande de tondeurs de coupons. »

L'alliance des classes moyennes et du prolétariat inaugurera une ère nouvelle

Pressentant prophétiquement le fardeau de misères que feraient peser sur les épaules des différentes couches de la population laborieuse les quelques dizaines de familles qui réussiraient, de par le développement que prenait la société capitaliste, à se rendre maîtresses de leur pays, Engels, en accord avec Marx, écrivait dès 1847, répondant aux questions du Comité Central de la Fédération des Justes, préface à la Ligue Communiste :

« A notre avis, il est souhaitable et nécessaire en ce mo ment que le prolétariat se rapproche de ce Parti [le Parti radical libéral] .

Nous estimons donc que nous devons chercher à entrer partout en rapports avec les radicaux, mais sans rien sacrifier de nos principes, que nous devons nous efforcer de leur montrer que le jour n'est plus éloigné où ils seront eux aussi refoulés dans les rangs des prolétaires, et qu'ils ne peuvent prévenir leur ruine que par une réforme sociale.

Si nous sommes en état de réaliser une alliance de la bourgeoisie radicale avec le prolétariat, une période nouvelle commencera bientôt qui sera une des plus gran dioses dont l'histoire fasse mention » .

Dans son « introduction » à la « Revue Communiste » de septembre 1847, Engels déclare à nouveau :

« Bien que la petite bourgeoisie possède encore quelque fortune, il est manifeste cependant qu'en raison de la terrible concurrence que lui fait le gros capital, elle marche à pas de géant vers la condition qui la rendra complètement paa reille aux autres prolétaires. Unissons-nous donc et le salut peut en résulter pour les deux parties. »

Marx et l'union des forces démocratiques

Cette ère nouvelle que souhaitait Engels dès 1847 s'ouvre aujourd'hui devant notre peuple, grâce à la victoire du Front populaire – voulu par notre Parti communiste – qui doit assurer le « salut des deux parties », c'est-à-dire du prolétariat et des classes moyennes (paysans, petits commerçants, petits industriels, artisans, intellectuels, professions libérales).

Notre Parti, en lançant par la voix de Maurice Thorez, dès 1934, l'idée du Front Populaire, restait fidèle à Marx et Engels qui écrivaient en 1849 dans le Manifeste Communiste : « Les communistes travaillent partout à l'union et à l'entente des partis démocratiques de tous les pays » .

Engels pressentait que cette alliance, que Marx et lui pré conisaient, des ouvriers, paysans et couches moyennes, ne se ferait pas sans difficultés.

Polémiquant amicalement avec Charles Heinzein, journaliste radical écrivant dans le Tribun , il déclare :

« Charles Heinzein a l'air, ou de ne pas. Connaître du tout les communistes, ou de s'être laissé entraîner par une inimitié personnelle qui existe entre lui et plusieurs communistes, à insulter un grand parti qui prend place au premier rang de l'armée démocratique.

Nous fûmes surpris parce que nous ne pouvions comprendre qu'un démocrate put ainsi jeter le brandon de la discorde dans les rangs de ses propres compagnons d'armes ; mais notre surprise fut alors bien plus grande lorsqu'à la fin de son article nous trouvâmes ses neuf points, et vîmes qu'il réclame presque entièrement ce que les communistes réclament eux aussi. La seule différence qu'il y ait entre nous, c'est que Charles Heinzein regarde ses neuf points comme base de la société nouvelle ; nous, au contraire, nous les regardons comme les bases d'une période de transition qui doit nous conduire à la communauté complète. Il serait donc raisonnable de nous unir tous pour atteindre ce que réclame Charles Heinzein ; une fois arrivés là, si le peuple en est satisfait et veut s'arrêter là, nous nous soumettrons à sa volonté ; mais si le peuple veut alors aller plus loin avec les communistes, Charles Heinzein, espérons-le, n'y verra pas non plus d'inconvénients. Nous ne repousserons pas la main qu'on nous tendra pour l'union. L'union fait la force et elle seule peut nous conduire au but. »

Pas une nouvelle Commune...

Un demi-siècle après qu'il eut écrit ce qui précède, en 1895, Engels, l'ami de Marx, riche de l'expérience d'un demi-siècle de participation active au mouvement ouvrier international, dans son « introduction » aux « Luttes de classes en France » de Marx, affirmait à nouveau la nécessité de l'alliance qui doit exister entre le prolétariat et les classes moyennes.

Mettant en garde les ouvriers contre les intentions des oligarchies et leur inquiétude devant l'essort du mouvement ouvrier et démocratique, il écrivait, préfaçant les déclarations que faisaient récemment notre camarade Maurice Thorez, et répondant à Ferrat, aux trotkistes et à leurs amis :

« Le lecteur comprend-il maintenant pourquoi les pouvoirs dirigeants veulent absolument nous mener là où partent les fusils et où frappent les sabres ? Pourquoi on nous accuse de lâcheté, parce que nous ne descendons pas non plus dans la rue où nous sommes certains à l'avance d'être défaits ? Pourquoi on nous supplie si instamment de vouloir bien enfin jouer à la chair à canon ? C'est inutilement et pour rien que ces messieurs gaspillent leurs suppliques comme leurs provo cations. »

Les fascistes contre la légalité républicaine

L'ironie de l'histoire mondiale met tout sens dessus dessous. Nous, les « révolutionnaires », les « chambardeurs », nous prospérons beaucoup mieux par les moyens légaux que par les moyens illégaux et le chambardement. Les partis de l'ordre, comme ils se nomment, périssent de l'état légal qu'ils ont créé eux-mêmes.

Et si nous ne sommes pas assez insensés pour nous laisser pousser au combat de rues pour leur faire plaisir, il ne leur restera finalement rien d'autre à faire qu'à briser eux- mêmes cette légalité qui leur est devenue si « fatale. »

Cette alliance du prolétariat, des classes moyennes, petite bourgeoisie et paysannerie, que préconise Engels après Marx, grandira jusqu'à devenir la puissance décisive dans le pays, devant laquelle il faudra que se courbent toutes les autres puissances qu'elles le veuillent ou non .

Notre grand Parti communiste est donc bien dans la voie qu'indiquaient déjà Marx et Engels.

Les expropriateurs de la petite propriété feignent de la défendre

Il est certain que les oligarchies financières sentent tout le danger, pour leurs odieux privilèges, de cette alliance des couches moyennes et du prolétariat. Aussi calomnient-elles les communistes et déforment-elles sciemment leurs intentions.

C'est Engels qui écrivait, polémiquant avec un précurseur de M. Pierre Dominique :

« ... lorsque nous parcourûmes ses attaques contre les communistes, nous fûmes extrêmement surpris ; ses offenses ne pouvaient nous atteindre en effet, vu qu'il n'existe pas de communistes tels qu'il les décrit et que probablement son imagination a commencé par les créer pour les anéantir ensuite à nouveau ».

Le grand argument mensonger employé par ceux qui sont en réalité les expropriateurs, est que les communistes veulent détruire la petite propriété commerciale, paysanne, industrielle et artisanale. L'argument n'est pas nouveau car déjà dans le Manifeste Communiste , Marx et Engels écrivaient :

« On nous a reproché, à nous autres communistes, de vouloir abolir la propriété acquise par l'effort et le travail personnels. Nous n'avons pas à l'abolir ; le développement de l'industrie l'a abolie et l'abolit tous les jours. »

A la même époque, ils préconisaient l'union de la petite bourgeoisie avec le prolétariat car elle est aussi intéressée à se préserver de la situation où elle ne posséderait plus rien du tout, que nous sommes, nous, intéressés à en sortir.

Aussi est-ce un langage marxiste que tenait Jacques Duclos dans l'Humanité, en déclarant :

« Alliance des prolétaires et des classes moyennes. De ces classes moyennes qu'il faut maintenir dans l'intérêt même de la nation. Le Front populaire défend les intérêts des uns et des autres. C'est ce que, pour notre part, nous avons toujours a défendu. Et si nous sommes les premiers à dire que « tout n'est pas possible », nous savons par contre qu'il est possible de venir efficacement au secours des classes moyennes, dont l'union avec les ouvriers est plus indispensable que jamais. »

S'unir pour mieux vivre

Pour tenter de diviser notre peuple, la presse, aux mains des 200 familles, qualifie d'immorale l'alliance des 3 grands partis du Front populaire représentant les ouvriers, les paysans et les petites gens. Cette alliance n'est immorale que si immoralité il y a à vouloir réduire les privilèges des oligarchies et des trusts afin que notre peuple vive mieux.

Mais quoi de plus naturel que l'alliance de ceux qui, soit en raison de la diminution de leur chiffre d'affaires ou de leurs salaires, de la chute des prix des produits agricoles ou du chômage, ne peuvent plus vivre, et ont une cause commune à leurs maux identiques ?

Défendre la petite propriété contre les 200 familles

Marx a démontré irréfutablement que le développement du capitalisme tendait à la disparition des petits commerçants industriels, artisans, paysans. Mais il serait absolument erroné d'en conclure que le prolétariat n'a pas à se soucier des classes moyennes qui seraient condamnées par l'histoire.

Les citations faites plus haut de Marx et d'Engels – et on pourrait également citer abondamment Lénine – démontrent qu'un pareil point de vue serait stupide et contre-révolutionnaire.

Les communistes luttent contre les méfaits des oligarchies financières et des magnats de l'industrie et du commerce. Laisser disparaître les petits commerçants, paysans, industriels et artisans, sous prétexte qu'ils sont condamnés par le processus économique capitaliste, constituerait pour nos deux cents familles une bonne affaire car elles verraient par cette disparition leurs profits s'accroître en même temps que s'augmenterait l'armée industrielle de réserve du capital.

Or, les communistes ne poursuivent par précisément le but d'être agréables aux oligarchies qu'ils ont de tout temps dénoncées et combattues.

Il nous faut du reste regretter que certains de nos camarades socialistes trouvent bon, lorsque des représentants des classes moyennes leur font part de leurs doléances, de déclarer sentencieusement que « Marx avait raison », faisant injustement allusion à la prolétarisation des classes moyennes.

Dans notre pays particulièrement, où les couches moyennes forment une partie importante de la population active, l'objectif constant du Front populaire doit être de resserrer les liens qui doivent unir étroitement ouvriers, employés, paysans et classes moyennes. Et pour cela, il faut satisfaire rapidement et sans hésitation les revendications non seulement des ouvriers, mais de la totalité des classes moyennes.

En période de crise comme celle que traverse actuellement le monde capitaliste, la ruine de la petite bourgeoisie et de la paysannerie, les ferait tomber non pas au rang du prolétariat, mais plus sûrement à celui du lumpen prolétariat, ce « prolétariat en haillons » que Marx définit justement comme contre-révolutionnaire.

Cette petite bourgeoisie si elle était ruinée aujourd'hui maudirait le Front populaire et non pas l'économie capitaliste ; elle serait une proie facile pour la démagogique propagande fasciste ou l'hystérie contre-révolutionnaire des trotskistes et de leurs amis. Cette alliance qu'ont toujours préconisée les communistes. Disciples de Marx, Engels et Lénine, des couches moyennes et du prolétariat, pour et par la satisfaction des revendications des uns et des autres, au détriment exclusif des privilèges des 200 familles, doit conduire notre pays à cette « période nouvelle qui sera une des plus grandioses dans l'histoire de l'humanité ».

Indiquons, en passant, que, déjà en 1893, Camille Pelletan, déjà cité, réclamait à Albi, parlant aux côtés de Jaurès et de Millerand, alors socialiste-révolutionnaire, « l'unité prochaine de tous les vrais républicains dans la République sociale ».

Les 200 familles contre les classes moyennes

Les 200 familles qui avaient jusqu'à présent impunément opprimé et divisé notre pays, ont pu pendant longtemps voiler leurs méfaits aux yeux d'une partie des classes moyennes.

L'augmentation de la production, en particulier, entre 1913 et 1929, leur a permis de laisser se maintenir la plus grande partie des couches moyennes dans une situation relativement stable, les 200 famille s'assurant le monopole de l'augmentation de la production passée de 100 en 1913 à 140 en 1929, et remplaçant, dans la production et l'échange des marchandises, la partie des couches moyennes qu'elles ruinaient.

Aujourd'hui elles préfèrent subventionner les ligues fascistes et la grande presse plus largement, ce qui est assurément moins coûteux que de maintenir quelques avantages à l'ensemble des classes moyennes.

Aussi la crise qui s'est abattue sur les pays capitalistes, crise consécutive à l'égoïsme des oligarchies, a-t-elle mis à nu l'opposition absolue des intérêts des 200 familles et ceux de l'écrasante majorité de la population laborieuse.

Bien entendu, elles ont tenté, non sans succès, de reporter sur les épaules des ouvriers, des paysans et de l'ensemble des couches moyennes, le fardeau de la crise.

Mais ce faisant, elles leur faisaient apparaître plus clairement la communauté d'intérêts les unissant.

Les classes moyennes, comme les ouvriers et les paysans, ont douloureusement souffert de la crise.

La concentration du capital faisait déjà des ravages bien avant la crise, avec le développement même du capitalisme. Ainsi en 1928, année de « prospérité » (pour les 200 familles) la moyenne mensuelle des faillites et liquidations judiciaires, était de 684. Elle passait, dès 1929, à 726 pour atteindre, en 1934, sous Doumergue, 1254 et 1248 en 1934.

En mai 1936, dernier chiffre connu, elle était, encore de 1.116, c'est- à-dire que chaque année de crise voit la ruine officielle de 15.000 petites entreprises, commerciales, industrielles ou rurales. Nous ne parlons pas de l'endettement extrêmement important des petites entreprises qui ont dû emprunter aux grandes banques à des taux usuraires, la crise profitant également ainsi aux puissances financières.

Non seulement aucune mesure sérieuse n'a été prise pour alléger la situation de ces couches moyennes, mais la déflation inaugurée par Doumergue et continuée par Laval, en diminuant directement le pouvoir d'achat des fonctionnaires, anciens combattants, petits retraités, etc., et indirectement celui des ouvriers, a diminué encore les bénéfices sans cesse décroissants des petits commerçants et les prix des produits agricoles.

Alors que depuis 5 ans, des dizaines de milliers de petits commerçants et petits industriels ont été ruinés, les plus grandes entreprises ont vu leurs bénéfices se maintenir et même s'accroître. Ainsi les bénéfices avoués des Etablissements Kuhlmann passent de 24 millions en 1925 à 28 millions en 1934, ceux des Compteurs et Matériel d'Usines à Gaz, de 25 à 41 millions, ceux de Hotchkiss de 13 à 20 millions de 1925 à 1933.

Les grands magasins, qui ont connu depuis 25 ans un prodigieux essor, ont accaparé une partie très importante de la clientèle ouvrière et paysanne. Ces 10 dernière années, 8 grands magasins ont réalisé plus d'un milliard de bénéfices et un chiffre d'affaire de 30 milliards, c'est-à-dire à eux seuls autant que 100.000 petits commerçants. En 1921, 2.192.000 entreprises industrielles, commerciales ou paysannes occupaient 4.445.000 employés, ouvriers et ouvrières agricoles. Dix ans après en 1931, leur nombre était tombé à 1.883.000 n'occupant plus que 3.871.000 travailleurs. Mais si la petite propriété disparaît, et les chiffres ci-dessus tiennent encore à peine compte de la crise, la grande propriété se développe. En effet, en 1921, le nombre des entreprises occupant plus de 100 ouvriers et employés, était de 7.200 avec un personnel s'élevant à 2.465.000 hommes et femmes. En 1931, leur nombre s'élevait à 9.400 occupant 3.314.000 travailleurs.

L'importance des classes moyennes en France

En même temps qu'ils montrent la concentration des moyens de production et d'échange entre les mains de quelques milliers d'hommes (et il faut tenir compte que bien souvent ce sont les mêmes hommes que l'on retrouve dans les Conseils d'Administration), ces chiffres font voir en partie l'importance des classes moyennes en France.

En effet, il existait encore en 1931, 1.883.000 petites entreprises occupant en moyenne 2 ouvriers et employés auxquels s'ajoutent du reste 1.560.000 petites entreprises familiales, paysannes ou artisanales, n'occupant pas de personnel, soit près de 3.500.000 petites entreprises industrielles, commerciales, paysannes et artisanales.

Ces 3 millions et demi de petites entreprises, quoique les chiffres manquent, n'ont certainement pas dans la production une part aussi considérable que les 9.400 occupant 3.300.000 ouvriers et employés. Ces millions de petits entrepreneurs, commerçants, industriels, paysans, etc., sont très durement touchés par la crise, et les récentes lois sociales en faveur des ouvriers, n'améliorent pas, bien au contraire, leur situation immédiate.

Les 200 familles tentent de susciter en leur sein un mouvement de mécontentement. La grande presse d'information, aux mains des trusts et des oligarchies financières, fait campagne contre les lois ouvrières, sous couvert de défense des couches moyennes que la politique des 200 familles a cependant amené au bord de la ruine.

Il faut rapidement venir en aide aux classes moyennes

Le Front populaire qui a triomphé grâce à l'alliance des classes moyennes et du prolétariat, doit, pour se consolider, apporter une attention particulière aux petites entreprises commerciales, industrielles et paysannes.

Il est insuffisant de déclarer que l'augmentation du pouvoir d'achat des ouvriers améliorera le sort des petits commerçants. C'est vrai, mais cette augmentation ne peut être immédiate.

Et ce s ont des mesures immédiates qu'il faut prendre pour sauvegarder les couches moyennes de la population laborieuse. Nos députés communistes ont déjà fait, du reste, dans ce domaine, de nombreuses suggestions.

Mais que l'on soit persuadé que la population laborieuse tout entière ne pourra mieux vivre que si les fauteurs de vie chère sont jugulés, que si les riches paient.

Notre Parti, dans son Manifeste électoral, déclarait vouloir le moratoire des dettes, la révision des baux, des billets de fonds et l'institution de la propriété commerciale intégrale pour les petits commerçants, en attendant la reprise des affaires que susciterait une politique financière faisant payer les riches pour donner du travail aux chômeurs.

Son tract « chiffres d'affaires » précisait ces revendications pour les petits commerçants, de même qu'il demandait des mesures immédiates pour « sauver l'agriculture française ». Nous voulons faire de ces promesses des réalités, car nous voulons que l'ensemble de la population laborieuse vive mieux et que les ouvriers et les couches moyennes resserrent toujours davantage les liens les unissant.

Avant de se séparer, les Chambres ont d'ailleurs voté une première série de mesures favorables aux classes moyennes et elles délibéreront dès la rentrée sur les projets mis à l'étude par le gouvernement.

Où mène l'abandon des classes moyennes

Pour vaincre les oligarchies financières il faut que soient unis les ouvriers et les couches moyennes, c'est l'intérêt immédiat et lointain des uns et des autres.

Mais pour que la classe ouvrière puisse réaliser cette union avec les couches moyennes, il faut qu'elle soit elle-même fraternellement et étroitement unie.

La désunion des forces ouvrières en Allemagne, et la politique antisociale de la démocratie de Weimar qui avait en particulier ruiné, par l'écroulement du mark en 1923, les petites gens, ont détourné la petite bourgeoisie de la cause du peuple et en a fait une proie facile à la démagogie hitlérienne, qui ne lui a pas donné le pain qui lui manquait, a supprimé les libertés et prépare la guerre. La division de la classe ouvrière en Belgique et l'Union nationale du Parti ouvrier belge avec la réaction dans le premier gouvernement Van Zeeland, union nationale qui, à aucun moment, bien au contraire, n'a eu pour but de défendre les libertés démocratiques ou de faire payer les riches, a entraîné le récent succès des fascistes du Rex. Notre camarade Maurice Thorez, dans son discours de clôture du Comité Central, le 25 mai, déclarait :

« Le peuple belge a durement souffert de la crise économique. L'expérience qu'il vient de faire a effectivement abouti à une situation qui a laissé les classes moyennes à peu près ruinées, et qui a touché également les masses laborieuses dont les salaires n'ont pas augmenté en proportion de la dévaluation de la monnaie. La dévaluation au profit des banquiers, an profit des riches, au détriment des masses laborieuses, au détriment des ouvriers et paysans, des artisans, voilà ce qu'a fait le gouvernement d'union nationale avec la collaboration du Parti socialiste.

Voilà ce qu'il a fait contre la volonté du parti de la classe ouvrière en refusant le front unique et en mobilisant tout son appareil contre les communistes afin d'obtenir que ne lutte pas la classe ouvrière et que se réalise jusqu'au bout l'expérience Van Zeeland.

Le résultat d'une telle politique donne, pour la première fois, à un parti ouvertement fasciste, une place très grande dans la vie politique en Belgique . »

Le Temps , lui-même, dans son numéro du 26 mai, confirmait les déclarations de Maurice Thorez, lorsqu'il écrivait : « L'expérience Van Zeeland, qui a effectivement abouti à un redressement financier remarquable (« Le Temps » oublie d'ajouter « pour les oligarchies belges ».) a laissé subsister de l'amertume dans les classes moyennes à peu près ruinées, et chez les masses laborieuses, dont les salaires n'ont pas augmenté en proportion de la dévaluation de la monnaie.»

On peut en conclure qu'une politique qui n'a pas pour but la sauvegarde des intérêts des ouvriers et des classes moyennes, au détriment du superflu des riches, fait le jeu des forces fascistes. Notre Parti communiste s'honore d'avoir lancé la grande idée du Front Populaire dont la cohésion lui est chère et de laquelle il se montre vigilant.

Cette cohésion impose la satisfaction des revendications des différentes classes laborieuses qui la composent : ouvriers, paysans, classes moyennes.

Les communistes veilleront à ce qu'il en soit ainsi ; ils veilleront à ce que restent étroitement unis classe ouvrière et classes moyennes.