Le néo-socialisme à l'offensive sur la gauche de la gauche
Submitted by Anonyme (non vérifié)Lors du dernier congrès du Parti Socialiste, les radicaux-socialistes ont obtenu une grand victoire, qui provient essentiellement du fait qu'ils tiennent actuellement l’État. Toutefois, le pragmatisme pose toujours un problème dans une société marquée par les contradictions de classe, d'autant plus en période de crise générale du capitalisme.
Par conséquent, les tensions à gauche entre cette tendance opportuniste-pragmatique qui domine et la social-démocratie timidement renaissante sont forcément de plus en plus fortes. Cela reflète les colères, les incertitudes, les inquiétudes.
Le problème aujourd'hui en France est, d'autant plus, que le fascisme s'est diffusé idéologiquement de manière très profonde au sein des masses depuis au moins une décennie. Ainsi, les tendances néo-socialistes et ultra-populistes sont très fortes et se situent en quelque sorte en embuscade pour phagocyter l'opposition au radical-socialisme.
Les gesticulations de Ségolène Royal et de Jean-Luc Mélenchon, ou encore d'Arnaud Montebourg, sont ici exemplaires. Ces gens cherchent à exister à tout prix, sans aucun autre projet qu'eux-mêmes comme « sauveurs ».
La gauche est devenue gestionnaire, et dans les masses la proposition stratégique qu'est la révolution socialiste est au plus bas. La situation est terrible, le niveau idéologique et culturel lamentable.
Il n'y a même plus l'apparence de vouloir un changement profond, des mesures « révolutionnaires » à défaut de révolution. Cela est très visible à la gauche de la gauche par l'effondrement idéologique total du PCF qui s'est en pratique dissous au sein du Front de Gauche, où il occupe une place centrale grâce à son réseau de notables (élus, responsables syndicaux, associatifs, etc.) encore très puissant.
Le Front de Gauche est d'ailleurs en fait un attelage opportuniste de tendances diverses. Il a au cœur de son identité la campagne pour le « non » à la constitution européenne de 2005, que nous avions critiqué alors comme vecteur inévitable d'un social-patriotisme qui donnerait des ailes au Front National.
Le Front de Gauche n'a que profité faiblement de la victoire du « non ». Mais en dix ans, il a réussi a totalement phagocyter l'extrême-gauche trotskyste ; c'est sa seule réalisation. Ainsi, la plupart de ses composantes (PCF excepté) sont historiquement liées au trotskysme et même les groupes trotskystes qui ne sont pas adhérents du Front de Gauche, comme le Nouveau Parti Anticapitaliste, ne font plus que graviter autour de lui.
Le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon est lui aussi d'ailleurs historiquement lié au trotskysme, puisque quasiment tous ses dirigeants appartenaient à des tendances trotskystes faisant de l'entrisme au sein de Parti Socialiste.
Même l'idéologue du Parti de Gauche, François Delapierre qui vient de décéder, est un para-trotskyste de par son parcours (FIDL, Unef-ID, Gauche Socialiste dans le PS).
Et de fait, la ligne idéologique du Parti de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon est totalement néo-socialiste – ce qui explique d'ailleurs que ce parti soit essentiellement composé et soutenu par des cadres de la fonction publique.
La bataille pour le leadership au sein du Front de Gauche est par conséquent extrêmement forte entre le PCF et le Parti de Gauche, et ce d'autant plus que les places à prendre diminuent d'élections en élections.
Chacune des deux organisations manœuvrant pour déborder l'autre ; c'est la traditionnelle lutte des places des opportunistes ayant abandonné la lutte des classes. Leur ligne est finalement exactement la même : tenter de créer un « SYRIZA français », c'est-à-dire un mouvement populiste « de gauche » tel qu'il s'en développé un en Grèce.
Du côté du Parti Socialiste, la pression des forces néo-socialistes pour prendre le leadership de l'opposition interne se fait de plus en plus pressante. Diverses tendances existent, mettant toutes en avant non pas un « réformisme » visant à changer la société par petites touches sans la révolutionner d'un coup, mais à « encadrer », « réguler » le capitalisme. Toutes ces tendances mettent en avant la nécessité de s'appuyer sur un pilotage de l'économie par l’État et se revendiquent toutes en fait de l'économiste John Maynard Keynes.
On a ainsi vu comment Arnaud Montebourg a fait monter la pression lors du congrès du Parti Socialiste en publiant une tribune avec le banquier Mathieu Pigasse, qui fut conseiller économique de Hugo Chàvez et est l'actuel conseiller du gouvernement de SYRIZA en Grèce.
Un grand nombre d'économistes gravitant autour du Parti Socialiste se situent aussi sur cette ligne. On trouve ainsi les économistes Thomas Piketty, Bernard Maris (assassiné lors de l'attentat contre Charlie Hebdo), Karine Berger (qui est la tête de file de la motion arrivée en troisième place lors du congrès du Parti Socialiste), Pierre Larrouturou (qui est sorti du Parti Socialiste pour fonder le mouvement « Nouvelle Donne » en 2013) ou encore Liêm Hoang-Ngoc qui vient d'annoncer quitter le Parti Socialiste pour créer un nouveau mouvement baptisé « Nouvelle Gauche Socialiste ».
C'est là quelque chose d'intéressant car Liêm Hoang-Ngoc est quelqu'un d'assez connu. C'est un économiste renommé, il a été membre fondateur d'ATTAC, membre du Conseil National du Parti Socialiste depuis 2003, député européen jusqu'en 2014. Historiquement il est lié aux courants de gauche du Parti Socialiste, le nom même qu'il a choisi pour son nouveau mouvement est en fait une référence à la « Gauche Socialiste » qui regroupait dans les années 1990 les militants trotskystes faisant de l'entrisme au sein du Parti Socialiste (dont Jean-Luc Mélenchon) et une partie de la gauche social-démocrate.
Liêm Hoang-Ngoc se définit lui-même comme « post-keynésien ». Voici ce qu'est l'objectif affirmé de son nouveau mouvement :
« L’existence même du parti d’Epinay est désormais menacée. Les adhérents désertent massivement les sections. L’ancien ministre de l’économie a dénoncé, avec un banquier d’affaire, cette « marche vers le désastre ». Son ex-ministre délégué appelle à mettre un pied en dehors du PS. Un député ayant mené la « fronde parlementaire » propose de créer un mouvement citoyen de type nouveau. La référence à Podemos et SYRIZA est devenue le lieu commun de tous les déçus du PS. Il est temps de passer aux travaux pratiques. »
Et pour cela, est annoncée … la participation aux « assemblées citoyennes » du Parti de Gauche ayant pour objectif de désigner les candidats aux élections régionales.
Très clairement, l'objectif est donc de créer un grand pôle néo-socialiste en dehors du Parti Socialiste qui mènera la même stratégie populiste « au-delà des partis » que SYRIZA ou Podemos en Espagne. Cette stratégie est une impasse grave pour les masses comme va le montrer la politique de SYRIZA en Grèce et comme l'a déjà montré le Front de Gauche ou le Nouveau Parti Anticapitaliste.
Toutes ces coalitions rejettent totalement l'idéologie et bien qu'elles se présentent comme « radicales », elles ne veulent en fait rien changer. Leur objectif n'est pas d'unifier les masses à la base, mais de « dépasser les partis ». C'est pour ça d'ailleurs qu'elles mettent toutes en avant la « démocratie directe » (qui est en fait le nouveau nom donné à l'autogestion) et la pratique du referendum.
La ligne de Pouria Amirshahi, « frondeur » du Parti Socialiste, n'est pas non plus très loin de cela.
Or, avec la crise du capitalisme, la tâche des progressistes est de travailler à leur unification dans la lutte contre le fascisme et contre l'emprise croissante des monopoles sur la société française de jour en jour, tuant à petit feu la société civile et l'expression démocratique des masses.
Il ne s'agit pas de pratiquer la dénonciation de « la finance », pas plus par ailleurs que de sombrer dans l'esprit gestionnaire du capitalisme version Emmanuel Macron.
Le néo-socialisme prétend être « radical » mais n'a en fait d'autre utilité que de mobiliser les masses en direction du soutien au capitalisme modernisé. Cela n'a rien à voir avec la bataille pour le socialisme. Même au-delà du point de vue communiste du PCF (mlm) on peut dire que ce n'est même pas progressiste, car c'est sans contenu et s'appuie sur une démarche plébiscitaire.
Seul un retour aux sources de la social-démocratie - et pas celle, fictive, de Jean Jaurès - peut permettre d'aller de l'avant pour les socialistes. Car aujourd'hui, les progressistes sont coincés culturellement et politiquement entre le radical-socialisme d'un côté et le néo-socialisme de l'autre qui tentent d'étouffer toute expression authentiquement démocratique des masses.