Jean-Luc Mélenchon : un chiffrage du programme «keynésien conséquent»
Submitted by Anonyme (non vérifié)Jean-Luc Mélenchon a présenté hier son programme économique dans une émission de 5h de long sur Youtube, avec des « chiffres » développés par toute une équipe de gens plutôt jeunes, Jean-Luc Mélenchon n'intervenant que ponctuellement.
C'est une manière pour lui de se présenter comme crédible, avec en arrière-plan, bien entendu, l'inévitable comparaison avec le Programme commun de 1981.
Car la question de fond est là : soit nous avons raison et Jean-Luc Mélenchon est quelqu'un qui veut moderniser le capitalisme français par une mobilisation sociale-impérialiste, soit il est réellement ancré à gauche et relève d'une offensive contre la bourgeoisie.
La question est relativement vite réglée, car toute l'argumentation des cinq heures de vidéo expliquant les « chiffres » s'appuie sur un discours foncièrement keynésien : il faut relancer la consommation, par l'amélioration du pouvoir d'achat, en revalorisant les salaires, les retraites, etc.
C'est le principe de la « politique de la demande ». L'idée, keynésienne au possible, est donc que le capitalisme va être remis dans le droit chemin par l'intervention de l’État, qui va investir 273 milliards d'euros dans un plan de dépenses sur cinq ans.
Si notre analyse est juste, alors ces 273 milliards d'euros vont avoir un caractère très problématique, dans le sens où cela veut montrer que Jean-Luc Mélenchon ne veut surtout pas toucher à la bourgeoisie, ni même au grand capital.
Selon nous, il faut un front populaire bousculant la bourgeoisie, puis une démocratie populaire la faisant reculer, le socialisme pour la faire disparaître. Ce sont des étapes bien déterminées.
Même en admettant que Jean-Luc Mélenchon ne devrait être considéré que par rapport à la question du Front populaire, on voit qu'il ne bouscule nullement la bourgeoisie.
En effet, premier problème : il y aura pour son plan un emprunt de 100 milliards d'euros.
Même si des entités semi-étatiques sont mises en place, on voit qu'il y a là non pas un bousculement du rapport entre le capital et le travail, mais une soumission au capital avec la demande d'un prêt pour réaliser des investissements.
Cela signifie que le prêt va servir, inévitablement, à renforcer le capitalisme, par le capitalisme, l’État servant simplement d'interface « intelligente ».
Jacques Généreux, l'un des deux principaux économistes épaulant Jean-Luc Mélenchon, est explicite à ce sujet : il s'agit de stimuler l'économie, puis l’État se retire. Le second économiste Liêm Hoang Ngoc, a également expliqué :
« Nous sommes des keynésiens conséquents. »
Les 100 milliards témoignent ici d'un donnant-donnant entre le capital et l’État « intelligent » avec un projet social-impérialiste. Cela ne va pas dans le sens d'une offensive populaire pour faire reculer la bourgeoisie et la réaction.
Restent alors à trouver 173 milliards d'euros. Où Jean-Luc Mélenchon compte-t-il les trouver ?
Tout d'abord, en rognant sur les avantages faits aux entreprises, notamment le Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi et le « Pacte de Responsabilité ». Cela amènerait 21 milliards d'euros.
C'est un réajustement de la politique lancée par François Hollande qui est tout à fait crédible. Par contre, la lutte contre l'évasion fiscale à hauteur de 33 milliards d'euros relève de la fiction pure et simple. C'est une simple hypothèse et d'ailleurs Liêm Hoang Ngoc a précisé que ce chiffre serait obtenu « si on s'y prend bien ».
Il en va de même avec la suppression de niches fiscales à hauteur de 38 milliards d'euros : non pas qu'il s'agisse ici d'une hypothèse, mais tout simplement d'une question politique. Il faudrait une rupture avec le grand capital et Jean-Luc Mélenchon n'a nullement cette stratégie.
Bien sûr, il prétend qu'il créera un « impôt universel », le FISC frappant également dans les autres pays, ce qui est strictement impossible.
En réalité, Jean-Luc Mélenchon propose simplement un front général pour affaiblir la finance « qui tourne sur elle-même » et forme un « cancer ».
C'est la thèse d'une surproduction du capital financier qui serait unilatéral et viendrait déséquilibrer l'économie qui serait réelle.
La « planification écologique » vise ainsi, en pratique, à appuyer en quelque sorte les « industriels » contre les « financiers ».
Les dépenses dans les « besoins sociaux » et écologistes rempliraient les carnets de commandes des PME, ce qui relancerait l'ensemble de l'économie.
C'est au mieux une utopie réactionnaire, visant à réimpulser le capitalisme par les petites entreprises, c'est-à-dire une rêverie petite-bourgeoise qui s'imagine qu'on peut contourner les monopoles.
À notre époque, il faut des moyens énormes pour réaliser des choses, car le niveau technique et technologique est très avancé. L'idée de Jean-Luc Mélenchon selon laquelle des bricoleurs du quartier seraient capables de construire des rampes d'accès pour handicapés et pas Bouygues relève de l'illusion petite-bourgeoise sur la réalité des forces productives.
Inévitablement d'ailleurs, les aides keynésiennes à l'économie de Jean-Luc Mélenchon connaîtront le même parcours que celles de François Hollande : elles renforceront les monopoles, qui deviennent chaque jour davantage les maîtres de l'économie.
Jean-Luc Mélenchon diffuse une illusion, celle de contourner les monopoles et non de les écraser, tâche pourtant incontournable et substance même du programme de la démocratie populaire.