Le P«C»F face à son destin
Submitted by Anonyme (non vérifié)Pierre Laurent, le dirigeant du Parti « Communiste » français, a décidé de choisir d'appeler à soutenir Jean-Luc Mélenchon pour l'élection présidentielle de 2017. C'est une fuite en avant, car la situation est très difficile pour le P«C»F : n'ayant plus aucun socle idéologique ou culturel, le risque de se faire phagocyter est très important.
D'habitude, le P«C»F se lie au Parti Socialiste pour maintenir son réseau d'élus, qui s'amoindrit cependant toujours plus ; l'effondrement du Parti Socialiste empêche cela pour l'instant (Pierre Laurent a en effet affirmé qu'une déisgnation d'Arnaud Montebourg comme candidat du Parti Socialiste « changerait tout »).
Et, en même temps, la convergence avec le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon semble logique : il y a une base idéologique et culturelle, mais peu de cadres et de militants, alors que chez le P«C»F c'est l'inverse.
Cependant, la conclusion d'un tel soutien sera inéluctablement la disparition du P«C»F en tant que structure. Son maintien est déjà une anomalie, dans la mesure où ses deux raisons d'être n'existaient plus.
La première, c'était la révolution socialiste, abandonnée ouvertement en 1953 à la mort de Staline, la seconde, c'était l'inféodation au social-impérialisme soviétique. Depuis 1953, le P«C»F s'est opposé de manière totale à mai 1968 et à la contestation étudiante, il a fait en sorte que la CGT intègre entièrement les institutions et la logique des entreprises capitalistes.
Il en est sorti un social-chauvinisme ignoble, mélange de consommation de merguez et d'anticapitalisme romantique plus ou moins franchement antisémite, de t-shirts Che Guevara et de patriotisme agressif à prétention sociale.
Cette évolution fait du P«C»F aujourd'hui, mais également du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, une caricature décadente du thorézisme. Car déjà Maurice Thorez, à partir du milieu des années 1930, avait fait déplacé le curseur, empêchant la critique de la bourgeoisie pour se focaliser de manière unilatérale sur une prétendue « oligarchie ».
Pour cette raison d'ailleurs, il n'y a rien non plus à attendre de la « gauche » du P«C»F apparue à la fin des années 1990 et au début des années 2000, la rupture avec le thorézisme n'ayant pas été faite.
Ceux qui ont choisi de rester au P«C»F ont fondé une « Coordination des militants communistes du PCF pour sa continuité révolutionnaire et sa renaissance léniniste », puis le « Pôle de renaissance communiste en France » (PRCF).
Ceux qui ont choisi de quitter le P«C»F ont fondé une « Coordination communiste pour la reconstruction du parti communiste révolutionnaire », puis l'Union des Révolutionnaires Communistes de France, qui la semaine dernière est devenu le Parti Communiste Révolutionnaire de France (PCRF).
Le PRCF est le seul qui peut prétendre à une légitimité certaine, de par la présence de cadres historiques du P«C»F, tant des élus que des résistants, des intellectuels, etc. Mais cela implique un discours tellement chauvin que la ligne est pratiquement national-révolutionnaire.
Son « marxisme-léninisme » se réduit à Karl Marx et Lénine, son objectif est une « république sociale » qui soit « indépendante ». L'historienne Annie Lacroix-Riz fournit dans ce cadre les justificatifs complotistes, avec la théorie d'une « synarchie » qui aurait pris le contrôle de la France dans les années 1930 pour la sacrifier sur l'autel du capital international et du fascisme.
Le PCRF, quant à lui, a une démarche idéologique beaucoup plus sérieuse, l'URCF ayant été le fruit d'une véritable réflexion sur l'échec historique du P«C»F. Son marxisme-léninisme se revendique ouvertement de Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Staline et Georgi Dimitrov.
Sauf qu'il faut, pour assumer de manière correcte l'idéologie communiste, la pratique adéquate. Le lien entre la théorie et la pratique demande une dialectique éprouvée. Sinon, c'est du révisionnisme : les références sont virtuelles, sans effet.
Et quand on voit que le PCRF nouvellement formé a comme « parti frère » le parti dirigeant la Corée du Nord, on peut se demander où sont justement les Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Staline et Georgi Dimitrov, officiellement rejetés depuis bien longtemps là-bas…
On retrouve ici une problématique très simple à comprendre : celle de la question de savoir où trouver la dynamique révolutionnaire.
Le PCRF sait qu'il n'a pas la base idéologique pour pouvoir avancer, alors il se colle à la Corée du Nord, ainsi qu'au KKE (le « parti communiste » de Grèce), en se disant qu'il aura, de là, une petite dynamique pouvant lui permettre éventuellement d'avancer.
De nombreux regroupements marxistes-léninistes (PCOF, Coordination Communiste 59/62…) ont compris d'eux-mêmes la même chose... alors ils soutiennent Jean-Luc Mélenchon.
L'Union Prolétarienne Marxiste-Léniniste, qui vient de se fonder en provenant d'une scission de l'OCML-Voie Prolétarienne, mise tout sur sa liaison avec le MLPD allemand et son « Internationale » (appelée ICOR).
Les anarcho-maoïstes, qui n'ont aucune analyse de l'histoire de France ni de la société, espèrent pareillement que tout va se débloquer au moyen d'un soutien extérieur : hier le Népal, aujourd'hui l'Inde, etc.
Mais tel n'est pas le cas du PRCF, qui se tient à l'affût avec son social-chauvinisme, pour tenter de récolter une base sur les ruines du P«C»F, ce qui est un projet vain car le PRCF n'est qu'un sous-produit de la décadence thorézienne du P«C»F.
Non, la seule perspective réelle qui existe, c'est celle qui vise à marcher sur deux jambes. D'un côté, s'ancrer dans la vie quotidienne des masses, qui à 99 % n'ont jamais rencontré de militants révolutionnaires.
Cela veut dire s'ancrer dans un milieu, le travailler culturellement et idéologiquement, structure un noyau dur et générer des organismes de lutte de classes, en respectant la compartimentation sur le plan de l'organisation et en évitant les regards indiscrets de l’État bourgeois.
De l'autre, établir la base matérialiste dialectique nécessaire pour comprendre le monde, notamment les études matérialistes historiques de notre pays, permettant de saisir la complexité de la réalité de manière adéquate.
Le marxisme n'est pas une « méthode », mais une science, qui doit être employée. Il ne s'agit pas de recettes pour « lutter » de manière meilleure, mais d'une science reposant sur la dialectique théorie-pratique.
On sait à quel point le capitalisme sépare d'ailleurs la théorie et la pratique, faisant qu'on a du mal à concevoir comment les deux sont possibles. C'est cela qui produit les réactions amenant parfois certains à se dire que si lesmaterialistes.com a une théorie, alors il n'a pas de pratique.
Rien de plus absurde. La théorie est le reflet de la pratique ; aucune pratique erronée ne permet de produire de la théorie. D'ailleurs, l'extrême-gauche ne produit justement plus de théorie, pour cette raison même.
Quant au P«C»F, son effondrement inéluctable est la conséquence de cette problématique : il est né par la révolution, en se plaçant en-dehors d'elle il a été maintenu en vie par le capitalisme, mais son rôle est passé et sa mort programmée.