«Sortir de l'impasse» avec une «gauche moderne» sociale-chauvine ?
Submitted by Anonyme (non vérifié)Aujourd'hui à gauche, on trouve principalement trois choses :
- une gauche devenue centre-gauche passée sur une approche post-moderne et « sociétale », accompagnant la décadence de la société bourgeoisie en présentant comme un progrès la liquidation de la civilisation ;
- une gauche de la gauche représentée par Jean-Luc Mélenchon, ouvertement social-impérialiste, mélangeant « indépendantisme » cache-sexe du nationalisme, populisme « anti-impérialiste » c'est-à-dire uniquement anti-américain ;
- une ultra-gauche anarcho-trotskyste totalement petite-bourgeoise, totalement déconnectée du reste de la société.
Il va de soi qu'un tel panorama est inacceptable, que l'Histoire a besoin d'autres choses pour avancer. Les personnes ayant une conscience sociale sont désorientées mais savent qu'elles ont besoin d'autre chose.
La publication de la contribution « Sortir de l'impasse », texte rendu public hier dans le quotidien Le Monde, au nom d'une « gauche moderne », est à comprendre comme une tentative d'occuper l'espace, de prendre la place à prendre.
Le contexte de la publication de ce document est, naturellement, la crise idéologique très importante ouverte par le projet de réforme du code du travail, qui a provoqué un très fort émoi dans les masses populaires, ouvrant pratiquement un nouveau cycle de lutte de classes.
Cela est, bien sûr, tout à fait vain. On ne remplace pas l'idéologie et la ligne de masses à coups de candidature coup de force comme l'a fait Jean-Luc Mélenchon, à coups de pragmatisme outrancier comme Manuel Valls, à coups de manifeste sans contenu comme ici avec Martine Aubry, ni à coups de deux graffitis, trois graffitis et quatre commentaires facebook comme à l'utra-gauche.
On ne mène pas une guerre de positions au sein de la société sans disposer de noyau idéologique, de base culturelle, de travail de fond au sein des masses. Tout cela, le « militantisme » d'extrême-gauche ne sait plus ce que c'est, encore faut-il d'ailleurs se demander qu'elle l'ait jamais su.
Quant à Martine Aubry, initiatrice de « Sortir de l'impasse », elle le sait, mais elle s'en moque. Ayant perdue aux primaires socialistes, face à François Hollande, en 2011, elle tente de revenir sur la scène politique.
Mais que dit son manifeste ? Que propose-t-il ? Absolument rien. On ne trouve ni le terme « bourgeoisie », ni celui de « capitalisme ». Il y a une seule référence à la classe ouvrière, afin d'expliquer… que son rôle est passé :
« La gauche a appris des mouvements ouvriers qu’il n’y a pas de liberté sans égalité. »
C'est bien là l'identité d'une « gauche moderne », issue du mouvement ouvrier mais ayant rompu avec lui, ne parlant plus que de la « France », pleurant qu'il y aurait « un affaiblissement durable de la France », etc.
Le terme de « socialisme » revient une fois, cependant il va de soi qu'il n'est nullement défini. On lit :
« Les valeurs, l’ambition sociale, les droits universels de l’Homme, l’équilibre des pouvoirs, que restera-t-il des idéaux du socialisme lorsque l’on aura, jour après jour, sapé ses principes et ses fondements? »
De quelles valeurs est-il parlé ? On n'en saura rien. Que signifie « ambition sociale » ? Strictement rien, à part sans doute la volonté de petits-bourgeois à pouvoir devenir des grands bourgeois. Quant à la question de l'équilibre des pouvoirs, elle est risible quand on sait que la Ve République est fondée sur le principe de l'élection populiste d'un Président « sauveur », qu'elle est née du coup de force de Charles De Gaulle.
Il est significatif que, parmi les signataires de soutien, on trouve des figures classiques de cette « gauche moderne » du type François Mitterrand : Claude Alphandéry est un banquier qui a notamment fondé le « Collectif Roosevelt », la député Laurence Dumont est une proche de Martine Aubry, Bruno Julliard est un ancien dirigeant du syndicat étudiant UNEF lié au PS, Benoît Hamon est un socialiste « de gauche » qui a pourtant fait partie du gouvernement de Jean-Marc Ayrault et même été le premier ministre de l'Éducation de Manuel Valls, Daniel Cohn-Bendit est la figure historique libérale-libertaire, Daniel Cohen est un économiste qui travaille à la banque Lazard, Michel Wieviorka est un sociologue typique des universitaires « de gauche », etc.
Tout cela est un amoncellement de figures de la « gauche moderne », ne reflétant aucunement une base de masse, un mouvement de masse, une tendance dans les masses. C'est une énième tentative absurde de faire naître une gauche « par la force », en contournant l'inévitable travail de fond, à la fois culturel et idéologique, éducatif et militant, cernant tous les aspects de la lutte des classes.