Sur les manifestations du 14 juin contre le «Projet de Loi Travail»
Submitted by Anonyme (non vérifié)Ce qui est terrible avec les psychodrames syndicaux, c'est que l'irrationnel y progresse de manière toujours plus démesurée, conformément à l'hystérie des mentalités petites-bourgeoises et aristocrates ouvrières.
La grande manifestation d'hier a été un succès certain pour le bloc syndical en lutte contre le projet de loi travail, toutefois arguer comme le fait la CGT qu'il y aurait eu 1,3 million de personnes dans tout le pays, c'est résolument forcé.
C'est ce côté forcé qui a amené, il y a peu, la ville de Tulle à voir son approvisionnement d'électricité coupée pendant plusieurs heures et son accès par la route coupé. Avec comme simple raison que c'est la ville... d'où vient le président de la République François Hollande !
On s'en souvient, on a eu également droit à de nombreuses actions absurdes comme couper l'électricité aux gens comme à Saint-Nazaire avec 125 000 foyers concernés pendant plusieurs heures, bloquer des raffineries pour tenter de « forcer » la paralysie du pays, bloquer une gare parisienne pendant une heure, empêcher la publication de la presse bourgeoisie refusant de publier un communiqué de la CGT, etc.
On est là dans une démarche de réformisme violent, dans la tradition française du syndicalisme révolutionnaire français, qui se veut anti-politique, rentre-dedans, revendicatif.
Hier, ce sont les anarchistes qui se sont encore distingués dans cette course au « forcé », avec 15 baies vitrées de l'hôpital Necker, spécialisé dans la prise en charge des enfants, brisées, alors qu'était également inscrit sur une vitre « Ne travaillez jamais ! ».
Les anarchistes cherchent de manière régulière l'affrontement avec la police, non pas afin de faire déborder les mouvements de masse, mais bien en tant qu'activité qui serait révolutionnaire « en soi », dans l'esprit de l'action directe, de la « propagande par le fait ».
Quant aux syndicats, ils mobilisent non pas les masses, mais leur ban et leur arrière-ban, avec comme seul but leur auto-préservation.
Les masses ont été, de ce fait, les spectatrices d'un combat qu'elles soutenaient, mais où elles n'ont finalement pas considéré qu'elles avaient leur place. La lutte contre le projet de Loi Travail va très certainement aboutir à un échec général, car les forces qui l'ont dirigée étaient étrangères aux masses.
La lutte contre le « projet de Loi Travail » n'est désormais plus que l'expression politique d'un bloc petite-bourgeoisie – aristocratie ouvrière.
Qui a, en fait, été à la tête du mouvement contre le projet de Loi Travail ? Pour cela, il faut porter son attention sur les trois phases successives de la lutte.
La première phase a consisté en le refus du projet de Loi Travail par les principaux syndicats, ainsi que la gauche du Parti Socialiste qui tente de prendre le contrôle de celui-ci.
La seconde phase a consisté en la tenue en soirée de réunions et de discussions sur la place de la République à Paris, sous le nom de « Nuit debout ».
La troisième phase a été marquée par la prise du contrôle de la lutte par la CGT, qui a mobilisé toutes ses structures pour apparaître comme un syndicat de combat, jouant sa place historique de n°1 syndical.
Ainsi, si l'on regarde bien, on voit le caractère éminemment institutionnel de ceux qui ont mené la lutte. La gauche du Parti Socialiste ne veut nullement mener une lutte de classes, n'assumant aucunement ce concept et parlant seulement du « libéralisme ».
« Nuit debout » relève de son côté du mouvement « citoyenniste » luttant contre « l'oligarchie », dans une démarche lancée notamment par la revue amiénoise Fakir.
« Nuit debout » n'a amassé au fur et à mesure que des petit-bourgeois et des lumpen-prolétaires, aboutissant à une atmosphère toujours plus décadente, marquée même par des viols.
Enfin, la CGT est depuis les années 1960 un syndicat entièrement lié aux institutions et à leur stabilité, comme sa position contre-révolutionnaire durant Mai 1968 l'a démontré.
Seulement 2,6 % des salariés ont aujourd'hui leur carte à ce syndicat, mais celui-ci fait partie de la liste des organisations syndicales reconnues comme « représentatives » au niveau national et interprofessionnel : syndicats patronaux et de salariés se voient dotés par l’État de 4 milliards d'euros annuellement, afin d'organiser le corporatisme.
C'est à ce titre que la CGT parvient à obtenir environ 30 % des voix aux élections syndicales, tout en n'ayant aucunement le poids pour vraiment chercher à contre-balancer le capitalisme, n'étant qu'un syndicat « représentatif », aucunement un véritable organe de masse.
C'est la raison pour laquelle les communistes authentiques ont toujours combattu la CGT, qui a été le bastion des ex-communistes devenus révisionnistes. La CGT a toujours été le vecteur du révisionnisme à la Thorez, c'est-à-dire d'un syndicalisme « révolutionnaire » focalisé sur l'économie et rejetant la culture, la politique, l'idéologie.
Il faut comprendre que la CGT se situe dans la perspective historique de la charte d'Amiens de 1906, où la CGT rejette la politique : historiquement, le Parti Communiste français s'est mis à la remorque de la CGT, au lieu que cela soit le contraire.
Pour cette raison, les trotskystes et les anarchistes ont massivement soutenu la position de la CGT, tentant pour les anarchistes de procéder à des débordements anti-policiers, pour les trotskystes de faire monter les revendications sociales.
On a même pu constater la réapparition de la tendance thorézienne de gauche soutenant la CGT et la présentant comme un organe de lutte, diffusant l'illusion que la lutte s'étendait et triompherait immanquablement si on se contentait de « pousser » de manière velléitaire, etc.
Les masses ne pouvaient pas décemment participer à cela. Leur embryon de juste mobilisation, pouvant atteindre 1,2 million de personnes, s'est vu précipiter dans un cul-de-sac général.
C'est pour cela qu'hier, la CGT a prétendu que 1,3 million de personnes s'étaient mobilisées, soit davantage. Il s'agit de prétendre que le mouvement s'étend, alors qu'en réalité, il se décrédibilise chaque jour davantage de par ses limites, sa dimension forcée, son vide culturel, son absence de dynamique positive.
Il serait d'ailleurs absurde de penser que ce mouvement n'aide pas le Parti Socialiste. Car l'apolitisme de l'extrême-gauche aide le réformisme.
Le président socialiste François Hollande a bien compris dès le départ l'intérêt d'un « mouvement social » et il a laissé s'orchestrer cela, afin de faire monter la gauche pour les élections de l'année prochaine. Le Parti Socialiste a très bien joué politiquement.
Lorsque les anarchistes et la CGT ont procédé à des actions pour murer des permanences du Parti Socialiste, ils ont montré qu'ils ne proposent pas d'alternative politique, qu'il est dans leur nature de courir derrière le Parti Socialiste.
On est là dans la fiction, sans impact sur la société. Le jusqu'au-boutisme de la CGT et des anarchistes relève de la figuration : c'est leur place de « rebelles » au sein des institutions qu'ils cherchent à défendre, tout comme la petite-bourgeoisie en crise a été aux premières loges de la lutte contre le projet de loi travail.
C'est une sorte de nouveau Mai 1968 dans sa forme caricaturale. Déjà Mai 1968 aurait dû à l'époque être vu avec un regard bien plus critique, en raison de sa charge libéral-libertaire pour un capitalisme modernisé.
A l'époque, nous maoïstes avons failli et par conséquent échoué. Nous ne ferons pas la même erreur en 2016.
Nous ne suivrons pas aujourd'hui la petite-bourgeoisie et son spontanéisme, ni le réformisme radical de type syndicaliste, ni demain leurs formes prenant un tour violent, sur une base restant réformiste, suiviste, spectaculaire et sans contenu.
Le culte du style et du déraisonnable ne peut qu'être rejeté. Cela est totalement étranger à la classe ouvrière.
C'est elle qui va être victime de plein fouet du projet de Loi Travail que le gouvernement veut mettre en place.
Cette loi travail tient de fait en deux axes : davantage de flexibilité, davantage de corporatisme. Ce n'est pas un projet « libéral » en soi, mais un projet qui vise à augmenter la dépendances des salariés vis-à-vis des entreprises, à les motiver en faveur des projets de celles-ci notamment au moyen de « référendums » locaux.
C'est l'ouverture par le capitalisme d'une gestion par en haut, où les travailleurs non seulement acceptent, mais doivent se mobiliser en faveur du capital.
L'ennemi principal est donc non pas le patronat, mais le capitalisme lui-même qui vise à encore plus pressuriser les travailleurs. C'est la bourgeoisie, dans le cadre de la crise générale du capitalisme, qui impose cette démarche.
On ne peut pas lutter contre une telle tendance historique en prônant un retour en arrière, ni une « Sixième République », ni une réécriture de la Constitution, ni en critiquant simplement les banques.
Pas même en bloquant, en cherchant l'affrontement avec la police.
Le problème est bien plus profond et a une dimension historique.
Cette dimension, c'est la révolution socialiste, dirigée par le Parti, mobilisant les masses sur la base de valeurs idéologiques et culturelles. Sans le pouvoir, tout est illusion.