31 Jan 2007

Brochure ANTIFASCISME - Antonio Gramsci

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Présentation

Antonio Gramsci (1891-1937) est la principale figure du Parti Communiste naissant en Italie suite à la révolution russe, dont  il a été également le principal théoricien. Il sera emprisonné par le pouvoir fasciste, qui le considérait comme une menace vitale de par sa capacité d’analyse de la société italienne.

Le fascisme comme expression de la petite-bourgeoisie

En tant que dirigeant du mouvement communiste en Italie exactement au moment où le fascisme de développe et finit par triompher, Antonio Gramsci a été en première ligne dans la tentative d’analyse de ce phénomène « nouveau ». Gramsci a ainsi pu voir comment le fascisme a mis en place le corporatisme, découpage de la société en strates totalement compartimentées et soumises à l’Etat fasciste. Il interprète cette forme d’organisation sociale comme correspondant à l’idéologie de la petite-bourgeoisie.

« Le gouvernement fasciste ne peut se maintenir au pouvoir que tant qu’il rend la vie impossible à toutes les organisations non fascistes. Mussolini a fondé son pouvoir sur l’appui de couches profondes de la petite bourgeoisie qui, n’ayant aucune fonction dans la production et ignorant, en conséquence, les antagonismes et les contradictions résultant du régime capitaliste, croyaient fermement la lutte des classes être une invention diabolique des socialistes et des communistes.

Toute la conception « hiérarchique » du fascisme résulte de cet esprit petit-bourgeois. De là le concept de la société moderne formée d’une série de petites corporations organisées sous le contrôle de l’élite fasciste, dans lequel se trouvent concentrés tous les préjugés et tous les penchants utopistes de l’idéologie petitebourgeoise. De là la nécessité de créer un syndicalisme « intégral », revu du syndicalisme démocratique chrétien où l’idée de la nation, élevée à la divinité, est substituée à l’idée religieuse. »
(L’échec du syndicalisme fasciste, 1924).

Gramsci voit le fascisme comme une tentative de préserver la stabilité autant que possible. Il dit que :

« La crise radicale du régime capitaliste, qui a débuté avec la guerre en Italie comme dans le monde entier, n’a pas été résolue par le fascisme.

Usant d’une méthode de gouvernement répressive, le fascisme avait rendu très difficiles et même presque totalement interdit les manifestations politiques de la crise capitaliste générale, mais il n’a cependant pas marqué l’arrêt de celle-ci et, moins encore, une reprise et un développement de l’économie nationale. »
(La crise italienne, 1924)

Pour Gramsci, le fascisme est le produit de la crise: la petite-bourgeoisie s’effondrant en tant que classe se mobilise contre la classe ouvrière au nom de l’intérêt national. Si le fascisme a triomphé en Italie, c’est parce que le Sud est peu industrialisé alors que le Nord l’est beaucoup; dans ce cadre seule la petite-bourgeoisie apparaît comme une classe « unifiant » le pays et capable d’avoir un « programme ». Mais l’Etat fasciste ne réalise nullement ce programme, bien au contraire il renforce l’écrasement du prolétariat et des classes moyennes: le fascisme est donc fondamentalement instable.

Gramsci considère donc que le fascisme ne pourra pas durer, notamment en raison de l’influence grandissante de la bourgeoisie agraire dans le mouvement fasciste, et considère que Mussolini n’est qu’une figure pitoyable :

« L’assassinat de Matteotti a été la preuve par neuf que le Parti fasciste ne parviendra jamais à être un parti de gouvernement normal, que Mussolini ne possède rien de l’homme d’État et du dictateur, si ce n’est quelques poses pittoresques purement extérieures : Mussolini n’est pas un élément déterminant de la vie nationale ; c’est un phénomène du folklore local, destiné à passer à la postérité, à la suite des différents « masques » provinciaux italiens, plutôt qu’à s’inscrire dans la lignée des Cromwell, des Bolivar, des Garibaldi »
(La crise italienne, 1924).

Le fascisme est un phénomène nouveau, unique en son genre, et théoriquement imprévisible :

« La caractéristique du fascisme consiste en ce qu’il est parvenu à constituer une organisation de masse de la petite bourgeoisie. C’est la première fois dans l’histoire qu’une chose pareille se produit. L’originalité du fascisme réside en ce qu’il a trouvé la forme d’organisation adaptée à une classe sociale qui a toujours été incapable d’avoir une unité et une idéologie unitaire : cette forme d’organisation est celle de l’armée en campagne. »
(La crise italienne, 1924).

La lutte antifasciste

Si Gramsci a une conception du fascisme qui est proche du trotskysme, sa conception de la lutte antifasciste relève par contre des positions de l’Internationale Communiste à laquelle appartient le Parti Communiste d’Italie. Gramsci raisonne en effet en terme d’organisation et d’étapes ; il considère que l’antifascisme est nécessaire et soutient ainsi l’union des forces antifascistes. Une vision par « étapes » qui s’oppose au principe trotskyste de la « révolution permanente ». Pour Gramsci, la lutte contre le fascisme a une base démocratique, non révolutionnaire. La lutte antifasciste est une phase de transition et le Parti Communiste a une fonction d’avant-garde.

La différence avec la conception de Dimitrov est par contre énorme. Alors que pour Dimitrov et les communistes le fascisme représente politiquement parfaitement les intérêts de la bourgeoisie financière, pour Gramsci le fascisme n’est qu’un agrégat informe :

« Il n’existe pas de Parti fasciste capable de transformer la quantité en qualité, pas de Parti fasciste qui soit un appareil de sélection politique pour une classe ou pour une couche sociale ; il n’existe qu’un agrégat mécanique indifférencié et indifférenciable du point de vue des capacités intellectuelles et politiques, qui ne vit que parce qu’il a acquis dans la guerre civile un esprit de corps extrêmement vigoureux, grossièrement identifié avec l’idéologie nationale. »
(La crise italienne, 1924)

Pour Gramsci, les fascistes ne peuvent pas s’emparer de l’Etat, ses structures restant intouchables : armée, magistrature, police, presse, Vatican, franc-maçonnerie, Cour, etc. Gramsci paiera cher cette erreur. Gramsci avait qualifié le fascisme d’« improvisation d’amateurs », mais à son procès, le procureur expliquera qu’« il faut empêcher ce cerveau de penser pendant vingt ans », il meurt alors peu après sa sortie de prison, en 1937. Pendant ses années de prison, il écrira ses « cahiers », traitant à mot couvert du marxisme et de la société italienne, mettant en avant la notion d’hégémonie et le rôle de la culture. Mais la conception du fascisme comme mouvement tentaculaire était déjà comprise pareillement par les communistes du monde entier: en Italie par Palmiro Togliatti qui avait pris le relais de Gramsci au sein des communistes d’Italie, en Allemagne où le Parti Communiste multipliait les organismes générés (du théâtre jusqu’aux clubs de motos) et surtout en Chine.

Les grandes questions: