31 Jan 2007

Brochure ANTIFASCISME - Ibrahim Kaypakkaya

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Présentation

Ibrahim Kaypakkaya (1949-1973) est l’une des principales figures du mouvement issu de 1968 en Turquie. Jeune étudiant il a analysé de manière approfondie la Turquie et en a conclu que celle-ci est un pays fasciste, le kémalisme correspondant à une forme de fascisme typique des pays néo-colonisés. Il meurt à 24 ans après avoir fondé une guérilla.

Le kémalisme: pseudo démocratie, vrai fascisme

Au sortir de la première guerre mondiale, la Turquie a vécu une « révolution », guidée par Mustafa Kémal et ayant amené une modernisation du pays, qui devint une république, défendant notamment la laïcité. Ibrahim Kaypakkaya a été le premier théoricien à considérer que cette révolution était en fait une révolution par en haut, instaurant un régime fasciste.

Si aujourd’hui l’extrême-gauche en Turquie considère ce pays comme fasciste, les avis divergent concernant le moment où le fascisme est apparu. Certains considèrent que le kémalisme a été trahi, d’autres que le kémalisme a modifié sa nature après avoir libéré le pays pour lui donner son indépendance. Kaypakkaya affirme au contraire que le kémalisme est une révolution par en haut pour empêcher celle par en bas.

Pour des raisons historiques, la Turquie était avant la première guerre mondiale l’empire ottoman; totalement sous le contrôle des capitaux européens, il a été amené par l’Allemagne à s’engager à ses côtés dans le conflit mondial. Selon Kaypakkaya, qui reprend l’analyse de Mao Zedong sur la Chine, la « révolution » kémaliste n’a consisté qu’en la liquidation des anciennes couches semi-coloniales semiféodales par des nouvelles. La « turquification » du pays s’explique ainsi: les couches sociales éjectées du pouvoir étaient notamment grecques et arméniennes. D’où les slogans nationalistes en Turquie valables encore aujourd’hui comme « un turc vaut monde » ou « heureux celui qui peut dire: je suis un Turc », ou la conception (appelée
théorie soleil-langue) comme quoi toutes les langues du monde viennent du turc, etc.

La bourgeoisie commerçante turcophone a été obligé de s’opposer à l’intervention franco-anglaise suivant la défaite allemande en 1918 afin de sauver son existence, tout comme les propriétaires terriens mais cela n’est pas allé plus loin et ces couches sociales sont devenues « compradore. »

« La révolution kémaliste est une révolution de la couche supérieure de la bourgeoisie commerçante, des propriétaires terriens, des usuriers turcs et un nombre plus faible de la bourgeoisie industrielle existante. C’est-à-dire que les chefs de la révolution sont les classes de la grande bourgeoisie compradore turque et les propriétaires terriens. La bourgeoisie moyenne avec un caractère national n’a pas participé à la révolution en tant que force guide. »
(A propos du kémalisme)

Les coups d’Etat marquent le passage de la soumission à une puissance impérialise à la soumission à une autre; le putsch de 1950 amène ainsi la soumission aux USA. Même si le kémalisme a une apparence parfois démocratique, en pratique la culture et l’idéologie dominante présuppose une mobilisation nationaliste de masse orchestrée par la bourgeoisie compradore, qui participe aux plans des pays impérialistes et qui n’hésite pas d’ailleurs à avoir des visées expansionnistes – militaristes parallèlement à leurs plans à eux. Toute critique du kémalisme est interdite en Turquie, il est possible d’être «libre » mais seulement dans le cadre des valeurs kémalistes. Le masque est démocratique, mais c’est l’armée qui décide de tout en dernier ressort :

« la réalité de la Turquie nous montre que le kémalisme est un anticommunisme fanatique. »
(A propos du kémalisme)

La conception de Kaypakkaya est originale pour la Turquie, mais pas dans le monde, où dans les années 1960-1970 les partisans de Mao Zedong ont qualifié les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine de « pays semi-féodaux semi-coloniaux » et appelé à suivre la « voie de la Chine. » Il s’agit alors d’une « guerre populaire » revenant à une « guerre de libération nationale », première étape d’une révolution devenant par la suite socialiste.