protestantisme

10 déc 2017

La plus grande erreur qu'il serait possible de faire ici est de penser que la Réforme a triomphé, que la guerre des paysans n'a été qu'un épisode sans importance. Bien au contraire, cette guerre a révélé l'insuffisante maturité de l'affirmation de la nation allemande par Martin Luther.

Dans les faits, le pays est resté religieusement divisé. Les protestants de type luthérien n'ont jamais formé qu'une courte majorité par rapport aux catholiques.

Voici ce que cela donne pour l'année 1555. Les zones catholiques sont en bleu, en bleu clair lorsqu'il s'agit d'une simple majorité. Les luthériens sont en rose, en rose clair lorsqu'il s'agit d'une simple majorité. En jaune clair, on trouve les partisans de Calvin et de Zwingli, c'est-à-dire la Réforme protestante, en jaune foncé les restes de la révolte hussite et taborite...

5 déc 2017

Le choix d'opposition aux paysans amenait une conséquence fondamentale dans la théologie de Martin Luther : elle fermait la possibilité d'aller vers le Saint-Esprit, de l'écouter et de l'exprimer.

C'était la ligne de Thomas Müntzer, qui y voyait un moyen pour le peuple, l'homme du commun, d'enfin s'exprimer et d'aller vers la démocratie.

Il y a donc un déplacement historique de la position de Martin Luther, d'une opposition à l’Église catholique au nom d'une libre expression en se fondant sur l'Evangile, à un piétisme intériorisé reconnaissant une vie intérieure, mais pas d'expression extérieure...

4 déc 2017

Martin Luther avait été heureux du compromis de la « Ligue souabe » représentant la haute noblesse avec les armées paysannes dites du Lac et de l’Allgäu. Mais c'était une exception et il se voyait dans l'obligation de prendre parti pour l'un des deux camps.

Son option principalement nationale lui fit prendre le parti des Princes électeurs, alors qu'il aurait préféré rester à l'écart, considérant que son positionnement religieux allait révolutionner de l'intérieur une Allemagne nouvelle...

3 déc 2017

Le problème historique du positionnement de Martin Luther, c'est que la paysannerie était déjà en mouvement et qu'avec une figure comme Thomas Müntzer capable de synthétiser ses exigences historiques, même à travers la théologie, le mouvement prenait une tournure insurrectionnelle.

L'une des prémisses les plus connues fut, dans le Wurtemberg en 1514, le soulèvement de l'Arme Konrad, le « pauvre Konrad », organisation clandestine de défense des simples gens, avait déjà été écrasé par le sang, 1700 paysans se faisant torturer et assassiner, Reinhard Gaisser émergenant comme figure révolutionnaire au cours de ce processus.

On avait affaire là à une tendance historique, une révolte anti-féodale qui ne pouvait pas temporiser avec les calculs de Martin Luther d'une réforme traversant les institutions...

1 déc 2017

La majorité de la population, toutefois, reste à l'écart des villes. En quoi consiste, à l'époque, la paysannerie ? Voici ce que nous en dit Friedrich Engels :

« Au-dessous de toutes ces classes, à l'exception de la dernière, se trouvait la grande masse exploitée de la nation : les paysans.

C'est sur eux que pesait toute la structure des couches sociales: princes, fonctionnaires, nobles, curés, patriciens et bourgeois. »...

30 nov 2017

Où Thomas Müntzer trouvait-il une telle force pour oser affirmer un tel universalisme ? Cela tient aux contradictions sociales dans les pays allemands d'alors.

Martin Luther l'avait bien compris ; il avait écrit une Lettre aux princes de Saxe sur l'esprit de rébellions ; à ses yeux, il fallait totalement isoler Thomas Müntzer, qui risquait pour lui de ruiner la Réforme en scindant les forces qui y sont favorables.

A l'opposé, Thomas Müntzer représentait justement des forces voyant comme inacceptables leur situation, où leur propre contestation se voyait happée par les Princes électeurs...

28 nov 2017

Après avoir dû fuir Allstedt, Thomas Müntzer finit par s'installer à Mühlhausen en Oberfranken. Cette ville avait 7 000 habitants et qui plus est 19 villages y étant rattachés ; son importance était alors plus grande que Dresde ou Leipzig.

A Mülhausen, l'ancien moine Henri Pfeiffer avait organisé un soulèvement populaire...

27 nov 2017

On peut se demander pourquoi Thomas Müntzer osa faire un sermon aux princes électeurs. La raison est toute simple : c'est un universaliste, qui prend la religion comme le vecteur moral de tout un chacun.

Etant véritablement démocrate, il ne cesse de vouloir s'appuyer sur « l'homme commun », mais cela signifiait également prêcher pour que les puissants eux-mêmes capitulent...

14 nov 2017

On ne serait sous-estimer la quête existentielle de Martin Luther, mésestimer l'enjeu humain que sa démarche représente. Il ne s'agit pas de quelqu'un réfutant simplement une quête d'argent de la part d'une Eglise bureaucratisée et peuplée d'opportunistes ; il s'agit de vivre en tant qu'humain et pour cela d'acquérir un fondement solide à sa propre existence.

Envoyé à Rome à la fin de 1510, Martin Luther n'y resta que moins d'un mois ; de manière significative, cela ne déclencha pas de révolte contre l’Église romaine et sa corruption, comme on aurait pu s'y attendre en suivant une interprétation erronée...

12 nov 2017

Martin Luther est né le 10 novembre 1483 en Saxe, à Eisleben, dans une famille de paysans, qu'il décrivit de manière suivante :

« Je suis un fils de paysan ; mon arrière-grand-père, mon grand-père, mon père étaient d'authentiques paysans. »

En fait, le père tenta de s'élever socialement en devenant mineur, à Mansfeld, avant de devenir bourgeois, ce qu'était déjà sa mère par sa famille. Le père devint même magistrat de Mansfeld...

9 nov 2017

Eyn deutsch Theologia assume donc une forme très poussée de panthéisme ; tout être humain porte une dignité fondamentale. On lit, dans une approche qui est précisément celle de « maître » Eckhart :

« Quand on dit que quelque chose est ou se produit contre Dieu, l’afflige et le peine, on doit savoir qu’aucune créature, en tant qu’elle est, vit, a savoir, force, capacité et autres choses semblables, ne l’afflige ou le peine ; rien de tout cela n’est contre Dieu.

Que l’esprit malin ou l’homme soit, vive et autres choses semblables, tout cela est bien et est de Dieu, car tout cela est Dieu par son essence et son origine...

8 nov 2017

La répression du Vatican mit de côté la perspective développée par « maître » Eckhart sur un plan général, mais il existait dans les pays allemands des gens considérant que cette perspective était la bonne.

La voie mystique ouverte par Eckhart fut en mesure de temporairement se maintenir en Allemagne, correspondant tant aux mentalités des pays allemands qu’aux intérêts de nombreuses forces sociales.

Une perspective plus intimiste accompagnait inévitablement le développement des villes, alors que l’Église était en même temps romaine et présentait une nature toujours étrangère avec l'émergence du sentiment national...

1 nov 2017

Pour comprendre la démarche de Martin Luther (ainsi que de Thomas Müntzer, autre figure historique de la vague protestante allemande), il faut avoir conscience qu’il existait alors tout un arrière-plan idéologique et culturel propre aux pays allemands.

Tout un courant mystique s’était développé, dont la figure la plus connue est « Maître » Eckhart (1260-1328) ; il est historiquement parlé du « mysticisme rhénan » et Strasbourg en fut l’un de ses centres.

Devenu maître en théologie à l’Université de Paris, alors la plus prestigieuse, Eckhardt développa des thèses extrêmement approfondies, qui lui valurent maille à partir avec l’Inquisition et furent repoussées en partie, tout en ayant malgré tout un impact profond en Allemagne et aux Pays-Bas...

31 oct 2017

Il y a 500 ans, le 31 octobre 1517, c'est-à-dire la veille de la Toussaint, Martin Luther placardait sur la porte de l'église de Wittenberg une affiche comportant 95 thèses. Contrairement à une opinion largement répandue, Martin Luther ne se contentait pas d'y dénoncer les « indulgences », c'est-à-dire les « pardons » des péchés accordés alors par milliers par l’Église catholique romaine contre rémunération.

Ce qu'il visait avec ses « quatre-vingt-quinze thèses théologiques sur la puissance des indulgences », c'est le fait même que l’Église catholique romaine existe, avec le Pape à sa tête, en tant que force centralisée décidant de ce qui est légal ou non sur le plan religieux et intervenant dans la société pour décider de ce qui est juste ou pas...

31 oct 2017

Editorial du 31 octobre 2017

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Il y a 500 ans précisément, Martin Luther placardait ses fameuses thèses. Ce fut un événement d'une portée progressiste mondiale. Car l'une de nos affirmations matérialistes historiques tout à fait spécifiques tient justement à l'affirmation de la valeur historique du protestantisme.

Cette religion a été résolument progressiste, de par sa charge anti-féodale ; son échec a conditionné les mentalités françaises qui restent imprégnées, voire saturées de valeurs catholiques...

10 sep 2017

Martin Luther - Les «95 thèses» (1517)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Par amour pour la vérité et dans le but de la préciser, les thèses suivantes seront soutenues à Wittemberg, sous la présidence du Révérend Père Martin LUTHER, ermite augustin, maître es Arts, docteur et lecteur de la Sainte Théologie. Celui-ci prie ceux qui, étant absents, ne pourraient discuter avec lui, de vouloir bien le faire par lettres. Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.

  1. En disant : Faites pénitence, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles fût une pénitence.

     

29 juin 2017

L'échec du calvinisme est l'expression de l'échec du sud de la France à former une nation, malgré certains éléments constitutifs présents. Théodore Agrippa d'Aubigné lui-même vient de Pons, dans la région de Saintonge dans le Sud-Ouest de la France.

Friedrich Engels le constate bien, en comparant la situation du Sud de la France à celle de la Pologne au XVIIIe siècle. La Pologne a réussi à se maintenir en tant que nation par la dimension anti-féodale de son action, là où la France du Sud, de par le maintien complet du féodalisme, n'a pas pu se développer...

27 juin 2017

Le projet étant en échec, la perspective bloquée, Les Tragiques ne pouvaient exprimer le calvinisme français que par un ton chaotique, un fil décousu, une approche à la fois satirique et tragique, dans une impression de confusion générale. Il s'agit d'une fuite en avant, propre par ailleurs à la faiblesse idéologique du calvinisme naissant.

Martin Luther, une fois qu'il aura soutenu la noblesse contre les paysans révoltés, se précipitera pareillement dans une fuite en avant dans une sorte d'anticapitalisme romantique avant l'heure, adoptant un ton forcené appelant au massacre des sorcières et des juifs, afin de trouver une « direction » à indiquer, une perspective communautaire donnant du sens en apparence...

26 juin 2017

Cette limitation historique du calvinisme en France qui s'exprime dans Les Tragiques se lit également dans la forme du recueil. L’œuvre est divisée en sept parties, appelées livres, avec chacune un titre : Misères, Princes, La chambre dorée, Les feux, Les fers, Vengeances, Jugement.

On peut y voir, dans sa structure, un parallèle avec les sept sceaux de l'Apocalypse de Jean ; on retrouve, pareillement, des descriptions de choses monstrueuses, avant que les justes soient sauvés. Misères décrit la terrible situation d'alors, alors que Théodore Agrippa d'Aubigné se présente comme un nouveau Hannibal partant en guerre contre Rome...

23 juin 2017

En tant que recueil poétique, Les Tragiques reflètent à la fois une démarche de rupture avec le féodalisme porté par le calvinisme, mais également l'échec du calvinisme français de par la base de sa direction largement soumise à des fractions aristocratiques.

C'est une œuvre significative de tout un processus historique ayant eu une importance capitale en France, puisque conditionnant les modalités de l'affirmation de la monarchie absolue...

22 juin 2017

Les Tragiques sont ainsi une œuvre exprimant une défaite, et c'est cela qui fait son intérêt, Théodore Agrippa d'Aubigné étant une figure historique d'une grande importance pour la France du XVIe siècle.

Il fut, en effet, un des principaux activistes de la cause protestante en France, tant sur le plan militaire que sur le plan intellectuel.

C'est en ce sens qu'ont une valeur historique les écrits de Théodore Agrippa d'Aubigné synthétisant cet épisode historique que furent les guerres de religion : Les Tragiques, écrits en vers et publiés en 1616), l'Histoire Universelle, publiés dans la période 1616-1620, en prose et d'une approche plus formelle...

20 juin 2017

Nous sommes en 1616 lorsque Les Tragiques sont publiées, alors que Henri IV s'est fait assassiné en 1610, malgré qu'il ait abjuré le protestantisme en 1593. Son auteur, Théodore Agrippa d'Aubigné, figure du protestantisme et historiquement très proche de Henri IV, ne peut plus alors faire qu'un constat désabusé : « ce siècle n’est rien qu’une histoire tragique ».

Son parti, celui du calvinisme qui s'est lancé dans une grande offensive anti-cléricale, n'a pas réussi sa percée, alors que son chef même, son proche ami qu'il a toujours valorisé comme le chef des protestants, a capitulé pour devenir Roi. L’Édit de Nantes qu'il a formulé est d'ailleurs terriblement bancal et un piège se refermant sur les calvinistes...

23 déc 2016

La préface de Jean Bodin pour Les Six Livres de la République a donné naissance au mercantilisme, parce que le mercantilisme est une réflexion sur la richesse des nations. Or, pour cela, il faut une nation.

C'est justement la monarchie absolue qui en France lui donne naissance.

Jean Bodin inaugure un discours qui est celui de ce qu'on appelle la politique, soit le débat sur la richesse nationale et ses modalités...

17 déc 2016

Le romantisme est, de fait, une démarche mystico-religieuse laïcisée. Au lieu d'avoir comme par le passé des prophètes prétendant exprimer de manière mystico-religieuse l'insatisfaction par rapport à la réalité, on a des individus affirmant leur « moi » tourmenté comme preuve de l'inadéquation de la réalité avec les possibilité d'une vie harmonieuse.

30 nov 2016

Le Discours de la servitude volontaire est incompréhensible sans saisir la définition de la nature humaine qu'on y trouve. S'il est parlé de servitude volontaire, c'est qu'à la suite d'Aristote et de l'averroïsme, la pensée est considérée comme une page blanche.

On est ici très proche de la théorie matérialiste dialectique du reflet...

26 nov 2016

Dans le Discours, il est expliqué que les aides les plus proches du tyran sont aisément sacrifiables et sacrifiés :

« Qu’on parcoure toutes les anciennes histoires, que l’on considère et l’on verra parfaitement combien est grand le nombre de ceux qui, étant arrivés par d’indignes moyens jusqu’à l’oreille des princes, soit en flattant leurs mauvais penchants, soit en abusant de leur simplicité, ont fini par être écrasés par ces mêmes princes qui avaient mis autant de facilité à les élever qu’ils ont eu d’inconstance à les conserver. »

Cela tient à la nature même du tyran, qui par définition pratique la terreur permanente pour s'imposer toujours de nouveau, cherchant à apparaître comme incontournable...

25 nov 2016

Dans le Discours de la servitude volontaire, on trouve une grande réflexion sur les aides administratives et techniques dont dispose le tyran. Ce dernier profite du soutien d'une poignée de gens, qui sont au coeur de ce que nous devons désormais appeler l'appareil d’État.

Voici comme est présenté le « secret » de l'existence même de la domination du tyran : déjà, il ne s'agit pas du pouvoir armé...

23 nov 2016

Nous avons donc une œuvre, le Discours de la servitude volontaire, qui dénonce non pas une forme générale de pouvoir comme la monarchie, mais bien spécifiquement la tyrannie. Il est parlé du pouvoir et ce sont des exemples historiques qui sont donnés, mais on peut très bien appliquer ce qui est expliqué à l’Église catholique et dénoncer le Pape, pour aboutir à une forme d'organisation comme celle des protestants.

Cet appel à rejeter la tyrannie s'appuie, par ailleurs, sur un principe d'autonomie individuelle propre au protestantisme et à l'humanisme...

18 nov 2016

Dans le Discours de la servitude volontaire, on trouve cet appel pathétique :

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! c’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel...»

16 nov 2016

Lorsque dans les Essais, Michel de Montaigne annonce que c'est Etienne de La Boétie qui a écrit le Discours de la servitude volontaire, il fait une révélation à laquelle personne ne s'attendait. En feignant d'avoir voulu le publier, mais de ne plus le pouvoir, il attire l'attention de manière précise dessus.

En plaçant 29 poèmes à la place du Discours, il souligne bien l'importance de ce dernier, par son absence dont il est pourtant parlé, et qu'il faut même combler. En en parlant au sein d'un vaste discours philosophique sur l'amitié, il se couvre : s'il parle du Discours de la servitude volontaire, ce n'est qu'en référence à son ami… qui fut comme une partie de lui-même... Michel de Montaigne a de plus bien souligné par ailleurs qu'il a connu Etienne de La Boétie parce qu'il avait connu son Discours

15 nov 2016

Toute l'interprétation bourgeoise du Discours de la servitude volontaire s'appuie sur ce que prétend Michel de Montaigne dans ses Essais. Or, on va vite comprendre qu'il serait très naïf de le faire.

Il dit au chapitre 25, au détour d'un passage n'ayant rien à voir :

« Ainsi ce mot de lui [c'est-à-dire Plutarque], selon lequel les habitants d’Asie étaient esclaves d’un seul homme parce que la seule syllabe qu’ils ne savaient pas prononcer était « non », et qui a peut-être donné la matière et l’occasion à La Boétie d’écrire sa « Servitude volontaire ». »..

14 nov 2016

Le thème du Discours de la servitude volontaire d'Etienne de La Boétie est simple : le peuple accepte un régime en lequel il ne croit pas ou ne devrait plus croire, par la force de l'habitude. Nicolas Machiavel en Italie à la même époque avait raisonné au sujet de cette question de l'opinion publique, tout comme Kautilya en Inde au IVe siècle avant Jésus-Christ. Cependant, Machiavel et Kautilya s'adressaient au Roi, tout au moins le prétendaient-il.

Or, le Discours de la servitude volontaire parle du peuple, en espérant faire réagir les couches intellectualisées non liées au « tyran ». C'est précisément la position de Jean Calvin...

11 nov 2016

Nous sommes au XVIe siècle et en août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy propage une violente onde de choc anti-protestante. La terreur catholique s'instaure, sanglante.

Voici comment l'un des plus grands juristes de l'époque,François Hotman, témoigne de son émotion dans une lettre du 30 octobre 1572, alors qu'il se réfugie à Genève :

« Hier soir, je suis arrivé ici, sauvé par la Providence, la clémence et la miséricorde de Dieu, échappé au massacre, œuvre de Pharaon…

11 nov 2016

Influencé par le Discours merveilleux, La France-Turquie, c’est à dire, conseils et moyens tenus par les ennemis de la Couronne de France, pour réduire le Royaume en tel état que la tyrannie turquesque fut publié en 1575, en trois parties distinctes tout d'abord.

La première, Conseil du Chevalier Poncet, donné en presence de la Royne mere & du Conte de Retz, pour reduire la France en mesme estat que la Turque, consiste en la présentation des conseils donnés par un chevalier Poncet à Catherine de Médicis après avoir visité l'empire ottoman...

9 nov 2016

Aux côtés de François Hotman comme grande figure monarchomaque, on trouve Philippe Duplessis-Mornay (1549-1623), grand érudit protestant maîtrisant parfaitement le latin, mais également le grec, l'hébreu, l'allemand, ayant des connaissances larges en néerlandais, en anglais, ainsi qu'en italien.

Il sera ainsi un proche conseiller de Henri de Navarre, avant que celui-ci ne devienne Henri IV, cherchant à propulser celui-ci comme roi protestant maintenant une tolérance vaste pour les deux religions chrétiennes. La trahison de Henri IV l’amènera à gérer la situation inverse avec la négociation de l'Édit de Nantes, lui-même étant mis de côté par la suite, alors que s'intensifiait la vague monarchique anti-protestante...

7 nov 2016

Avec l'opposition entre protestantisme et catholicisme, la situation était explosive ; avec l'existence de la faction italienne au sein de la royauté, le besoin d'une rupture devenait complet pour les protestants.

La Francogallia eut donc un impact retentissant ; en pleine guerre civile, l'appel de François Hotman possédait un sens dépassant le simple cadre protestant. C'est toute l'option ultra du catholicisme et de la faction italienne de la royauté qui apparaissait comme précipitant le pays dans le chaos...

4 nov 2016

Le problème historique de la France est qu'elle a été influencée tant par l'humanisme et le protestantisme d'un côté, que par la Renaissance italienne et le baroque de l'autre. Or, cela est résolument contradictoire, de par les bases historiques de chaque mouvement, le premier étant progressiste, le second ancré dans le catholicisme, l'aristocratie, la réaction.

Pire encore, la nation française étant née à travers l'unification de ces deux pôles antagoniques, leur antagonisme est pour cette raison profondément masqué, inconnu, alors qu'il est justement à la source de profonds déséquilibres et fournit la base à maints événements historiques de notre pays...

3 nov 2016

Editorial du 3 novembre 2016

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La revue en pdf Communisme a publié son second numéro, en français et en anglais ; une page est bien sûr consacrée à ce type de publications. C'est un point d'appui pour qui veut se plonger dans le matérialisme dialectique dans ce qu'il y a de problématiques de fond, dans ce qu'il y a de commun à tous les pays.

L'autre aspect est bien entendu le cadre national. Et, vous l'avez nécessairement remarqué : nous proposons au fur et à mesure toute une histoire matérialiste dialectique de la France...

2 nov 2016

Au XVIe siècle, tout un courant de pensée se développe sur la base du protestantisme (mais la dépassant largement) développant une conception politique qui sera, par la suite, qualifiée de monarchomaque, c'est-à-dire d'opposant à la monarchie.

Cette irruption d'une démarche politique était inévitable, pour deux raisons. Tout d'abord, il y avait l'affrontement entre le pouvoir royal et l'aristocratie, avec en arrière-plan la tendance à la formation de la monarchie absolue, pour centraliser et moderniser le pays...

4 fév 2016

Regardons ce que dit Cornelius Jansen, par rapport à la critique anti-jésuite de Blaise Pascal. Que dit Cornelius Jansen ? Il a exprimé sa thèse de manière la plus développée dans Augustinus, une œuvre posthume publiée en 1640. Ce fut considéré alors, notamment par les jésuites, comme une « déviation » au sein du catholicisme, qui fut appelée « jansénisme ».

Cornelius Jansen accepte en effet le point de vue calviniste de la prédestination divine : pour le protestantisme façonné par Jean Calvin, il n'y a pas d'intermédiaire entre soi et Dieu, et Dieu a décidé, dans sa toute-puissance...

1 fév 2016

Pourquoi Blaise Pascal peut-il viser les jésuites de manière aussi forte ? Il ne peut, de fait, le faire que parce que le jansénisme qu'il propage a un noyau idéologique suffisamment fort pour cela. Cela nous ramène à la question de la genèse du jansénisme, qui va nous expliquer l'indépendance idéologique du jansénisme par rapport à la noblesse et à l'Église.

En fait, la plupart des grandes villes de Flandres, du Brabant et de la principauté de Liège sont historiquement des « villes à charte ». Ces chartes, achetées à grand prix, leur conféraient des droits communaux forts, ainsi qu’une certaine indépendance vis à vis de la féodalité...

29 Jan 2016

Pour comprendre la position du jansénisme sur la grâce de Dieu, il faut voir comment celui-ci est né.

Le terme de jansénisme vient de l’évêque de la ville flamande d'Ypres, Cornelius Jansen (1585-1653), qui a donné son contenu à ce courant religieux. En français, il fut appelé Jansénius. Ses idées elles-mêmes sont en continuité de celles de Michael Bajus (1513-1589), un professeur de l'université de Louvain, connu en France sous le nom de Michel De Bay...

27 Jan 2016

C'est un phénomène historique qui a eu relativement peu d'importance en France, voire qui a été insignifiant. Pourtant, il a exercé une fascination continuelle dans la petite-bourgeoisie intellectuelle. Cela est tellement vrai que les professeurs de français, en classe de première, y accordent encore aujourd'hui systématiquement toute leur attention.

Il y a une bonne raison pour cela : le jansénisme possède, en son cœur, quelque chose qui frappe la petite-bourgeoisie intellectuelle, qui l'attire, qui exerce une fascination qui ne s'est jamais démentie. C'est une forme ambiguë, une manière de voir les choses qui aboutit à une démarche visant à faire pression, pas à contester ou à révolutionner...

15 oct 2015

Sans le protestantisme pour assumer l'individu comme autonome, la tragédie ne pouvait pas se maintenir. Elle présentait les contradictions de l'individu, ses tourments face à la responsabilité : c'était là une problématique propre au calvinisme.

Il pouvait bien y avoir une récupération par la faction culturelle de la monarchie absolue, au moyen de Sénèque et de la vertu à respecter dans le cadre de l’État gérant la société, cela ne suffisait pas...

12 oct 2015

Antoine de Montchrestien (1575-1621) est une figure marquante de l'histoire de la tragédie ; il commence très tôt, avec succès : Sophonisbe jouée et publiée à Caen en 1596 marqua François de Malherbe, et à sa demande elle fut modifiée, sous la forme de La Carthaginoise ou la liberté en 1601.

La même année il écrit La Bergerie, Les Lacènes, David ainsi qu'Aman, L’Escossoise, ou le Desastre, qui devient en 1604 La Reine d’Escosse, et la même année Hector...

10 oct 2015

Le grand secret de l'origine de la tragédie en France, de son succès, vient donc de là : c'est un moyen de s'opposer au calvinisme. La tragédie française naît du terreau stoïcien ; c'est la tragédie de Sénèque qui est la grande source intellectuelle.

Or, Jean Calvin est directement en opposition avec le stoïcisme, dont il rejette tant le concept d'apathie que celui de destin...

4 oct 2015

La grande preuve du caractère indéniablement moderne, français de la tragédie classique française est que la première tragédie écrite et mise en scène l'a été par un protestant, Théodore de Bèze (1519-1605).

En raison des persécutions à l'encontre du calvinisme, Abraham sacrifiant fut jouée à Lausanne, en 1550. Théodore de Bèze était pas moins que le successeur de Jean Calvin, et il est significatif sur le plan de l'histoire de la formation nationale de la France qu'il a qualifié sa pièce de « tragédie française »...

2 oct 2015

La révolution française était ainsi sur le plan du contenu bien plus proche d'Henri IV, de par les forces sociales en action. Le grand paradoxe est que le protestantisme fut utilisé pour moderniser l'appareil d'État, contre les forces anciennes de la féodalité, mais que le protestantisme fut abandonné par pragmatisme.

Henri IV se plaçait clairement au-dessus des religions et il ne reconnaissait leur existence que dans une logique pratique. En ce sens, il annonce absolument Richelieu. Il développe l'économie politique de la monarchie absolue et il contribue à donner à la culture politique française le culte du sens politique, du « flair »...

28 sep 2015

L'Édit de Nantes fut le point de départ du rétablissement de l'ordre royal, ce qui signifie pour la population principalement la remise en ordre de l'agriculture, et pour la bourgeoisie la possibilité de produire et de commercer.

Ce rétablissement de l'ordre, à ce moment de l'histoire de France, signifie le renforcement de la base nationale, par le renforcement du marché national s'étant développé et ayant permis à François Ier d'apparaître comme figure historique...

27 sep 2015

L'Édit de Nantes est promulgué le 13 avril 1598. Il a fallu deux années de négociation pour arriver un texte acceptable ou tout au moins relativement gérable par le pouvoir royal, aux dépens des factions catholique et protestante.

Trente années de troubles provoqués par d'incessantes guerres de religion et d'influences extérieures imposaient au pouvoir royal, pour se maintenir, de stabiliser à tout prix la situation, au moins pour un temps. La dimension nationale l'emporterait : en pratique, c'est sur la bourgeoisie que mise la monarchie absolue...

24 sep 2015

Ayant installé son gouvernement en Touraine après l'échec de la prise de Paris, Henri IV parvient à lancer une offensive militaire et à écraser la Ligue à Ivry en mars 1590. La question nationale, permise dans son existence même par la monarchie absolue, va alors se poser dans toute son ampleur.

Le soutien espagnol provoque un trouble certain sur le plan de la conscience nationale, qui saisit que l'éventuel succès de la Ligue renforcerait l'Espagne aux dépens de la France, voire briserait la France, en renforçant la féodalité de type médiéval...

22 sep 2015

La question n'est donc nullement le simple rapport catholicisme – protestantisme. Il faut bien avoir à l'esprit qu'on est déjà dans une situation où la féodalité de l'ancien Moyen-Âge disparaît. La monarchie absolue est déjà présente en grande partie. C'est la raison pour laquelle les états généraux n'ont pas été convoqués de 1484 à 1560.

Le régime est déjà centralisé, et se forge un appareil d'Etat qu'il lui faut assumer. La création de postes administratifs rémunérés, mais exigeant un prix d'entrée, provoque une explosion des salaires à payer : on passe de 1,2 millions de livres par an à cinq millions en 1585...

18 sep 2015

Au moment de l'Édit de Nantes, le pouvoir royal dispose d'une base nationale permise par la naissance d'un marché mis en place par le capitalisme naissant. Il s'élance dans la monarchie absolue par la synthèse nationale, à travers l'administration et l'armée.

Toutefois, autant le catholicisme semble une force sociale toujours plus faible, autant le protestantisme a une base problématique pour la monarchie absolue, dans le cadre français...

17 sep 2015

L'Édit de Nantes - 1re partie : trois factions

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'Édit de Nantes est un épisode historique d'une très grande importance dans l'histoire de notre peuple. La France a connu de multiples épisodes de guerres de religion entre catholiques et protestants, et cet édit a été un moment de vivre ensemble particulièrement notable, avant que le protestantisme ne soit ensuite pratiquement définitivement pourchassé et anéanti dans notre pays.

Toutefois, la connaissance de cet épisode historique capital pour le développement culturel de la France exige également de comprendre l'importance de la monarchie absolue, qui s'élance précisément avec François Ier, se développe à travers Henri IV et son Édit de Nantes, pour culminer avec Louis XIV...

18 aoû 2015

John Locke est le véritable fondateur du libéralisme en politique. Puisqu'en effet chaque individu a ses propres sens, alors il faut le laisser libre. Lui-même ne doit admettre une structure politique que dans la mesure où elle lui permet de s'épanouir comme acteur libre, c'est-dire comme capitaliste.

Ce qui relève de la morale, des valeurs, tout cela relève des individus, dont les contrats sont à la base de tout, tant des affaires que de l’état. Le pouvoir politique ne vient pas de Dieu, mais des hommes propriétaires, et il consiste en une délégation pour que la société soit coordonnée de la manière la meilleure possible...

15 juil 2015

Il y a une conséquence gigantesque à la position de Emmanuel Kant sur la science. A partir du moment où il dit qu'on ne peut pas connaître en tant que telle une chose, mais seulement notre rapport avec elle, il y a une part de relativisme qui est aujourd'hui franchement réactionnaire avec le néo-kantisme.

Toutefois, à l'époque, Emmanuel Kant joue un rôle progressiste, dans la mesure où il laïcise la science. En effet, aujourd'hui on peut considérer le kantisme comme un idéalisme, car il reconnaît la « chose en soi », le caractère inaccessible en elle-même de la « vraie » réalité d'une chose...

31 mai 2015

Le protestantisme est le prolongement direct du hussitisme. On doit même parler d'identité, ce que bien entendu seul le matérialisme dialectique est en mesure de constater. La forme et le contenu du hussitisme et du protestantisme sont en tout point similaire.

De fait, de la même manière qu'on y retrouve le rejet des images, on a une remise en cause des cérémonies religieuses traditionnelles et du rôle de l’Église et de son clergé.

Le vrai maître, c'est Jésus, qui parle à l'entendement, par conséquent tout doit tourner autour de lui. Son arrivée bouleverse la tradition qu'on trouvait dans l'Ancien Testament : désormais, chacun est égal face à Dieu...

30 mai 2015

En tant que vision du monde, le calvinisme avait à réaliser une tâche très importante. Le mouvement hussite – à la base du protestantisme – avait attaqué vigoureusement l’Église catholique pour son utilisation des images, dégradant la dignité de Dieu afin de servir

28 mai 2015

On comprend tout à fait pourquoi Jean Calvin a souligné l'importance de ce qui est pour les chrétiens l'Ancien Testament. En effet, s'il entendait mettre en avant une morale économique, il avait besoin d'un modèle de société, et inversement.

On ne trouve pas cela dans le Nouveau Testament, mais l'Ancien est parfaitement utile puisqu'on y trouve de représenté une communauté organisée sur de nouvelles règles. Il suffisait seulement de les interpréter de manière conforme aux exigences de sa propre époque.

Jean Calvin est ici quelqu'un qui produit une vision du monde, maniant de manière dialectique la forme idéologique et les exigences matérielles propres à la petite production s'élançant dans le capitalisme génétalisé...

25 mai 2015

Le calvinisme ne s'adresse pas qu'aux capitalistes en formation, il vise également à façonner les travailleurs libres. Chacun doit participer au grand projet entrepreneurial, à l'activité raisonnable, s'appuyant sur l'entendement.

Cette participation, on la retrouve donc dans le militantisme des pasteurs pour organiser une société marquée par de larges secteurs populaires marginalisées, issues des campagnes et formant une plèbe urbaine qui va être le futur prolétariat.

Pacifier cette plèbe fut une étape incontournable pour le développement franc du capitalisme. On a vu dans le hussitisme comment la plèbe avait joué un rôle historique de très grande importance, avec des tendances communistes...

24 mai 2015

Jean Calvin a fourni une œuvre dont la dimension économique est historiquement d'une importance immense. En fait, sa perspective est même celle d'un capitalisme organisé qui n'en est pas un ; il témoigne encore une fois ici d'une approche dialectique très poussée.

Son point de vue sur la banque est ici un exemple tout à fait pertinent dans ce cadre. Jean Calvin s'oppose ainsi formellement aux banques ; il a lutté pour qu'il n'y en ait pas à Genève...

23 mai 2015

Ce que dit Jean Calvin permet l'avènement de l'individu, en tant que forme sociale nécessaire pour le capitalisme. Il faut bien faire ici à ne pas réduire les positions de Jean Calvin à la base culturelle pour le développement des capitalistes, ce qui en ferait une religion des capitalistes pour les capitalistes.

En réalité la théologie de Jean Calvin est le reflet des besoins du capitalisme en tant que mode de production. Or, quels étaient ces besoins ? Ils ne consistaient pas seulement en l'apparition d'une nouvelle couche sociale ayant des pratiques adéquates : il faut également la couche sociale qui est son pendant dialectique...

22 mai 2015

Jean Calvin propose ici un paradoxe, l'être humain pourrait et devrait être bon, mais la chute d'Adam a bouleversé la donne :

« Nous disons donc que l'homme est naturellement corrompu en perversité : mais que cette perversité n'est point en lui de nature.

Nous nions qu'elle doit de nature, afin de montrer que c'est plutôt une qualité survenue à l'homme, qu'une propriété de substance, laquelle a été dès le commencement enraciné en lui : toutes les fois que nous l'appelons naturelle, afin qu'aucun pense qu'elle s'acquiert d'un chacun par mauvaise coutume et exemple, comme ainsi soit qu'elle nous enveloppe tous dès notre première naissance. »...

21 mai 2015

Jean Calvin considère que les « philosophes » ont eu raison de chercher ce qu'était l'entendement humain, mais que leur méconnaissance de la chute d'Adam les a empêchés de comprendre l'origine du problème.

Jean Calvin fait donc la même chose que Maïmonide ou Thomas d'Aquin : il considère que les philosophes, normalement rejetés catégoriquement par les religions, ont posé des problèmes intéressants, mais qu'ils ne pouvaient comprendre authentiquement.

On voit ici que les religions ne pouvaient plus exister sous leur ancienne forme féodale ; elles devaient élever leur niveau technique, intellectuel, théologique, s'adapter aux nouvelles conditions...

19 mai 2015

Jean Calvin, malgré sa défense de l'entendement, n'est donc pas un matérialiste : il ne peut pas assumer le matérialisme. Il n'appartient pas à une société dont le mode de production s'est émancipé de la soumission à l'environnement. Son appel à l'entendement tout puissant correspond aux exigences de la bourgeoisie qui veut transformer, qui a commencé à le faire, mais qui n'a pas encore transformé l'ensemble de la réalité.

On se doute que, forcément, par la suite les enseignements de Calvin changeront de sens pour la bourgeoisie une fois arrivée au pouvoir. En tout cas, à l'époque où il écrit, Calvin a besoin du concept de Dieu; il parle donc ouvertement des épicuriens, c'est-à-dire pour lui les matérialistes ; il aborde ouvertement les thèmes d'Aristote, qu'il reconnaît partiellement pour les contrebalancer par les thèses idéalistes de Platon...

15 mai 2015

Dieu produit la piété qui produit la religion – mais pourquoi Jean Calvin ne pense-t-il pas, tels les philosophes, que les êtres humains peuvent utiliser l'entendement – la piété – sans la religion ?

C'est parce qu'il a constaté que les esprits faisaient un fétichisme de leur capacité à raisonner. Le calvinisme n'est pas une idéologie de l'individualisme bourgeois, mais de l'individualité bourgeoise au sein de la société bourgeoise. C'est radicalement différent...

14 mai 2015

Le calvinisme a une image de grande rigueur et de grande exigence, dans un esprit particulièrement austère. Une telle approche est erronée et ne s'intéresse qu'aux apparences.

Si l'on veut comprendre la démarche de Jean Calvin, et son importance, il faut se concentrer sur comment Jean Calvin formule une théorie de la connaissance où la conscience a un rôle majeur. C'est ici que Jean Calvin révèle sa nature de classe révolutionnaire, portant la bourgeoisie qui alors brise les chaînes de la féodalité...

12 mai 2015

Ce qui caractérise la pensée de Jean Calvin, c'est l'affirmation de l'individu en tant qu'être autonome disposant de l'entendement. A l’Église catholique qui interdit de lire la Bible, réservant l'interprétation de celle-ci à une caste, Jean Calvin oppose les larges masses étudiant et lisant la Bible.

L'être humain, chez Jean Calvin, est capable de discerner le bien et le mal. Voici ce qu'il dit dès le début de son ouvrage majeur, l'Institution de la religion chrétienne (au français relativement modernisé ici pour faciliter la compréhension)...

11 mai 2015

C'est la grande bataille médiatique de ces derniers jours, avec même Manuel Valls se fendant d'une tribune dans Le Monde : qui est donc « Charlie », symbole du mouvement de janvier suite aux attaques contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Casher ? Que représente-t-il ?

Charlie, un démocrate sincère mais plutôt petit-bourgeois...

8 mai 2015

Pourquoi Jean Calvin est-il une figure absolument française, la plus progressiste du XVIe siècle, qui soit si peu connue en France ?

La raison tient à la victoire de la réaction catholique en France, formant un obstacle au progrès qui reste encore à surmonter. L'image de Jean Calvin a été noirci au possible, comme en témoigne la présentation qu'en fait Honoré de Balzac dans son roman Sur Catherine de Médicis, par ailleurs fascinant et qui décrit justement la période décisive pour l'histoire de France où le calvinisme a été écrasé...

7 mai 2015

L'immense Honoré de Balzac était un auteur réaliste, mais son point de vue personnel le rattachait aux romantiques. Voici comment dans Sur Catherine de Médicis, il présente de manière très agressive Jean Calvin, alors que dans son roman il est, comme d'habitude avec son réalisme, obligé de faire une distinction entre le calvinisme opportuniste des nobles et celui, plein d'élan, de vigueur, de vérité, du calvinisme bourgeois.

Calvin, qui ne se nommait pas Calvin, mais Cauvin, était le fils d’un tonnelier de Noyon en Picardie. Le pays de Calvin explique jusqu’à un certain point l’entêtement mêlé de vivacité bizarre qui distingua cet arbitre des destinées de la France au seizième siècle...

7 mai 2015

De toutes les figures de l'histoire de France, Jean Calvin est celle dont l'impact culturel et idéologique a été le plus puissant. Pourtant, on pense plutôt à Maximilien Robespierre et Napoléon, ou encore Charles De Gaulle, quand on se réfère aux grandes figures de l'histoire de notre pays.

La figure de Jean Calvin reste obscure, voire inconnue ; dans la plupart des cas, si elle est un tant soit peu connue elle sera reliée au sectarisme, à un puritanisme fanatique, bref à une mort de la pensée et à des raisonnements opposés à la joie et aux sentiments.

Tout cela a une origine : le triomphe des forces féodales sur les forces progressistes portées par le protestantisme dont Jean Calvin a été le héraut, la figure la plus aboutie, la plus conséquente...

6 mai 2015

En commençant à écrire le présent livre, je n’avais pas l’intention, Sire, d’écrire quoi que ce soit à Votre Majesté : mon but était seulement d’enseigner quelques éléments simples, destinés à alimenter la piété de ceux qui éprouveraient le désir de servir Dieu. Je voulais, principalement, que mon travail soit utile aux Français, dont je voyais plusieurs avoir faim et soif de Jésus-Christ et bien peu le connaître comme il fallait. Ce projet ressort clairement du livre dans lequel j’ai utilisé la forme la plus simple possible d’enseignement. Mais, voyant que l’opposition de quelques personnes malintentionnées avait été telle en votre royaume qu’elle n’avait laissé aucune place à la saine doctrine, il m’a semblé expédient d’utiliser ce présent livre à la fois pour l’instruction de ceux que, tout d’abord, j’avais délibéré d’enseigner, mais aussi comme confession de foi, afin que vous connaissiez quelle est la foi contre laquelle s’élèvent ceux qui, par le feu et par le glaive, troublent aujourd’hui votre royaume. Je n’aurai aucune honte à reconnaître que je présente, ici, une sorte de résumé de cette doctrine que certains estiment devoir être réprimée par la prison, le bannissement, la proscription et le feu, et qu’ils déclarent avec insistance devoir être totalement éradiquée...

4 mai 2015

Comenius est l'auteur d'un ouvrage intitulé La grande didactique. Il est difficile de comprendre la dimension révolutionnaire de cet appel démocratique pour l'éducation des masses, puisqu'entre-temps celle-ci s'est réalisée, même si le plan de la contenu bien sûr la bourgeoisie devenue réactionnaire a imposé ce dont elle avait besoin.

Cette combinaison d'esprit démocratique absolu et de sens pratique est précisément ce qui fournit à Comenius sa dimension historique. Il assume l'humanisme et ne laisse strictement personne derrière, et en même temps il affirme qu'un rythme éducatif est possible pour tous et toutes, un rythme amenant une harmonie intellectuelle en suivant des formes appropriées. La lassitude ne peut tout simplement pas exister quand on apprend, si l'enseignement est adéquat...

25 avr 2015

Comenius est un penseur formidable, car il a compris la réalité du cerveau ; c'est pour cela qu'il a pu affirmer qu'il fallait enseigner, et qu'il a pu proposer un modèle d'enseignement, d'esprit universel.

Pour les matérialistes, le cerveau est de la matière grise ; comme l'a formulé Aristote, c'est une tablette, on dirait aujourd'hui un disque dur.

Or, on sait bien que le cerveau est bien plus plastique dans la jeunesse : il reflète mieux qu'il ne le fait par la suite...

24 fév 2015

Voici comment le critique d'art Antony Valabrègue décrit la gravure montrant la galerie du palais de justice d'Abraham Bosse :

Une de ces comédies, la Galerie du Palais, jouée en 1634, sans être un des chefs-d'œuvre de l'illustre auteur du Cid, nous offre, dans plusieurs passages, des documents extrêmement précieux sur les mœurs du commencement du XVIIe siècle. Or, par une coïncidence qui peut s'expliquer par le succès même de cette œuvre, Abraham Bosse nous a donné une gravure qui semble compléter la pièce de Corneille. Un parallèle piquant va ainsi nous être offert entre le poète et le graveur.

Située au milieu de la Cité, à côté du Palais de Justice, la Galerie du Palais, qu'on appelait aussi la Galerie du Palais-Marchand, était en plein dans le grand mouvement de circulation qui avait lieu à cette époque, entre les deux rives de la Seine. Elle était devenue, à partir du règne de Henri IV, comme un centre vivant et animé.

28 Jan 2015

Trente est une ville au nord de l'Italie, très connue pour son « concile », réunion des évêques de l'Église catholique romaine. Ce concile s'est tenu alors que le protestantisme s'affirmait, et le Vatican disposait de deux options principales :

- « mettre de l'eau dans son vin », en s'adaptant au protestantisme : ce sera la ligne du jansénisme, théorisé dans des zones marquées par la pression protestante ;

- aller à l'affrontement : ce sera la ligne des jésuites.

15 Jan 2015

Il fallait, en quelque sorte, réimpulser la religiosité du Moyen-Âge. Cependant, l’Église avait besoin pour cela d'intermédiaires entre les gens et Dieu, afin d'empêcher tant les soulèvements mystiques incontrôlés que les éventuels choix raisonnables se passant de l’Église elle-même.

Il y eut alors à la généralisation théologique des « intercesseurs » : les « saints ». Le culte des « saints » est par conséquent une composante essentielle du baroque. Le Vatican a dépensé une énergie importante pour disposer de « saints » locaux sur lesquels s'appuyer pour évangéliser et reconquérir les zones perdues aux protestants...

14 Jan 2015

Charlie Hebdo sort aujourd'hui son nouveau numéro, à trois millions d'exemplaires, alors que sa rédaction a été pratiquement anéantie lors de l'attaque par des islamistes il y a une semaine. C'est une volonté d'aller de l'avant, dans la continuité du passé, comme le prouve la couverture, avec un personnage censé représenter Mahomet, qui tient une pancarte « Je suis Charlie », le mot « pardonné » étant inscrit à l'arrière-plan.

Il y a là quelque chose de profondément, si ce n'est stupide, au moins malsain. Surtout alors que des franges racistes radicales mènent depuis plusieurs jours des provocations et des attentats contre des mosquées, tentant de briser le refus par la société française de basculer dans le racisme ou la guerre de religion...

30 déc 2014

Noël, une fête de la famille et de la générosité

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Comme nous l'avons vu, Noël est donc une fête de la nature liée au solstice d'hiver. Mais cela n'est pas son seul aspect.

Le fait que Noël soit la fête la plus importante dans la culture des masses de France provient aussi de son autre aspect : Noël est une fête de la générosité et de la famille. Cela est d'ailleurs visible dans toutes les cultures fêtant Noël avec chacune ses propres rites et coutumes.

Cette centralité de la générosité comme cœur de « l'esprit de Noël » renvoie d'ailleurs là aussi à la Nature qui est perçue par les êtres humains comme étant généreuse puisque prodiguant nos moyens de survie...

29 déc 2014

Noël, une fête de la Nature d'hiver

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Nous avons vu que Noël est une fête liée au solstice d'hiver. Elle tombe donc au moment le plus sombre de l'année. Mais pas seulement.

Lorsque Noël arrive, fin décembre donc, l'hiver s'installe dans l'hémisphère nord de notre planète (de manière plus ou moins avancée selon les latitudes). La France se situant relativement au nord de l'hémisphère nord, les saisons y sont bien marquées ; en hiver, il fait donc froid.

Noël est donc une fête de l'hiver, de la nature d'hiver pour être exact. C'est la fête de la Nature se mettant au ralenti pour mieux relancer le cycle de la vie le printemps venu.

25 déc 2014

Le terme de « baroque » permet de désigner un mouvement intellectuel, culturel et artistique qui s'est imposé dans de nombreux pays d'Europe au XVIIe siècle. Sa vigueur a été exceptionnelle, et son impact a été si grand qu'il a profondément marqué de nombreuses cultures nationales apparaissant justement précisément en cette période.

Au sens strict, le mot « baroque » vient du portugais « barrocco » et désigne une perle irrégulière. S'arrêter cependant à une question de forme serait profondément erroné. En effet, le baroque est la forme historique qu'a prise la contre-réforme, c'est-à-dire la réaction s'opposant à l'humanisme et à la Réforme protestante du 16e siècle, dans le cadre de la bataille pour l'opinion publique...

24 déc 2014

La doctrine de la création a sa racine dans le Judaïsme ; elle est même la doctrine caractéristique, la doctrine fondamentale de la religion juive. Le principe qui lui est fonda-mental n'est pourtant pas tant celui de la subjectivité que celui de l'égoïsme. Dans sa signification caractéristique la doctrine de la création ne prend naissance que là où l'homme soumet pratiquement la nature uniquement à sa volonté et à ses besoins, et par suite dans sa faculté de représentation la réduit à l'état de pur et simple matière d'oeuvre, à l'état de produit de la volonté.

A présent son existence lui est expliquée, puisqu'il l'explique et l’interprète en dehors d'elle-même, il l'explique dans son esprit. La question : d'où provient la nature ou le monde ? présuppose proprement que l'on s'étonne sur son existence, ou que l'on se demande : pourquoi est-il ? Mais cet étonnement, cette interrogation ne naissent que là où l'homme s'est déjà séparé de la nature pour la réduire à un simple objet de la volonté.

19 déc 2014

La religion a été la tentative, idéaliste, de formuler la totalité ; à ce titre la théologie ne doit pas être rejetée, mais absorbée. Feuerbach explique ainsi :

« La philosophie la plus nouvelle est sortie de la théologie – elle est elle-même rien d'autre que la théologie dissoute et transformée en philosophie. »

Il a été dit que pour Feuerbach, le protestantisme a joué un rôle progressiste dans le processus d'abaissement de « Dieu », pour le ramener à ce qu'il est : une vision qu'a l'humanité d'elle-même.

15 déc 2014

Pour les matérialistes, l'univers est un, il y a unité. Mais l'être humain n'est pas cet univers. Selon Feuerbach, l'être humain a cependant, à l'opposé des animaux, conscience du caractère infini de la réalité.

Il doit l'exprimer, mais comment sa conscience non infinie peut-elle formuler cela ? Précisément en utilisant le concept de « Dieu. » Feuerbach explique dans L'essence du christianisme que :

« L'être de l'être humain différencié des animaux n'est pas que le fondement, mais également l'objet de la religion...

27 Jan 2014

En peu de temps, l'Eglise reprit le dessus; après avoir organisé un accord avec la noblesse hussite, elle put reconquérir son hégémonie et écraser définitivement le hussitisme au moyen de l'Autriche et de l'idéologie baroque...

25 Jan 2014

Après l'écrasement du communisme taborite, c'est le républicanisme plébéien praguois qui fut écrasé; par la suite, le mouvement hussite tenta d'aller de l'avant et mena des contre-croisades qui furent de grands succès.

12 mai 2013

La formation de l’État national français se fait donc en alliance avec l’Église, mais une Église qui n’a pas l’hégémonie et ne peut pas faire du baroque l’idéologie dominante. C’est le classicisme qui prédominera, en tant que forme idéologique féodale de « haut niveau », puisque royale et nationale.

12 mai 2013

La religion est toujours le masque idéologique d’une classe sociale, le reflet d’une époque bien déterminée. Les luttes de classes en France ont donc, du XVe au XVIIe siècle, pris l’apparence de guerres de religion.

Ces guerres ont été nombreuses : huit dans la seconde moitié du XVIe siècle, avec des prolongements aux XVIIe et XVIIIe siècles. La raison en est que le protestantisme s’est largement développé, mais pas assez pour asseoir une hégémonie...

12 mai 2013

La faiblesse de l’humanisme en France d’un côté, le renforcement de l’État national sous François Ier de l’autre, font que la monarchie a une marge de manoeuvre très large face au féodalisme de la noblesse d’un côté, au féodalisme du clergé de l’autre.

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