6 nov 2014

Trotskysmes et néo-socialismes français - 20e partie : frankisme-pablisme et lambertisme et l'entrisme comme stratégie

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Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les trotskystes se retrouvent très peu nombreux, et qui plus est, ils vont être en désaccord profond sur les forces à choisir pour leur « entrisme ». Les uns considèrent que ce sont les « staliniens » qui vont l'emporter, et il faut par conséquent les infiltrer. Les autres considèrent qu'il ne faut pas hésiter à s'allier avec les anti-communistes.

Cette scission entre forces trotskystes est vrai par ailleurs au niveau international. Ainsi, les forces cherchant à mener l'entrisme chez les « staliniens » se retrouvent dans le « secrétariat unifié de la quatrième Internationale », tandis que les partisans des alliances ouvertement anti-communistes forment le « Comité international pour la reconstruction de la IVe Internationale ».

En France, cela concerne ici à peu près une centaine de personnes. Mais une bonne organisation dans le cadre d'une grande séquence d'infiltration, avec ensuite le coup de pouce de mai 1968, va leur permettre de se retrouver à plusieurs dizaines de milliers en même pas vingt ans.

Le processus va se dérouler de la manière suivante. Tout d'abord la fraction « entriste » chez les « staliniens » est organisé en un « Parti Communiste Internationaliste », autour de Pierre Frank.

Une infiltration est menée dans les Jeunesses Communistes, puis dans l'Union des Étudiants Communistes, sur la base de la stratégie proposée par le grec Michel Raptis, dit Pablo. Celui-ci théorise que la vague révolutionnaire va être tellement forte que les « staliniens » seront obligés d'aller dans ce sens, qu'ils le veuillent ou non.

Inévitablement selon lui, les forces révolutionnaires authentiques deviendront alors trotskystes. Pablo va tellement loin dans le raisonnement qu'il sera éjecté cependant au milieu des années 1960, proposant trop de diluer le « secrétariat unifié de la quatrième Internationale ».

Sa ligne perdure cependant. Le « Parti Communiste Internationaliste » agit de manière fusionnelle avec le mouvement indépendantiste algérien petit-bourgeois « Front de Libération Nationale », lui permettant de s'organiser matériellement en France.

Le « PCI » soutient également le titisme yougoslave, puis il va se lancer dans des campagnes de soutien au « Front National de Libération » vietnamien, au Front Populaire de Libération de la Palestine, aux Black Panthers. Ernesto « Che » Guevara devient la figure de proue du mouvement, ou plus exactement du « front ».

Les cadres ayant infiltré l'Union des Étudiants Communistes se sont en effet fait expulsés en 1966, et à leur sortie ont formé les « Jeunesses Communistes Révolutionnaires » (JCR), qui « officiellement » ne sont pas reliés au PCI, et dont le mot d'ordre est en quelque sorte « Che Che Guevara Ho Ho Ho Chi Minh ».

L'union du PCI et des JCR – sous le nom de « Ligue Communiste » - se déroule en 1969, sur une quadruple base idéologique :

- tiers-mondisme complet, au nom que tout mouvement doit forcément devenir trotskyste s'il est réellement révolutionnaire ;

- « dialectique des secteurs d'intervention », c'est-à-dire mouvementisme absolu et infiltration des luttes ;

- orientation exclusive vers les « staliniens » ;

- considération comme quoi mai 1968 a été une « répétition générale » (comme 1905 et 1917 en Russie).

Sur le plan du style, la « Ligue » fait l'éloge de la jeunesse, du mouvementisme, de « l'amour libre », du rejet de toutes les institutions, de toutes les traditions.

L'autre ligne est pratiquement inverse. Pour les lambertistes, les « staliniens » sont un ennemi complet, et il faut s'allier aux forces qui y sont opposées. Le terme de « lambertiste » provient de Pierre Lambert, dirigeant de la nouvelle « Organisation Communiste Internationaliste » (OCI).

Ce sont ainsi ces trotskystes « lambertistes » qui réorganisent, dans le cadre de leur entrisme, les Jeunesses Socialistes. L'influence est tellement grande qu'une partie significative de la direction socialiste est sous contrôle trotskyste, dont un qui est chef de cabinet du ministre de l'intérieur, et un autre est Roger Fajardie, grand maître de l'organisation franc-maçonne « Grand Orient de France » et bientôt responsable de la CGT-Force Ouvrière.

Sous l'influence américaine – principalement du syndicat AFL-CIO et des services secrets de la CIA elle-même -, une scission a lieu en effet en 1947 dans la CGT, les anti-communistes fondant la CGT-Force Ouvrière, dans une union rassemblant anarchistes, trotskystes, socialistes.

Si les lambertistes se font finalement éjecter du Parti Socialiste, ils jouent un grand rôle dans le développement et l'organisation de ce nouveau syndicat, à quoi s'ajoutent aussi les Auberges de jeunesse. Ils soutiennent une autre fraction indépendantiste algérienne, le Mouvement National Algérien, qui sera liquidé par le FLN.

Ils agissent inlassablement en direction des pays de l'Est, soutenant matériellement et poltitiquement toutes les « oppositions », notamment « Solidarnosc » en Pologne.

Quant au style, il est ultra-conservateur, de type patriarcal-conservateur, avec un sexisme virulent tout au long de son histoire. Le service d'ordre du courant lambertiste fit vite l'acquisition d'une brutalité sordide, dirigée par un colosse de 120 kilos issu des formations parachutiste des unités spéciales israéliennes.

Les frankistes-pablistes et les lambertistes étaient donc des ennemis jurés, que tout opposait. Mais ils représentaient les deux faces du trotskysme agissant de manière parallèle, dans deux milieux différents, alors qu'une troisième structure, « Lutte Ouvrière », mène une politique qui prend un peu aux uns et un peu aux autres, mais en restant à l'écart des mouvements sociaux et en privilégiant une démarche vers les grandes entreprises.