Trotskysmes et néo-socialismes français - 8e partie : le trotskyste Jacques Doriot
Submitted by Anonyme (non vérifié)La figure de Jacques Doriot est très connue ; elle est présentée le plus communément de la manière suivante : figure communiste, il aurait prôné l'unité antifasciste entre communistes et socialistes, ce qui l'aurait amené à être exclu. Déçu, il devint anticommuniste, chef d'une troupe de « collabos », lui-même n'hésitant pas à participer militairement à la lutte de l'armée allemande contre l'URSS.
Une telle vision est, bien entendu, typiquement bourgeoise, et malheureusement, il n'y a pas eu d'analyse matérialiste dialectique jusqu'à présent. En fait, le premier point à noter est qu'il est absurde de prétendre que Jacques Doriot voulait l'unité antifasciste. En réalité, il voulait liquider le Parti Communiste dans une unité avec les socialistes, au nom de l'antifascisme.
Ce plan, typique de la cinquième colonne, échoua, et le masque tomba. Si la version bourgeoise avait été correcte, alors Jacques Doriot aurait été une figure du Front populaire, qui se produisit deux années après son exclusion. Or, Jacques Doriot avait déjà assumé le fascisme entre-temps...
Ainsi, lorsque les néo-socialistes sont anticommunistes à l'extérieur en 1934 et à l'intérieur en 1936, Jacques Doriot fit l'inverse, étant à l'intérieur en 1934 et à l'extérieur en 1936... Et tous ces gens se retrouveront après 1940 dans la collaboration, chacun formant les deux grands partis « collabos »...
Il est vrai que le parcours de Jacques Doriot est trompeur, si l'on ne regarde que les faits de loin. En apparence, on a un jeune ouvrier envoyé très jeune au front pendant la guerre de 1914-1918, et en revenant avec la Croix de guerre.
Il n'est en 1920 pas favorable à la scission au sein de la SFIO, mais il rejoint finalement les communistes, passant 14 mois à Moscou pour travailler au sein de la nouvelle Internationale ; il y travaille d'ailleurs dans la section « latine », sous les ordre de Trotsky.
L'influence ultra-gauchiste du trotskysme suit tout son parcours. Nommé secrétaire général des jeunesses communistes en 1923, il devient vite député, dès 1924, à 26 ans. Il sera même réélu en 1928, comme député de Saint-Denis, ville dont il devient le maire par la suite.
Mais dans ce cadre, il prône l'insurrection permanente, se lançant dans le même esprit contre la guerre coloniale dite du Rif, au Maroc, ainsi que contre l'armée. Au parlement, Jacques Doriot est un tribun se lançant dans de violentes diatribes ultra-gauchistes, notamment contre les socialistes, et le parlement le censure finalement, lui-même repassant par la case prison, récoltant six jugements à la chambre correctionnelle, avec une amende et 34 mois de prison,
Tout cela témoigne non pas de son caractère authentiquement révolutionnaire comme on pourrait le penser, mais de son ultra-gauchisme sans réelle base idéologique sur le plan communiste. Car Jacques Doriot est un bagarreur, une « grosse gueule », cherchant l'affrontement physique, raisonnant en termes de coup de force.
Le culte qui va se développer par la suite autour de Jacques Doriot tourne autour de cela. Pierre Drieu La Rochelle, qui rejoindra le parti de Jacques Doriot, s'en faisant l'intellectuel, raconte ainsi dans « Avec Jacques Doriot » :
« Nous avons vu vivre, travailler, Jacques Doriot. Nous avons vu le fils du forgeron, nous avons vu l’ancien métallurgiste dans la houle de ses épaules et de ses reins, dans le hérissement de sa toison, dans la vaste sueur de son front, continuer et épanouir devant nous le travail de quinze ans. Devant nous, il a pris à bras-le-corps toute la destinée de la France, il l’a soulevée à bout de bras comme un grand frère herculéen (…).
Jacques Doriot et les faits, ça ne fait qu’un. Jacques Doriot a été ouvrier métallurgiste, il en a gardé quelque chose, en cela comme dans le reste. Il sent la vie comme une réalité massive, comme un bloc de métal qu’il s’agit de laminer, de découper, de forger. »
Dans « Jacques Doriot ou la vie d'un ouvrier français », Pierre Drieu La Rochelle raconte sur un même ton :
« Ceux qui ont vu alors Jacques Doriot [en 1925 lors d'une grève générale, la police réprimant les manifestants, Drieu La Rochelle n'assistant pas à la scène], seul, tenir tête à 200 policiers, foncer dans le tas, faire tourner un guéridon de café au-dessus de sa tête, soulever des grappes sur ses puissantes épaules, ne s'effondrer qu'à l'épuisement complet, savent qu'il y a en France au moins un homme politique qui est un homme. »
Dans cet esprit volontariste, Jacques Doriot tente dès le milieu des années 1920 de devenir le dirigeant du Parti Communiste français, mais bien entendu l'Internationale Communiste veille au grain et les choses ne s'avèrent pas si simples, et sa route lui est barrée.
Jacques Doriot développe alors une ligne trotskyste, s'affirmant pour le socialisme mais expliquant que l'URSS a dégénéré, que le Parti Communiste est devenu un jouet entre les mains de Staline, etc. Il est très prudent dans cette mise en avant de ces thèses trotskystes, organisant sa rupture en s'appuyant sur la mairie de Saint-Denis.
Jacques Doriot y est ami avec le curé, ainsi qu'avec le préfet de police Roger Langeron, le dépué d'Aubervilliers qui est même temps sous-secrétaire d'Etat au travail ; il ouvre l'office municipal des combattants à l'extrême-droite, autorise une fête d'émigrés russes contre-révolutionnaires dans les locaux de la mairie, etc.
Il est connu pour faire la fête et mener grand train dans Paris, alors qu'initialement il était connu pour son mode de vie particulièrement frugal ; bref, il est corrompu.