8 juil 2016

L'esthétique petite-bourgeoise de la contestation du projet de loi travail

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Dans les années 1960, nos précurseurs maoïstes maîtrisaient mal la dialectique. Ils sont passés du refus initial de mai 1968 à son acceptation complète, ce qui a provoqué l'échec de notre première émergence politique. Cette fois, nous aurons l'intelligence de ne pas faire pareil avec le mouvement contre la loi travail, à laquelle il faut associer au mouvement  « Nuit debout ».

Car, c'est indéniable, ce mouvement a été petit-bourgeois, tout comme mai 1968. Il a charrié des choses progressistes, mais il n'a jamais été qu'une protestation mesurée dans le but d'obtenir un aménagement du capitalisme. La petite-bourgeoisie veut un espace pour subsister et pour cela elle utilise la révolte en apparence. Cela a déjà été le cas en mai 1968, vaste révolte tellement esthétique qu'elle n'a pas fait de morts, à part quelques uns liés au mouvement ouvrier et qui furent maquillés en accidents de la circulation.

C'est encore le cas avec le mouvement contre la loi travail : les casseurs n'ont été que l'aile radicale d'une petite-bourgeoisie comptant forcer les choses pour sa survie. La thématique utilisée a été celle de 1789, révolution bourgeoise par excellence. C'est dire si c'est un appel du pied pour en revenir au capitalisme du début.

Pour cette raison, ce sont toujours les banques qui ont été toujours la cible des diatribes du mouvement contre la loi travail. Les banques et l'État ont été désignés comme les cibles, et c'est là typiquement petit-bourgeois. Le mode de production capitaliste n'est jamais mentionné, même pas pour faire semblant d'avoir l'air radical.

Quant à la bourgeoisie, tellement jalousée par la petite-bourgeoisie, elle ne semble même pas exister. Il n'y a que l'État qui est visé, pour sa présence comme garant de l'ordre, avec la police et les impôts, et les banques qui étranglent la petite-bourgeoisie. 

Preuve qu'on a la même tendance qu'en mai 1968, en plus caricatural, on retrouve le même principe du détournement propre aux situationnistes, à l'ultra-gauche en général. Lorsque le nom de la banque de financement participatif kiss kiss bank bank devient un slogan kass kass bank bank, on a un exemple de cette réappropriation du monde capitaliste, censée être subversive, mais qui montre qu'en réalité on est incapable de le dépasser, de le transcender.

En fait, plus la petite-bourgeoisie devient hystérique, plus elle invente des fantasmagories.

C'est là la situation propre à une couche sociale qui n'est pas une classe. Seules existent le prolétariat et la bourgeoisie. La petite-bourgeoisie est une anomalie historique, produite par un cycle d'accumulation capitaliste tellement puissant qu'il a réussi à se maintenir pour toute une période.

Si le révisionnisme n'avait pas triomphé en URSS et en Chine populaire, la classe ouvrière aurait su rapidement entraîner la petite-bourgeoisie. Au lieu de cela, c'est la petite-bourgeoisie qui a contaminé les masses.

Et la petite-bourgeoisie veut que tout soit possible, car c'est son existence qui est en jeu face aux monopoles.

Elle veut accéder à la propriété, d'où le slogan « il n'y a pas de chômeurs, que des paysans sans terre ».

Elle a besoin d'un capitalisme libéral, toujours plus libéral, même libéral-libertaire.

Pour faire carrière, il faut aujourd'hui beaucoup de capital : n'en ayant pas, la petite-bourgeoisie propose les idées, le style, tente de s'appuyer sur les masses pour se propulser... Il suffit de voir comment les hipsters ont cannibalisé le véganisme pour disposer de marchés captifs pour ses épiceries et ses restaurants, suivant la voie des religieux juifs et musulmans pour se garantir des parts de marché...

Hystérique, la petite-bourgeoisie est rapidement sans limites. On se souvient du slogan honteux CRS = SS, reflétant une méconnaissance de l'histoire vraiment profonde, contribuant au négationnisme historique. On a pu voir des éléments similaires, comme avec « nos rues ne sont pas des chambres à gaz », comme s'il était possible de comparer la destruction des personnes juives en Europe avec une répression par ailleurs relativement réduite.

Si la police et les CRS avaient réellement décidé de casser, il y aurait eu déjà des morts et des centaines de personnes blessées. L'Histoire le montre amplement. Mais la petite-bourgeoisie n'a pas d'histoire : elle ne sait qu'en faire, afin de former des pseudo-actualités, des pseudo-causes.

C'est pour cette raison que le Parti Socialiste est une obsession. En tout bonne logique, c'est une alternative révolutionnaire qu'il faudrait former. La petite-bourgeoisie n'est toutefois pas une classe : elle ne peut que mendier à la bourgeoisie, en trompant le prolétariat.

Elle n'a pas d'identité, aussi est-elle obligée d'avoir une contre-identité, tout en renouvelant de manière permanente son apparence radicale. C'est là le sens de la révolution permanente de Léon Trotsky, des détournements typiques du situationnisme, de la provocation propres au surréalisme, de la déconstruction de la French Theory avec les queers.

C'est aussi là qu'on retrouve Julien Coupat. Celui-ci, toujours présent en arrière-plan, théorise le refus de la théorie et de la rationalité. On peut lire sa prose millénariste principalement sur lundi.am, le site de la mouvance anarcho-situationniste.

Julien Coupat continue sur sa ligne comme quoi il n'y aurait pas de mouvement autour de lui, qu'il serait innocent des accusations (d'où le slogan mea coupat, détournement de mea culpa, ma faute en latin), comme quoi ce serait l'effondrement complet d'un monde : on serait selon lui à deux doigts de la révolution généralisée et totale. Citons sa prose délirante, auto-justificatrice et totalement mystificatrice. L'ultra-gauche à la Coupat accompagne, comme toujours, la montée du fascisme.

« Il y a de la casse, indéniablement. Il n’y a pourtant pas de « casseurs ». Médias, politiques et sociologues devraient moins s’attarder à essayer de cerner les introuvables contours du « casseur » que de se demander simplement : pourquoi, désormais, tant d’actes de casse sont-ils accueillis, dans les cortèges de tête, par des applaudissements ? Pourquoi, lorsqu’une innocente borne d’Autolib’ se fait fracasser, la foule entonne-t-elle un “tout le monde déteste Bolloré” ? (...)

On comprend sans peine que cela rende hystérique le pouvoir : partout où des gens s’organisent directement, celui-ci est rendu superflu, mis au chômage, destitué. C’est donc ce processus qu’il faut propager partout, dans tous les secteurs de la vie, à toutes les échelles de l’existence (...).

Pour commencer, il faut se défaire de l’idée que nous serions face à un « mouvement social ».

Ce qui se passe dans le pays depuis trois mois n’a pas l’aspect massif en apparence, mais indécis en réalité de ce que l’on connaît en France, depuis des lustres, sous le nom inoffensif de « mouvement social ». Encore moins s’agit-il d’un « mouvement social contre la loi Travaille ! ».

La loi « Travaille ! » n’est que la loi de trop, l’affront qui fait monter au front. Le refus qui s’exprime là est autrement plus large que le refus d’une loi ; c’est le rejet de toute une façon d’être gouverné, et peut-être même, pour certains, le refus pur et simple d’être encore gouverné.

C’est toute la politique, de droite comme de gauche, qui fait l’effet d’un spectacle oscillant entre le pathétique et l’obscène. Le désir général est que cette mauvaise pièce prenne fin, et d’enfin tenter de se saisir des enjeux d’une époque cruciale et terrible à la fois.

Nous sommes dans un navire qui fonce tout droit vers un iceberg et où l’on ne veut parler que de la robe de telle ou telle comtesse en ce beau soir de bal. En toutes choses, les appareils gouvernementaux ont fait la preuve de leur impuissance. Il ne nous reste plus que l’insurrection, c’est-à-dire à apprendre à faire sans eux (...).

L’appareil d’État est une mafia qui a réussi, la police une bande armée, la prison du kidnapping impuni, le nucléaire une menace de mort faite à toute tentative de bouleversement politique, l’impôt un braquage avec consentement, etc.

Les institutions sont des mystifications auxquelles on voue en France un culte aussi incompréhensible qu’au Cargo en Mélanésie. Et il y a toute une guerre, une guerre sourde et tapageuse à la fois, pour maintenir à flot cette cité de rêve qui ne cesse de s’enfoncer dans les lagunes du temps (...).

Nous n’y couperons pas. Et ce bouleversement ne sera pas seulement social, il sera d’abord existentiel. La vie sociale actuelle recouvre de son vernis des profondeurs d’angoisse, des terreurs parfaitement palpables. Paradoxalement, c’est en nous abîmant en nous-mêmes, en nous laissant tomber que nous retrouverons le monde, le monde commun.  »

La petite-bourgeoisie ne peut rien prendre au sérieux. Elle est contre tout programme, car l'existence d'un programme appartient à la raison et donc à la classe ouvrière. Le moindre débat d'idées révélerait que l'histoire est l'histoire de la lutte de classes. Le contenu aurait un sens, aussi la petit-bourgeoisie appuie-t-elle la poésie comme moyen de véhiculer la révolte, afin de masquer les contenus réels.

Le choix particulier du salariat comme thème vient évidemment du fait que la petite-bourgeoisie a comme idéal le petit producteur, le petit artisan, le petit commerçant. Son anti-capitalisme est romantique, idéalisant la personne vendant le fruit de ses activités, étant marchand, artisan, commerçant...

L'idéal des zadistes de Notre-Dame-des-Landes est en tout point le même. Grâce au PCF(mlm), on peut démasquer cette petite-bourgeoisie qui prétend être actrice de l'histoire, alors qu'elle appartient déjà au passé, qu'elle sent sa mort.

Demain, les mêmes activistes révoltés passeront d'ailleurs en bonne partie au fascisme : voilà ce qui ressort de leur prose irrationnelle, de leur démarche chaotique révélant l'hystérie petite-bourgeoise.

La célébration du spontanéisme est allée, en effet, toujours plus loin. On a un véritable nietzschéisme qui s'est élancé, comme culte de la brutalité, de l'approche déraisonnée, primitive, comme élan vital.

Tous les argumentaires fascistes des années 1930 sont pratiquement utilisés par une ultra-gauche dont la dynamique est toujours plus proche de celle des SA nationaux-socialistes, dans la mesure où l'on a la même prétention à être un mouvement fondamental, venant de l'essence authentique des choses, de la vérité d'en bas contre le mensonge d'en haut, etc.

Le mouvement contre le projet de loi travail a donné la parole aux hipsters de droite, à leur volonté de faire partir en arrière la roue de l'histoire.

La petite-bourgeoisie tourne en roue libre : sa panique est générale, elle tente d'occuper tous les terrains, de faire le plus de bruit possible, d'attirer à elle toutes les énergies. Tout doit lui servir, toutes les idéologies ayant l'air radicales doivent se mettre à son service, afin de la renforcer, d'organiser autour d'elle et de ses besoins toutes les luttes, toutes les revendications.

En mai 1968, la petite-bourgeoisie a réussi ce plan, en s'alliant à la bourgeoisie moderniste opposée à la bourgeoisie gaulliste. Aujourd'hui, par contre, la bourgeoisie néo-gaulliste ne veut pas de compromis, elle veut aller de l'avant dans le pouvoir des monopoles.

Soit, par conséquent, la petite-bourgeoisie est happée par un authentique mouvement communiste, dans le sens d'une démocratie populaire, soit elle ira soutenir la remise au pas nationale-corporatiste au service des monopoles en marche vers la guerre impérialiste.

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