14 mai 2016

«Nuit debout», «Loi Travail», Jean-Luc Mélenchon: irrationalisme plébéien et course au durcissement symbolique

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Quand on téléphone aux renseignements téléphoniques « 118 218 », on peut demander à l'interlocuteur de chanter le refrain de la publicité de cette entreprise, et celui-ci le fera. Cela n'est pas dans le contrat de travail, mais la terreur psychologique et culturelle règne et le prolétariat français, atomisé, pétri d'individualisme et d'économisme, est incapable d'y faire face.

Voilà pourquoi le mouvement contre la « Loi Travail » et « Nuit debout » – deux choses qui forment une seule et même réalité sociale – est totalement déconnecté de la réalité, n'exprimant que le point de vue des petit-bourgeois.

Rarement on aura vu un mouvement aussi « forceur ». La CGT Énergie de Haute-Loire n'a, par exemple, rien trouvé de mieux à faire que de sectionner des câbles d'un coffret électrique, coupant pendant neuf heures les réseaux téléphoniques des habitants de la commune de Brives-Charensac.

On est là dans un réformisme nihiliste qui ne doit rien au hasard et qu'on ne peut que rapprocher de l'initiative des élèves du lycée Léonard-de-Vinci à Levallois en banlieue parisienne, qui en mettant le feu aux poubelles lors du blocus, ont mis le feu au hall tout entier

Mais des exemples de ce genre – où des gens pratiquent des actions illégales devant les caméras pour s'étonner après d'être réprimés – sont innombrables. On a ici une comédie où l'on pourrait jeter des projectiles ou frapper quelqu'un en étant filmé ou photographié de manière « virtuelle », sans conséquence : c'est là le résultat de l'idéologie facebook.

On est dans la course au durcissement symbolique, de manière petite-bourgeoise, sans rien assumer dans les faits, dans l'Histoire, et avec une mégalomanie sans pareille, une prétention incroyable.

Les affiches de la CGT information et communication, où l'on voit une matraque, des jambes de policier au-dessus de rues tâchées de sang, sont d'un populisme plus qu'outrancier : on est là dans la mythomanie pure et simple.

Naturellement, dans ce ridicule anarcho-trotskyste/révisionniste, qui ne forme qu'un seul front de la protestation réformiste – radicale de type spectaculaire –, on retrouve bien entendu Jean-Luc Mélenchon.

Alors que le mouvement contre la « Loi Travail » et « Nuit debout » agonisent en raison de leur vide culturel, idéologique, Jean-Luc Mélenchon prétend désormais qu'on est à deux doigts de la révolution.

C'est ce que prétend son long article « L’éruption qui vient », emprunté au fameux ouvrage L'insurrection qui vient de l'équipe de Julien Coupat, passé de l'éloge de l'autonomie italienne et de l'illégalisme poético-guérilla au discours anti-répression dans Libération et Le Monde.

Liens vers la liste des articles : Le Parti

Le prétexte de Jean-Luc Mélenchon est bien entendu l'utilisation de l'article 49.3 par le gouvernement, c'est-à-dire le chantage du gouvernement aux députés : votez la « Loi Travail » ou on dissout l'Assemblée Nationale.

Il y voit un prétexte au soulèvement général. Il est typiquement trotskyste de la part de Jean-Luc Mélenchon de citer Lénine et de faire croire que sa propre analyse serait « matérialiste ». En réalité, ce que dit Lénine c'est bien qu'une révolution se produit quand en bas ne peut plus, mais il précise qu'en haut ne peut plus non plus.

A cela s'ajoute le rôle dirigeant du Parti et de son idéologie… Jean-Luc Mélenchon joue ici aux escrocs, appelant à un soulèvement plébéien ne pouvant qu'aboutir au soutien d'une ligne social-impérialiste : social en apparence, impérialiste dans les faits.

Tous les « actionnistes » délirants de la lutte contre le projet de « Loi Travail » et de « Nuit debout » n'auront fait que soutenir cette perspective…

Citons ici Jean-Luc Mélenchon dont l'article est un modèle de faux matérialisme, où est appelé matérialiste l’irrationalisme plébéien !

« A présent, après cet appel à mobilisation et ce calendrier d’action parlementaire et de rues très concret, je pense que je trouverai parmi mes lecteurs des personnes qui s’intéressent comme moi aux questions de l’application de la méthode matérialiste à l’Histoire.

Je ne suis pas le premier à vouloir faire entrer cette méthode dans le détail de la compréhension d’un moment politique. Certains se souviennent que Lénine s’y essaya pour définir ce qu’était une situation « pré-révolutionnaire ». Je m’y intéresse avec d’autres outils. Voyons déjà le moment.

J’ai déjà décrit à de nombreuse reprises comment s’installait dans une société cette situation où le slogan commun devient « qu’ils s’en aillent tous », ou, plus bref encore, à la tunisienne : « dégage ». Ce point d’ébullition est en vue en France.

C’est le moment où plus aucune autorité n’est crue ni supportée : responsables politiques, juges, journalistes, policiers et ainsi de suite. Tout le lien de l’ordre établi semble crouler sous le poids du même opprobre. Mais quand se produit l’effondrement ? L’expérience montre qu’un évènement fortuit le provoque.

Un évènement imprévisible, parfois dérisoire par rapport aux enjeux. L’esprit public connait ce mécanisme sous le nom « d’effet papillon », où une cause minime déclenche un évènement sans rapport à une échelle disproportionnée.

Un battement d’aile de papillon à Mexico provoque un ouragan à Pékin, dit-on. En politique, tous ceux qui disaient juste avant le déclenchement « mais vous voyez bien que rien n’y fait, le système tient bon malgré tout » sont alors ébahis : en quelques heures, tout s’effondre.

Certes imprévisible, le phénomène s’inscrit pourtant dans une figure dynamique qui peut être décrite et ne doit rien ni à la magie, ni à la providence ni à aucune des habituelles explications compliquées qui fleurissent souvent après coup.

Pour rendre compte du phénomène, imaginons un petit tas de sable sur un petit plateau suspendu. Il recevrait une lente coulée de sable supplémentaire grain par grain.

Au bout d’un certain temps, imprévisible, se produit une avalanche sur le flanc du tas de sable. L’importance de cette avalanche est aussi imprévisible que son déclenchement.

C’est là une image approximative mais parlante du système dont je parlais. Les grains du tas se tiennent les uns aux autres, quelle que soit la position sur le tas, comme le sont les faits et les individus en société.

Le grain de sable qui va déclencher l’avalanche peut-être minuscule et de toute façon sans rapport avec l’état relatif du tas et la position de son point d’atterrissage.

Tel est l’évènement fortuit. Il n’est pas la cause absolue de l’avalanche contrairement aux apparences. C’est l’état du tas de sable qui fait l’avalanche. S’il y a une grosse bosse de grains sur la pente du tas on peut dire que l’avalanche est imminente.

Le tas peut être dit en état « surcritique ». Si par contre une avalanche vient d’avoir lieu et qu’on voit un creux, on peut conclure que l’avalanche n’aura pas lieu avant quelque temps. Le tas peut être dit en état sous-critique. Un même grain de sable peut provoquer une avalanche ou n’en provoquer aucune selon que le tas de sable est en état surcritique ou sous-critique.

Ce type de système porte un nom barbare en physique : « système critique auto-organisé ». Il rend compte de façon matérialiste de la dynamique des évènements sociaux et politiques dans les processus d’effondrement politique ou de révolution citoyenne. »

Ce populisme de la « mobilisation » est farouchement anti-culturel, anti-idéologique, anti-intellectuel. Cet éloge de la démarche plébéienne ne peut produire que des SA, certainement pas des militants ayant une réflexion profonde sur la société et ce qu'il faut changer de fond en comble.

C'est, au sens strict, le fascisme qui propose des solutions de « mobilisation » au-delà des idéologies, c'est-à-dire l'exact opposé de la perspective du socialisme scientifique qui exige le Parti de la science, la rationalité complète, le communisme comme aboutissement de l'humanisme, des Lumières, du matérialisme, en tant que matérialisme dialectique.

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