7 déc 2015

Élections régionales 2015 : un dilemme cornélien

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Nous voici face à un dilemme cornélien et il y a bien lieu de consacrer son temps à une étude de la tragédie française et de Pierre Corneille en particulier. Les élections régionales nous montrent les deux choix affreux qu'il est possible de faire : voter contre le Front National, donc pour des gens l'alimentant, ou bien ne pas voter, ce qui revient à laisser le Front National placer librement ses pions.

Ce dernier cas ressemble à l'histoire de Gribouille qui saute dans l'eau pour ne pas être mouillé par la pluie. Cependant, on se doute que c'est un plan de François Hollande que d'avoir pratiquement fait exprès de perdre plus que normalement ; on sait que dans le Nord, la campagne des socialistes a été menée de manière très « lâche ».

Les propos du porte-parole du gouvernement et ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, hier à 20h, sur TF1, sont d'ailleurs gros comme une maison :

« J'ai regardé l'ensemble des résultats consolidés ce qui fait le rapport de forces entre la gauche, la droite et l'extrême droite. Si je regarde ce rapport de force, le total de la gauche, qu'on disait en difficulté, doit dépasser les 36% et en fait le premier parti de France. »

François Hollande veut dynamiter le Parti Socialiste, former une sorte de fédération de la gauche avec ce qu'il y a sur sa gauche, espérant arriver au second tour des prochaines présidentielles pour pouvoir brandir la menace : « moi ou Marine Le Pen ! »

Terrible dilemme que de se dire qu'on va voter pour soutenir une telle initiative qui, à termes, ne peut qu'aider Marine Le Pen elle-même.

En attendant, pourtant, les faits sont là. L'ampleur de la progression du Front National sur toute la France est énorme et reflète ce que nous n'avons cessé de dire. Il arrive en tête dans 6 régions sur 12, allant jusqu'à dépasser 40 % dans la région Provence-Alpes-Cote d'Azur et dans la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie, tutoyant voire dépassant les 50 % dans un grand nombre de villes et quartiers populaires de ces deux régions.

Au niveau national il devient même la première force politique de France. Et qu'on ne s'y trompe quant à la composition sociale de ce vote. En effet, nombreux sont ceux à mettre en avant l'idée qu'il y aurait un « FN du Nord » populaire et un « FN du Sud » plus bourgeois et conservateur. C'est une lecture qui appartient au passé : le Front National recueille, selon les sondages, autour de 60 % des voix des ouvriers ayant voté dans ces deux régions ; il y est aussi électoralement le premier parti chez les personnes au chômage.

Y a-t-il une contradiction à ce que les masses populaires soutiennent le Front National ? Oui, c'est une contradiction, dans la mesure où le FN ne représente pas leurs intérêts. Soutenir le FN, pour les masses, c'est soutenir le social-chauvinisme, l'idée que le nationalisme est acceptable… s'il est social.

Ne nous voilons pas la face : le FN relève absolument d'un processus qui est national-socialiste. On a là un communautarisme national et social qui est un danger absolu. Nous tenons à souligner ici que nous sommes les seuls à avoir compris l'enjeu, en montrant la nature du « non » au référendum sur la constitution européenne.

Les masses sont aspirées, par espoir de sécurité, par le social-chauvinisme, le soutien ouvert à son propre impérialisme.

A ce titre, soulignons toute l'importance de « l'esprit Charlie ». En effet, il porte en lui la mobilisation massive des progressistes, mobilisation dans une perspective d'unité et d'universalisme, de rejet de la barbarie.

Évidemment, il n'est pas exempt de contradictions et de faiblesse, comme le soutien à l’État bourgeois et ses forces de sécurité. Du point de vue communiste, c'est une naïveté ou un aspect bourgeois inacceptable. Cependant, la question ne se pose pas ici : l'aspect principal est que cela a sonné la remise en marche des progressistes, la nécessité pour les progressistes d'abandonner l'hédonisme individualiste pour reprendre la mobilisation pour une société meilleure.

« L'esprit Charlie » est absolument opposé au Front National. C'est donc un allié. Car Mao Zedong a souligné qu'il y avait toujours un aspect principal. Il n'y a pas de « fascisme » en général, mais très concret, et le Front National en est le moteur avec les élections régionales.

Il faut clairement rejeter les positions absurdes, gauchistes délirantes, raisonnant en termes de « système », parlant d'un « fascisme moderne », disant qu'ils se valent tous, etc. Non, un triomphe du Front National n'équivaut pas à une victoire du Parti Socialiste, les conséquences ne seraient pas les mêmes, à court et moyen terme.

Quant au long terme, il faut batailler. Cela suppose comprendre les enjeux de notre temps. Rien que la COP21 est un bon exemple : le PCF(mlm) a produit un document sérieux à ce sujet. L'extrême-gauche est restée muette. Cela reflète une question de pratique militante, d'approche de la réalité, de vision du monde.

De toutes manières, les coupables de cette situation sont tout trouvé. Il est évident que la social-démocratie et l'extrême-gauche post-moderne ont chacune une responsabilité historique gigantesque dans cet état de fait.

La première car en faisant semblant de vouloir changer les choses pour au final ne jamais rien changer et gérer le capitalisme, elle a désespéré les masses. La seconde car ses deux démarches ont été contre-productives, en ayant :

- soit une ligne « syndicaliste dur » typique du trotskysme, elle n'est jamais autre chose qu'une force supplétive de la social-démocratie cherchant à la « pousser à gauche » ;

- soit une ligne devenue totalement post-moderne se focalisant sur les « phobies » et les théories post-modernes universitaires mettant en avant les « identités » ou les « races sociales ».

Dans tous les cas, elle désarme idéologiquement les masses et ne sert qu'à renforcer la fascisation.

Liste des articles sur la grande question : Que représente le Front National de Marine Le Pen ?Il convient donc aujourd'hui de rejeter fermement toute les tendances au relativisme et à l'attentisme des masses. En effet, une grande partie des masses progressistes, particulièrement de la jeunesse, se réfugie dans un attitude immature, pensant que « cela va passer » et préférant rester « OKLM » (au calme). C'est là un infantilisme et une position régressive, qui tranche en même temps avec la capacité de la jeunesse à ne pas être dupe sur les détails.

L'absence de culture est ici une question essentielle ; notre production de dossiers est une arme fondamentale face à cela.

Et, en tout cas, aujourd'hui, il est de la responsabilité des progressistes de faire tout ce qui doit être fait pour empêcher le Front National d'arriver à la tête d'une voire plusieurs régions françaises. Ce qui veut dire y compris voter et faire voter pour les partis conservateurs bourgeois.

Cela doit être fait non pas parce que sinon cela serait une « catastrophe économique » comme le disent les responsables politiques bourgeois, mais parce que la prise de l’exécutif de régions est un objectif stratégique dans la course au pouvoir du fascisme dans notre pays.

A la tête de régions, le Front National pourra se contenter de « gérer », en se défaussant sur l’État, l'Union Européenne, les Etats-Unis d'Amérique, en expliquant qu'ils ne « peuvent pas faire grand chose », tout en se servant du pouvoir acquis pour attirer un nombre important de cadres bourgeois et organiser la mobilisation des masses derrière les projets agressifs des monopoles.

Le fascisme consiste, en effet, en une mobilisation des masses « par en haut », une mobilisation nationaliste orchestrée.

Pour cela, il lui faut au préalable mettre au pas les forces qui, au sein des masses, pourraient lui résister. Et c'est justement ce que lui permet l'exercice du pouvoir local. Le Front National se servira pour cela du biais des financements auprès des associations, établissements scolaires, mairies, entreprises, syndicats, etc. comme d'un moyen de pression pour faire plier ceux qui « ne jouent pas le jeu ».

On voit là d'ailleurs à quel point le syndicalisme et les démarches associatives sont un piège pour les masses. Ces structures étant pieds et poing liés à l’État bourgeois qui leur permet de vivre et à leur dirigeants de devenir des sortes de petits notables, elles ne pourront ni résister à la pression du fascisme ni permettre un changement réel de société.

Lien vers le document : PCF(mlm) / Pour une démocratie populaireDepuis des années le PCF(mlm) a alerté que l'actualité était la marche au pouvoir du fascisme. Là où la majorité de la gauche de la gauche, et toute l'ultra-gauche, considérait que tout cela n'était pas si grave, nous annoncions que chaque fois que le Front National remporterait une victoire il consoliderait ses positions dans les masses.

Désormais, les faits sont là, il faut faire avec, il faut faire de la politique. Une politique antifasciste, une politique de Front populaire, une politique d'unité progressiste face au fascisme.

Il faut faire barrage au Front National – par tous les moyens ! Quant au dilemme cornélien, on y échappera en développant une ligne vraiment progressiste, renversant les vieilles valeurs, établissant des lignes et des perspectives pour l'avenir !

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