Élections du 13 décembre 2015 : «No Pasaran» face à un Front National devant être considéré comme fasciste
Submitted by Anonyme (non vérifié)Dans la seconde moitié des années 1930, le slogan « ¡No pasarán! » était utilisé en Espagne comme mot d'ordre contre le coup d’État de Franco : « Ils ne passeront pas ! ».
Le pronom personnel « Ils » désignait les fascistes, et l'unité antifasciste comprenait les communistes, les socialistes, les forces libérales de gauche, ainsi que les anarchistes.
Toutes les forces de gauche en général ont mis de côté leurs exigences au profit de l'unité. C'est cela, le principe du Front populaire, en Espagne alors, comme en France également, en 1936.
Pourquoi cela a-t-il été alors considéré comme une urgence ? Pourquoi cela a-t-il été considéré comme impératif ? Parce que le fascisme n'est pas un simple gouvernement « autoritaire », mais un changement en profondeur de la nature du régime politique.
On sait bien aujourd'hui que la société française n'est pas démocratique : ce sont les grands monopoles qui décident des tendances de fond, les lois protègent la bourgeoisie, les élections sont verrouillées par les institutions.
Il faut changer cela, indéniablement. Reste que la situation n'est pas celle du fascisme : on n'enferme pas les opposants dans des camps, pas plus qu'on ne les assassine ; les grèves ne sont pas réprimées dans le sang, on ne torture pas dans les commissariats.
Il y a une différence de fond, entre démocratie bourgeoise (toujours plus corrompue) et fascisme. Le Front National est là pour remplacer l'une par l'autre ; il réussit très bien sa tâche.
Car, il faut le dire, c'est une première dans l'histoire qu'une classe ouvrière soutienne aussi largement un parti d'extrême-droite. Même les nazis ne sont pas parvenus à conquérir leur cœur de la classe ouvrière allemande ; les quartiers ouvriers ont toujours été une menace pour eux.
On a ici une capitulation sans précèdent, une erreur terrible des masses qui pensent contourner la lutte de classes en se tournant vers la nationalisme. C'est un véritable triomphe de l'idéologie du « socialisme français » de Pierre-Joseph Proudhon et Jean Jaurès ; l'idéologie de la petite propriété a contaminé en profondeur les masses.
On peut, éventuellement, ne pas prendre cela au sérieux... mais alors il faut se souvenir que les masses d'Allemagne et d'Italie ont, dans les années 1920-1930, payé de manière très chère leur naïveté. On peut prétendre qu'on n'est pas dans les années 1930. Pourtant, tout y ressemble et pour nous, qui avons étudié le matérialisme dialectique, c'est simplement un cycle qui se répète, avec un approfondissement plus profond des contradictions.
La société française n'a pas changé de base ; à même crise, mêmes effets.
Alors, que faire ? Il n'y a pas le choix : il faut bloquer le Front National autant que possible, le freiner tant qu'on peut.
On dira, à juste titre, que des gens comme François Hollande et Manuel Valls contribuent à la montée du Front National. C'est indéniable : les dirigeants socialistes sont des salauds. Soit.
Cependant, le Front National n'est pas encore installé dans les institutions ; il n'a encore pas assez de cadres. Il a besoin de se renforcer.
Faut-il l'aider en cela, en le laissant triompher, ou faut-il tout faire pour l'affaiblir ?
Ou si l'on veut, et c'est la question de fond : le Front National est-il un parti comme les autres ?
Le penser serait, de notre point de vue, nier les faits. Cela ne veut pas dire que le Front National sera l'équivalent pour la France du parti fasciste de Benito Mussolini ou du parti national-socialiste d'Adolf Hitler, mais en tout cas il est évident qu'il vise à générer un tel équivalent.
C'est la tendance de fond, elle est très claire. La « remise en ordre » de la France, par en haut, à coups d'idéologie du terroir, de social-chauvinisme, de catholicisme social, d'utilisation de l'armée et de la gendarmerie, tout cela est très lisible comme « option ».
Il y en a qui ne le pensent pas. Pour l'ultra-gauche, c'est le système qui est, en soi, fasciste ; il n'y aurait pas de différence entre démocratie et fascisme.
Durant les années 1930, ce qu'on a appelé l'ultra-gauche – les trotskystes, les « bordiguistes », les « conseillistes », les anarchistes ultras – ont combattu ouvertement et totalement le Front populaire : ils y voyaient une trahison de la révolution. L'ultra-gauche s'est pareillement opposée à la Résistance. Leur position se résumait à la formule : « Ils se valent » tous.
C'est une attitude qui a toute une tradition en France, par ailleurs ; déjà à l'époque de l'affaire Dreyfus, une partie des anarchistes et des socialistes, choisissant d'être ultras, refusaient de soutenir Alfred Dreyfus face à l'antisémitisme, arguant qu'il serait un soldat et donc un réactionnaire.
Aujourd'hui, on peut voir pareillement que tant le Nouveau Parti Anticapitaliste que Lutte Ouvrière n'appellent pas à faire barrage au Front National. C'est la position commune aux anarchistes et aux trotskystes… C'est évidemment également la position de Jean-Luc Mélenchon, qui est un ancien trotskyste.
Mais ce n'est certainement pas la position des socialistes, des communistes, des progressistes, ou encore des communistes libertaires qui ne refusent pas la politique. L'antifascisme, c'est l'unité. C'est dire qu'il y a un aspect principal, que tout doit être mis en œuvre contre lui. C'est dire : ils ne passeront pas !
L'anti-antifascisme de l'ultra-gauche est à ce titre insupportable. Choisir de ne pas faire barrage au Front National est peut-être juste moralement si on raisonne abstraitement en termes de révolution. Mais concrètement, politiquement c'est du nihilisme ou bien de la capitulation, voire un soutien objectif au Front National.
Aucune perspective progressiste ne pourrait survivre dans un pays qui serait livré, sans freins, au nationalisme, au développement sans limites de la militarisation du régime, de l'enfermement des opposants, de l'interdiction des médias critiques.
On dira que c'est déjà en partie le cas : indéniablement. Qu'on pense à ce qu'on serait si c'était sans freins, si les masses étaient happées entièrement par le Front National, si le régime changeait profondément de forme.
Il n'y a pas le choix : pour que la perspective progressiste ait demain un espace – inévitable de par la profondeur de la crise capitaliste – il nous faut gagner du temps.
Cela veut dire, vaille que vaille, aux élections du 13 décembre, dire « No Pasaran » face à un Front National devant être considéré comme fasciste.