22 fév 2014

Violences anarchistes à Nantes et Rennes: une expression de décomposition politique

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Hier 22 février, à la suite de la manifestation contre la construction d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en périphérie de Nantes, plusieurs centaines de personnes ont affronté très violemment la police et provoqué une émeute sur le mode « black bloc ». Il y a 15 jours, le même genre de scène avait eu lieu à la fin d'une manifestation contre un meeting du Front National à Rennes.

Qui ont été les protagonistes? En fait, ces deux émeutes sont le fait de militants anarcho-autonomes et de militants d'ultra-gauche idéologiquement proche du Comité Invisible (la tendance politique exprimée par l'ouvrage L'insurrection qui vient).

Il y a quelques jours, les gens de l'affaire Tarnac expliquaient dans le quotidien Le Monde que les anarcho-autonomes n'existaient pas ; la réalité montre simplement le contraire, évidemment.

En pratique à Nantes, cela a donc donné des attaques très violentes contre la police, des destruction de vitrines de magasin - certaines en lien direct avec la construction de l'aéroport à Nantes, d'autres plus ou moins au hasard -, des destructions de guichets de banques, d'abribus, de la ligne de chemin de fer menant à Saint-nazaire, etc. Le hasard est ici relatif, puisque les cibles étaient considérées comme des symboles. 

Le choix de ces symboles amène d'ailleurs à une réflexion simple. Y a-t-il lieu de critiquer ces deux opérations de Nantes et Rennes ? Oui, car elles relèvent toutes deux non pas d'une militance d'extrême-gauche et d'une stratégie révolutionnaire, mais de ce qu'il faut bien appeler une vision du monde totalement décomposée.

Ces mêmes actions, si elles avaient eu lieu il y a quelques années, auraient été d'une grande radicalité. Elles seraient rentrées en contradiction avec le capitalisme dont la crise ne prédominait pas ; elles auraient impulsées une ligne d'antagonisme.

Cependant, à l'époque, il n'y avait personne pour cela. Et  c'est l'extrême-droite qui, entretemps, a pris les devants et s'est positionné comme voulant une prétendue révolution (avec toute une gamme d'idéologie depuis le racisme anti-arabe dans l'esprit d'Eric Zemmour à l'antisémitisme de Dieudonné, en passant bien sûr par l'Eglise catholique, etc.).

Ainsi, en ce début d'année 2014, ces violences viennent s'associer à une dynamique d'effondrement du capitalisme sur le mode nihiliste, voire fasciste. Elles rejoignent l'esprit factieux, l'esprit de rebelle sans cause qui gangrène les masses. 

Les émeutiers de Rennes, par exemple, tentaient-ils de s'opposer réellement au fascisme en pleine ascension ? Non ce n'est pas le cas. Il n'y a aucune analyse réelle du fascisme, aucune analyse des rapports de force actuels, aucune proposition stratégique de société nouvelle.

Ce à quoi on a droit ici, c'est un antifascisme en tant que concept manipulé pour servir l'anarchisme spontanéiste et individualiste, derrière la conception absurde de l'antifascisme qui serait  « révolutionnaire ». C'est là nier que l'antifascisme n'est pas révolutionnaire, mais défensif. Car l'antifascisme est un front, et un front en appelant à la raison. Dans une ambiance d'irrationalisme forcené, c'est la raison qui compte, en liaison avec la question sociale. Inversement l'antifascisme prétendument révolutionnaire en ajoute toujours plus dans la mythologie. Dans la casse sans stratégie, comme à Rennes et Nantes, mais pas seulement, car il y a un aspect très parlant.

On a pu voir ainsi à Rennes, en pleine explosion de l'antisémitisme, quelques semaines à peine après la manifestation « Jour de Colère » avec ses dizaines de milliers de manifestants fascistes dont plusieurs ont affronté la police aux slogans de « CRS police des juifs », ces gens manifester derrière une banderole « Ni Valls, ni Le Pen » - ce qui relève de l'ultra-gauche, en rien de l'antifascisme.

De la même manière, ainsi, la manifestation anarchiste du 9 février sous le drapeau de l'antifascisme a mis en avant des slogans antisionistes, afin de concurrencer Dieudonné sur ce terrain. Hier samedi 22 février à Toulouse, la manifestation anti-raciste voyait se faire chasser les gens du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) de Midi-Pyrénées au nom de l'antisionisme (ce qui est proprement scandaleux en soi en regard des enfants juifs liquidés en 2012 à Toulouse par Mohamed Merah).

On a là un mélange des genres qui relève de la confusion. Le fascisme, c'est le fascisme, une dictature terroriste qui plane sur la France. De l'autre côté, le sionisme est-il réactionnaire ? Assurément.

Y a-t-il lieu toutefois de le mettre sur le même plan que le fascisme comme tendance historique en France ? Absolument pas : l'antifascisme, c'est l'union la plus large, au nom de la menace fasciste considéré comme le danger principal.

Libre aux anarchistes de considérer qu'il faut lutter contre « tous les fascismes », comme ils le font dans une lecture idéaliste et non matérialiste historique. Mais alors qu'ils n'utilisent pas le terme d'antifascisme, qui historiquement n'a rien à voir.

D'ailleurs, voyons les faits : en pratique, c'est la lutte contre le fascisme comme tendance historique en France qui permettra d'écraser les idéologies réactionnaires comme le sionisme. Il est évident que rassembler les masses juives sous la bannière de la lutte contre le fascisme les aménera loin du sionisme, unifiant les masses populaires. Mettre par contre en avant l'antisionisme, aussi juste soit-il, en avant comme fascisme pour célébrer... les événements de février 1934, à l'inverse, est irrationnel: cela pousse les masses juives au sionisme, comme fuite... et cela contribue au confusionnisme à la Dieudonné.

C'est une question de contenu, car le contenu compte, et non pas l'esprit à la Georges Sorel de la lutte pour la lutte, de la forme comme apportant automatiquement le contenu. Seule une lecture scientifique du monde, seule la raison peut faire triompher la révolution socialiste. Toute le reste est spontanéisme, décomposition du capitalisme, effondrement de la morale et de la culture.

Pareillement justement, les émeutiers de Nantes n'en ont en fait rien à faire de la nature et de la sauvegarde de la zone humide de Notre-Dame-des-Landes qui est menacée par le projet d'aéroport. Leur « Zone à Défendre » ne respecte en fait pas plus la forêt, la zone humide et les animaux et végétaux les peuplant que les petits paysans... ou les projets d'expansion des trusts capitalistes. Tout cela est prétexte au spontanéisme, à l'individualisme, à l'expression réactionnaire des thèses petites-bourgeoises.

Le seul slogan qui est mis en avant est le rejet de « l'aéroport et son monde », tout comme à d'autres endroits les anarchos-autonomes mettent en avant le rejet du « nucléaire et son monde », de « la prison et son monde », etc. Et au final, quand on parcourt leurs textes, la seule chose qui soit mise en avant de manière positive est la défense de la petite production agricole et du bocage.

Il est d'ailleurs logique de nombreux « bonnets rouges », dont leur porte-parole Christian Troadec, aient été présents à la manifestation de Nantes puisqu'ils ne disent pas autre chose ! Et ne parlons pas de la présence, dans la manifestation nantaise d'hier, de nombreuses figures des partis gouvernementaux actuels...

On est ici, une nouvelle fois, dans l'esprit de Georges Sorel et de son principe du mythe mobilisateur, de la violence comme valeur en soi suffisant à faire bouger les choses. La seule chose qui soit prise en compte ici, c'est le fait que des gens en nombres conséquents rejettent quelque-chose et qu'il faut s'en servir pour pousser à la radicalisation. Il n'y a donc pas d'analyse de la situation concrète, pas de projet, pas de stratégie, au final pas d'objectif.

On est en fait là totalement dans un mouvement de « rejet du monde moderne » et de mise en avant de « mythes mobilisateurs » et de l'action pour l'action... dans un mouvement porté par des éléments décomposés de l'anarcho-syndicalisme semi-lumpenisés.

Il n'y a absolument rien de progressiste et au final cela ne fait que servir les réformistes qui ont beau jeu d'apparaître comme représentant les gens « raisonnables » après avoir laissé se faire les émeutes.

Ainsi Manuel Valls a pu déploré que : « cette manifestation se soit transformée en véritable guérilla urbaine échappant totalement à ses organisateurs » et rejeter « cette violence venant de cette ultra-gauche, de ces Black Blocs, qui sont originaires de notre pays mais aussi de pays étrangers, est inadmissible et elle continuera à trouver une réponse particulièrement déterminée de la part de l'Etat. »

Les fascistes quant à eux se frottent les mains : ils apparaissent comme des martyrs puisqu'il y a eu pratiquement pas d'arrestations à Nantes hier, en comparaison avec les manifestations réactionnaires récentes (14 arrestations, contre 250 pour « Jour de Colère »).

Et ils savent surtout que toute l'extrême-gauche, devenue ultra-gauche et peuplée au final surtout de ce qu'on appelle historiquement des « décompos », des décomposés politiques, n'a aucune proposition stratégique à faire aux masses, qu'elle est juste le bras armé de la social-démocratie elle-même en décomposition...

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