Nouvelle intervention dans Le Monde des inculpés de l'affaire Tarnac
Submitted by Anonyme (non vérifié)L'affaire Tarnac refait parler d'elle, avec cette fois pas mois d'un message signé des gens mis en examen, publié par le quotidien Le Monde, sous le titre « L'antiterrorisme est un mode de gouvernement ».
Le ton du message est facile à comprendre : c'est celui de la capitulation politique, ou plutôt même du repentir. Finie l'insurrection, place au discours visant à expliquer, qu'en fait, tout n'est qu'un malentendu, dû à des vilains imaginant un terrorisme imaginaire.
Le raisonnement est facile à comprendre : le procès de l'affaire Tarnac se pointe à l'horizon, et la social-démocratie est bien mal en point. Le procès risque de mal se passer... Il faut donc aux personnes arrêtées prolonger le mouvement lancé depuis le début de l'affaire : nier tout caractère révolutionnaire à l'affaire Tarnac, utiliser le thème de l'antiterrorisme comme argument moral permettant une protection juridique lors du procès.
Les médias de « gauche », comme Le Monde ou Libération, sont donc mis à contribution, et d'ailleurs cette stratégie a bien marché tant auprès de la social-démocratie, qui espérait ainsi nier toute radicalité d'extrême-gauche, que l'extrême-gauche elle-même, façonnée par le monde associatif et les syndicats et qui ne peut donc même concevoir que des gens aient une véritable culture révolutionnaire, celle de l'insurrection, de la destruction de l’État bourgeois.
L'affaire Tarnac a donc été présenté comme une répression arbitraire frappant de braves épiciers alternatifs, tout le monde était content. D'où l'idée, pas nouvelle donc, d'à nouveau intervenir dans les médias, cette fois même en signant individuellement un appel collectif signé dans Le Monde, avec une ligne simple :
« L'affaire de Tarnac elle-même est si peu une simple aberration de l'ère Sarkozy que l'instruction se poursuit à ce jour. »
Le prétexte de cette fois, c'est le thème des jeunes partis faire le djihad en Syrie, en tentant de nier toute motivation idéologique, en parlant de mouvement moral semblable, en fait, aux Brigades Internationales, en reprochant même à l'Etat français de ne pas intervenir là-bas.
Ne s'arrêtant pas à mi-chemin dans la négation des idéologies, les gens de l'affaire Tarnac dénoncent de nouveau « la construction sarkozyste de « l'ultragauche tendance anarcho-autonome » ».
Le raisonnement est logique, à défaut d'être correct : pour empêcher d'être condamné au procès comme politiques radicaux, les gens de l'affaire Tarnac sont obligés de nier en général l'existence de politiques radicaux.
Islamistes ? Cela n'existe pas. Ultra-gauche diffuse de culture anarcho-autonome ? Une invention. Le contexte politique actuel, avec le Front National qui cartonne et Dieudonné diffusant sa haine ? Même pas pris en compte !
Est-ce sérieux ? Non, bien sûr. Il suffit de constater, par exemple, un site répertoriant l'islamisme armé comme jihadology.net pour s'apercevoir de la vigueur de cette idéologie. Il suffit de lire, par exemple, les communiqués des actions illégales du « GADI » pour voir qu'aussi faible qu'elle soit devenue, l'ultra-gauche existe encore (même rejointe désormais par les restes décomposés de toute une partie de l'extrême-gauche libertaire).
Mais de toutes façons le problème n'est pas là. Nous avons déjà analysé la question de cette mouvance de « L'insurrection qui vient » et on en revient toujours à cela : trahison petite-bourgeoise de l'idée d'insurrection révolutionnaire, capitulation sur le plan des idées révolutionnaires.
« L'antiterrorisme est un mode de gouvernement »
Par Christophe Becker, Mathieu Burnel, Julien Coupat, Bertrand Deveaud, Manon Glibert, Gabrielle Hallez, Elsa Hauck, Yildune Lévy, Benjamin Rosoux, Aria Thomas, mis en examen dans l'« affaire de Tarnac », notamment pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
L'antiterrorisme est magique. Il a non seulement l'art de faire passer des chihuahuas pour des loups, mais en outre celui de faire taire toute protestation à son sujet. Deux lycéens de 15 et 16 ans dont on s'alarmait en janvier, entre compassion et surprise, qu'ils aient pris le chemin de la Syrie sont ainsi devenus à la fin du mois des « apprentis djihadistes » sous contrôle judiciaire. Et nul ne moufte.
Deux gamins mis en examen pour « participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », deux gamins ramenés de Turquie par des proches et cueillis à leur retour par la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en guise de comité d'accueil. Tout est dans l'ordre, passons à la suite.
Un enquêteur qui déclare qu'il s'agit en fait de « décourager les autres petits jeunes radicalisés sur Internet qui auraient l'intention de se rendre là-bas », qui déclare donc que l'on inculpe des gens pour intimider les autres, et nul ne s'en émeut. Un ministre de l'intérieur qui multiplie par trois le nombre, déjà gonflé par les services, des Français qui seraient actuellement en Syrie à combattre l'armée de Bachar Al-Assad, et personne pour noter la magouille.
Il faut dire que sans le genre de petites opérations de terreur discursive dont l'antiterrorisme est coutumier, on n'aurait pu si simplement tordre le cou à l'évidence. Ce qu'il y a de sidérant, c'est évidemment que depuis trois ans on laisse un peuple se faire massacrer, bombarder, torturer, gazer par tout un appareil contre-insurrectionnel déchaîné, et non que des jeunes gens trouvent cela intolérable et décident d'agir en conséquence
C'EST EUX OU NOUS
Moralement, il est vrai, c'est eux ou nous : ou bien nous sommes des lâches, des cyniques, des cœurs tannés qui assistent tranquillement au carnage du fond de nos sofas, ou bien nous avons affaire à des « monstres embrigadés en un mois sur Internet » au terme d'un « processus d'autoradicalisation fulgurant ».
Ici, gober le bobard est le prix à payer pour notre confort moral. En d'autres temps, on n'aurait pas attendu pour monter des brigades internationales de volontaires auxquelles auraient participé de futurs George Orwell, et c'est bien sûr de ne l'avoir pas fait que nous avons, en lieu et place, des Brigades Al-Nosra et des otages.
Rééduquer par l'antiterrorisme des gamins de 15 ans, voilà qui permet à bon compte de faire un peu oublier la contradiction saignante entre la position officielle de la France envers le régime syrien et sa paralysie effective. Nous disions, à peine arrêtés, que l'antiterrorisme ne ciblait pas centralement ceux sur qui il s'abat, mais l'ensemble de la population ; qu'il n'était donc pas une procédure judiciaire, mais un mode de gouvernement.
Depuis lors, les révélations d'Edward Snowden sur les activités de la NSA ont achevé d'en administrer la preuve : c'est au nom de l'antiterrorisme que l'on espionne la totalité de la population, et au nom de l'antiterrorisme que Barack Obama entend rendre cela acceptable.
Comme s'en expliquait le Napoléon III de Maurice Joly dans ses dialogues imaginaires entre Machiavel et Montesquieu, cela ne pose aucun problème puisqu'« il n'y aura que les factieux qui souffriront de ces restrictions ; personne d'autre ne les sentira ». Il suffit pour cela d'organiser l'anesthésie générale, et l'amnésie en temps réel.
Les politiques encouragent et les magistrats assument. C'est par une application raffinée de la loi que l'on met en examen deux élèves de seconde « pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Raffinement qui permet de leur reprocher d'avoir voulu se rendre dans un pays étranger où ils auraient pu rejoindre des groupes, qui eux-mêmes auraient pu les amener à éventuellement commettre des faits délictueux à leur retour en France.
ABRITÉS DERRIÈRE LE SECRET-DÉFENSE
On ne s'embarrasse même plus de démontrer une intention malfaisante, le crime est désormais défini par son anticipation même. L'affaire de Tarnac elle-même est si peu une simple aberration de l'ère Sarkozy que l'instruction se poursuit à ce jour.
Abrités derrière le secret-défense, depuis le silence feutré de leurs bureaux, policiers et magistrats continuent de préserver et d'étendre le domaine de la lutte antiterroriste – que leur travail consiste, dans notre cas, à ne rien faire n'est en rien contradictoire. Avec le temps, on oubliera bien qu'il y a jamais eu une « affaire de Tarnac » et qu'elle mettait à nu la logique même de cette lutte.
Sur ce point comme sur les autres, un changement de gouvernants n'altère en rien la physionomie générale du gouvernement. Il n'y a pas de droite ni de gauche en matière antiterroriste. Si les nouveaux locataires du pouvoir ne peuvent que reprendre à leur compte la construction sarkozyste de « l'ultragauche tendance anarcho-autonome », c'est que l'antiterrorisme est en lui-même une politique.
Le Parti socialiste n'a pas plus le pouvoir d'être socialiste que celui de sortir du paradigme mondial, libéral de la sécurité. Quant aux magistrats, n'en parlons pas : comment oseraient-ils contredire la police de la société ?