Le slogan gauchiste «Vos guerres, nos morts» contre l'esprit démocratique «Charlie»
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le slogan « Vos/Leurs guerres, nos morts » a été le mot d'ordre des anarchistes et des trotskystes à la suite des attentats du 13 novembre. Une image a pu être faite, reprenant les codes graphiques du fameux « Je suis Charlie ».
C'est que ces gens sont prêts à tout pour nier la réalité, au profit d'une sorte de mélange réformiste – anti-impérialiste, particulièrement poreux à l'antisémitisme. On se souvient qu'au moment des meurtres de Mohamed Merah, leur silence a été glacial. Il faut s'en souvenir, et exiger des comptes.
Leur seul programme, idéaliste, c'est le « social », leur seule approche, un « anti-impérialisme » caricatural, une sorte de trotskysme dégénéré, avec un anticapitalisme romantique plus ou moins sordide.
« Vos guerres, nos morts » est à ce titre initialement le titre d'un texte de Julien Salingue, un enseignant en sciences politiques passé par le prestigieux Lycée parisien Henri IV pour prolonger à l'université Paris 8, bastion post-moderne, qui lui a donné une allocation de recherches, sses travaux et ses ouvrages portant sur la question palestinienne.
Bien évidemment, c'est une figure éminente du Nouveau Parti Anticapitaliste. On a là le profil typique : une formation post-moderne aucune référence marxiste, un « soutien » aux « opprimés » en mode « tout ce qui bouge est rouge », une participation systématique aux institutions universitaires, l'électoralisme comme pivot de l'activité, etc. De la LCR au NPA, avec Julien Salingue, la continuité est sans accrocs dans l'anti-communisme, dans la vaine agitation de pseudo-causes afin d'émpêcher l'émergence et l'affirmation du matérialisme dialectique.
On se doute donc de quelle a été la position de Julien Salingue au moment de « Charlie » : cela a été la dénonciation en règle. En effet, pour Julien Salingue, le fondamentalisme islamique n'existe pas, pas plus que l'antisémitisme, seulement une sorte de système qu'il appelle l'impérialisme.
C'est une démarche anti-matérialiste au possible ; voici ce que disait alors Julien Salingue :
« Non, le « modèle français du vivre-ensemble » n’est pas « attaqué ». Ce « modèle » est un mythe destiné à couvrir le racisme structurel à l’oeuvre en France, et personne ne me forcera à le défendre face à la « barbarie » qui le menacerait.
Non, « l’unité républicaine » aux côtés de racistes aux indignations sélectives n’est pas une réponse, et personne ne me forcera à mêler ma voix aux professionnels de la récupération politique et aux amalgameurs en tout genre.
Oui, depuis ce midi j’ai envie de pleurer. De colère et de dépit.
Mais on lâche rien. »
On est là très loin de la juste émotion que représentait Charlie. Que l'esprit « Charlie » ait été candide, bien sûr. Mais les masses se sont mobilisées comme rarement jusque-là, l'antisémitisme a été réfuté, le racisme refusé. Cela a été tout sauf un soutien à l'extrême-droite... Encore faut-il pour voir cela ne pas être d'ultra-gauche et comprendre le sens réel du mot démocratie.
A ce titre, mentionnons d'ailleurs la position de l'organisation d'ultra-gauche Voie Prolétarienne au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. On sait qu'en politique bourgeoise, l'opportunisme est de rigueur et qu'il faut savoir retourner sa veste. On sait également qu'à l'extrême-gauche, le radicalisme est toujours seulement verbal et sert à donner une « aura » révolutionnaire servant à masquer l'absence de perspective.
Pourtant, on ne peut qu'être estomaqué du tour de force d'opportunisme réalisé par Voie Prolétarienne. Dans le communiqué qui fait suite aux attentats du 13 novembre 2015, on lit les choses suivantes, qui sont tout à fait exactes :
« Le rejet est unanime face à la tuerie aveugle, tout le monde veut serrer les rangs contre Daech.
Qu’on ne s’y trompe pas : l’unité affichée contre les criminels n’est pas le signe d’un ralliement derrière Hollande ou d’un quelconque camp réactionnaire.
C’est l’expression spontanée d’une solidarité démocratique et antifasciste de base, positive, humaniste. Une aspiration légitime qu’il faut faire grandir comme une vraie résistance populaire, en ne laissant pas la bourgeoisie l’enfermer dans le drapeau de « l’union nationale ». » (« Leurs guerres, nos mort.e.s ici comme ailleurs ! Leur unité nationale, notre unité populaire ! »)
Voilà qui est tout à fait bien dit et nous ne disons justement pas autre chose. Cependant, il y a une question essentielle : n'est-ce pas de l'esprit « Charlie » dont il est parlé ? Il est évident que oui : il n'y a aucune différence d'esprit entre les réactions de janvier 2015 et celle suivant le 13 novembre 2015. On a le même refus du racisme, de la dénonciation populiste ; il y a plein de dignité, etc.
De manière pertinente, nous avons donc dit la même chose en janvier et suite au 13 novembre.
Toutefois, ce n'est pas du tout le cas de Voie Prolétarienne. Au moment des attentats contre Charlie Hebdo et l'HyperCacher, Voie Prolétarienne disait la même chose que Julien Salingue : l'esprit « Charlie » a été dénoncé, vitupéré, insulté, unilatéralement considéré comme réactionnaire.
Pratiquant alors le même relativisme post-moderne que Julien Salingue, Voie Prolétarienne a alors explicitement dit qu'il ne fallait pas participer aux défilés, de masse, que c'était une initiative réactionnaire, nationaliste, etc. Voici un exemple du refus de participer à « Charlie » :
« Nous refusons les appels à l’unité nationale pour la défense de la République Sarkozy, Valls et Hollande main dans la main, toutes tendances politiciennes confondues. Nous refusons de défiler avec ceux qui nous exploitent, ferment les usines, raflent les sans-papiers et quadrillent les banlieues. Accepter ou pas le FN n’est qu’une posture électoraliste des uns ou des autres, car tous les partis politiques bourgeois sont unis autour de la défense de leur République, de leur Démocratie, de leur Liberté.
Nous dénonçons l’indignation sélective et nous constatons qu’il n’y a eu aucun deuil national pour Rémi Fraisse tué à Sivens (alors qu’un “vibrant” hommage était rendu au même moment au patron de Total mort dans un accident), pour Clément Meric, pour Zyed et Bouna assassiné du fait de la police en 2005, qu’il n’y a pas eu de deuil international pour les 100 000 morts de l’amiante, pour les civils de Gaza et les combattant(e)s de Kobané, pour les migrants morts par milliers en Méditerranée, etc.
C’est d’abord pour ces raisons que nous n’avons pas défilé dimanche et nous avons regretté, comme beaucoup d’autres, qu’il n’ait pas été possible d’organiser dans l’urgence un contre-rassemblement anti-raciste et anti-impérialiste. »
Que l'esprit Charlie soit contradictoire et qu'en tant révolutionnaires, on ne veuille pas y participer, soit, bien entendu, c'est compréhensible. Mais dénoncer l'esprit « Charlie » unilatéralement comme réactionnaire, c'est anti-populaire, et d'ailleurs l'aspect positif l'a emporté relativement sur l'aspect négatif : l'esprit « Charlie » a été un marqueur historique positif, démocratique.
Comme on le voit pourtant, Voie Prolétarienne n'avait alors rien compris à l'esprit « Charlie » et son retournement à 180° suite aux attentats du 13 novembre 2015 est donc entièrement opportuniste. Hier, c'était totalement réactionnaire, aujourd'hui ce serait une « solidarité démocratique et antifasciste de base, positive, humaniste » ? C'est incohérent, et l'incohérence s'oppose au matérialisme.
Voici le document de Julien Salingue, pour archives :
Vos guerres, nos morts
Fragments.
Ce sont les nôtres qui sont morts la nuit dernière.
À la terrasse d’un restaurant, dans un bar, dans la rue, dans une salle de concert.
Les nôtres.
Morts parce que des assassins ont décidé de frapper en plein Paris et de tirer dans la foule, avec pour objectif de faire le plus de victimes possible.
11h30. Sarkozy vient de déclarer : « Nous sommes en guerre ».
Pour une fois je suis d’accord avec lui. Ils sont en guerre.
Vous êtes en guerre, vous les Sarkozy, Hollande, Valls, Cameron, Netanyahou, Obama. Vous êtes en guerre, vous et vos alliés politiques, vous et vos amis patrons de multinationales.
Et vous nous avez entrainés là-dedans, sans nous demander notre avis.
Afghanistan, Iraq, Libye, Mali, Syrie… Nous n’avons pas toujours été très nombreux à protester. Nous n’avons pas suffisamment réussi à convaincre que ces expéditions militaires ne feraient qu’apporter toujours plus d’instabilité, de violences, de tragédies.
Là-bas, et ici.
Car la guerre n’a pas commencé hier soir. Et elle n’avait pas commencé en janvier lors des tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Elle avait commencé bien avant.
En janvier, j’écrivais ce qui suit :
L’une des causes de la sidération qui a touché de larges secteurs de la population, y compris les cercles militants, est la (re-)découverte de cette vérité : oui, la France est en guerre. Une guerre qui ne dit pas toujours son nom, une guerre dont on discute peu dans les assemblées, dans les médias et plus généralement dans l’espace public, une guerre contre des ennemis pas toujours bien identifiés, une guerre asymétrique, mais une guerre tout de même. Les récentes tueries l’ont rappelé de manière brutale à qui l’ignorait, refusait de le voir ou l’avait oublié : la France est en guerre, la guerre fait des morts, et les morts ne se comptent pas toujours chez l’adversaire.
Contre qui la France est-elle en guerre ? Selon les discours et les périodes, contre le « terrorisme international », contre le « jihadisme », contre la « barbarie intégriste », etc. Ce texte n’a pas vocation à discuter de ces dénominations imprécises, des généralisations abusives qu’elles impliquent et des paradoxes qu’elles sous-tendent (alliances à géométrie variable, soutien à des régimes dont les politiques favorisent le développement des courants « jihadistes », participation à des interventions militaires qui renforcent ces courants, etc.). Il s’agit plutôt de souligner que la France a, en réalité, emboîté le pas aux États-Unis de George W. Bush dès septembre 2001 (guerre en Afghanistan, législation « antiterroriste ») et fait sienne, sans toutefois le dire, la rhétorique et la politique du « choc de civilisation ».
Voilà près de 14 ans que la France était en guerre sans l’assumer.
Aucune raison de modifier une ligne de cet extrait. Et dire cela, ce n’est pas manquer de respect aux victimes ou à leurs proches.
L’émotion, l’indignation et la douleur sont évidemment légitimes. Et les assassins qui ont bousillé des centaines, des milliers de vies hier soir, sont inexcusables.
12h. Daech vient de revendiquer. Évidemment. Eux aussi, ils sont en guerre.
D’après l’AFP, citant un témoin présent au Bataclan, l’un des assaillants aurait crié : « C’est la faute de Hollande, c’est la faute de votre président, il n’a pas à intervenir en Syrie ».
On peut fermer les yeux et se boucher les oreilles. Et se laisser enfumer par la rhétorique dépolitisante du « terrorisme aveugle », forcément inexplicable.
Mais les assassins de Paris ne sont pas des pauvres types irresponsables, « fous » ou manipulés par je-ne-sais-quels-services-secrets. On en saura plus dans les heures et les jours qui viennent, mais nul doute qu’ils auront un profil et un discours à peu près similaires à celui des Kouachi et de Coulibaly, à propos desquels, toujours en janvier, j’avais écrit ça :
Les tueurs ont un discours (voir leurs interviews et vidéos, dans lesquelles ils parlent de la Syrie, de l’Iraq, des offenses faites aux musulmans en France et dans le monde, etc.) ; un corpus théorique (voir notamment l'article publié par Mediapart) ; des références organisationnelles (État islamique, al-Qaeda dans la péninsule arabique).
(…) Ils se pensent, rationnellement, en guerre contre une certaine France, et ils se considèrent, rationnellement, en situation de légitime défense. En témoigne cette déclaration de Coulibaly dans sa vidéo posthume : « Vous attaquez le Califat, vous attaquez l’État islamique, on vous attaque. Vous ne pouvez pas attaquer et ne rien avoir en retour ».
Oui, Daech fait de la politique. Ce sont des assassins, mais ils font de la politique.
Et hier soir ils ont frappé fort, très fort.
Aveuglément ? Oui et non.
Oui, parce qu’ils s’en sont pris à des gens qui ne sont pas directement impliqués dans cette guerre, des gens dont le seul crime était d’être là, des gens qui auraient pu être ailleurs et être encore parmi nous aujourd’hui.
Non, parce que frapper de la sorte, c’est lancer un message : « Votre pays est en guerre contre nous, et tant que cette guerre durera, aucun d’entre vous ne sera en sécurité ».
Ils font de la politique. Détestable, mais de la politique.
Nous vivons dans un monde en guerre. La Russie, la France et les États-Unis bombardent la Syrie. L’Arabie Saoudite bombarde le Yémen. Les « opérations » françaises se poursuivent au Mali. Obama a annoncé que ses troupes ne quitteraient pas l’Afghanistan.
D’après le Haut Commissariat aux Réfugiés, il n’y a jamais eu autant de réfugiés et déplacés qu’aujourd’hui, et il n’y a aucune raison que les choses s’améliorent.
Le bilan, à l’heure actuelle, est de 128 morts. 128 morts de trop.
Le 13 novembre 2015, 128 morts.
128, c’est beaucoup. C’est effrayant.
C’est presque autant que la moyenne quotidienne des morts en Syrie depuis mars 2011.
Presque autant que la moyenne quotidienne, oui : 250.000 morts depuis mars 2011, ça fait presque 4500 morts par mois, soit près de 150 morts par jour.
Avis au prochain qui nous expliquera qu’il ne comprend pas pourquoi les Syriens fuient vers l’Europe : depuis plus de 4 ans et demi, c’est le 13 novembre tous les jours en Syrie. Et c’est votre nouvel allié Assad qui en porte la responsabilité première, en ayant réprimé sauvagement un soulèvement alors pacifique.
Nous vivons dans un monde en guerre. Et cela permet à certains de faire des affaires.
La France se félicite de vendre ses machines de guerre à l’Égypte. La France se félicite de vendre ses machines de guerre à l’Arabie Saoudite. La France se félicite de vendre ses machines de guerre aux Émirats arabes unis.
Mais la France s’étonne, s’indigne, s’insurge d’être elle aussi ciblée.
Hypocrisie. Lâcheté. Mensonge.
Les chiens sont lâchés. Leurs babines écument.
Il va falloir tenir bon.
Retour au mois de janvier :
Toute réponse guerrière, sécuritaire, stigmatisante ou aveugle aux réalités économiques, politiques et sociales de la France de 2015 est non seulement condamnée à échouer mais, qui plus est, un pas supplémentaire vers les tueries de demain.
Nous y sommes. Demain, c’était hier soir.
13h. Cambadélis annonce que « la France en guerre vient de subir une épreuve de guerre ».
Ils disent et ils répètent que la France est en guerre. Mais quand ils disent ça, c’est pour dire « nous sommes en guerre ». Un « nous » dans lequel il voudrait nous impliquer.
Non. 14 ans de votre guerre n’ont apporté, aux quatre coins du monde, que toujours plus de violences, de tragédies, et de nouvelles guerres.
Si l’Iraq n’avait pas été rasé, Daech n’existerait pas.
Paul Valéry disait que « la guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas ».
Il avait raison. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent
Et si on veut que tout ça s’arrête, il va falloir, une fois le choc passé, tout faire pour mettre un terme à cette fuite en avant vers la barbarie généralisée.
Il n’est pas trop tard. Il est encore temps de passer à autre chose. Radicalement.
En refusant l’injonction « avec nous, ou avec les terroristes ».
En refusant les appels à l’unité avec les bourreaux et les fauteurs de guerres qui construisent chaque jour un monde plus barbare.
En refusant leur monde fondé sur l’exploitation, le vol, la violence, l’injustice, les inégalités, la mise en concurrence de ceux qui devraient s’unir.
Se battre pour un autre monde, qui est non seulement possible, mais plus que jamais nécessaire.
Garder le cap et ne rien concéder sous la pression de l’émotion ou de la sidération.
Tu pourras me taxer d’angélisme si tu veux. Mais mon angélisme n’a jamais tué personne. Contrairement à ton « pragmatisme ».
Il est plus que jamais temps de « résister à l’irrésistible ». Sinon on va tous y passer.
Alors, non, Cambadélis. Non, Sarkozy. Non, Hollande. « Nous » ne sommes pas en guerre.
Ce n’est pas ma guerre, ce n’est pas notre guerre. C’est votre guerre.
Et une fois de plus, ce sont nos morts. Comme à Madrid en 2004, comme à Londres en 2005, comme en Égypte il y a quinze jours, comme à Beyrouth cette semaine.
Et comme partout où vous semez la terreur.
Vos guerres, nos morts.
Vos guerres, no more.
samedi 14 novembre 2015