20 mai 2015

Quel est le sens de la polémique sur l'éducation et la baisse du niveau en mathématiques?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Lien vers le dossier "La Pédagogie de Comenius"Depuis quelques semaines se tient une polémique importante autour de la question de l'éducation. Cette polémique agite non seulement les médias et les politiques français, mais aussi la plupart des intellectuels et des enseignants ainsi qu'une part importante des masses.

L'ampleur de cette polémique tient d'un côté à la structure de la société bourgeoise française dans laquelle l'école a une place importante comme moyen d'unification des masses, et de l'autre côté à l'importance qu'accordent les masses à la connaissance et aux progrès intellectuels de leurs enfants.

Au point qu'hier, le 19 mai, entre 30 et 50 % des enseignants étaient en grève contre le projet de réforme du Collège, à l'appel de la plupart des syndicats qu'ils soient « de gauche » ou « de droite » et soutenus par les forces politiques de la gauche de la gauche et d'une partie du Parti Socialiste comme de la droite.

Encore une fois, les progressistes se retrouvent coincés entre Charybde et Scylla.

D'un côté, il y a les réactionnaires qui s'opposent au changement car ils veulent au mieux maintenir la structure élitiste actuelle, voire au fond surtout la renforcer. De l'autre, il y a les post-modernes qui poussent ces réformes au nom de « l'égalité » pour en réalité détruire toute perspective universaliste en la remplaçant par le règne du « particulier ».

Il est d'ailleurs notable que les dirigeants de l'enseignement catholique soutiennent tous le projet de réforme du Collège porté par les post-modernes et le ministère de l’Éducation Nationale. En effet, ils voient, avec juste raison, dans la « plus grande part réservée à l'autonomie » des écoles, des équipes pédagogiques et des enseignants un moyen de renforcer leur aspect « particulier »… et donc leur élitisme.

La puissance de cette polémique provient du fait qu'elle se niche dans le cadre d'une des contradictions les plus importantes de la société bourgeoise, c'est-à-dire la contradiction en le travail intellectuel et le travail manuel. Et la question des mathématiques est très éclairante à ce niveau-là.

Est ainsi parue il y a quelques jours une évaluation menée par le ministère lui-même et portant sur les compétences en mathématiques des collégiens français (qu'ils soient scolarisés dans le public comme dans le privé) en classe de 3e. Cette étude montre un recul général du niveau en mathématiques des enfants et des adolescents.

Ainsi, presque 20 % des élèves de 3e n'est capable de traiter que des exercices très simples, de niveau de CM2 ou de début du collège, contre 15 % lors de la dernière évaluation en 2008. Mais, en fait ce qui est observé est bien un recul général de tous les collégiens quant à leur niveau.

Cette étude vient confirmer ce qui avait été observé aux résultats du BEPC de 2014 (que passe tous les collégiens de France). La moyenne générale en mathématique était de 8,6/20 de moyenne et deux tiers des élèves ont obtenu en dessous de 10/20.

Lien vers les documents et analyses sur L'Héritage culturel nationalCette baisse générale du niveau ne concerne bien évidemment pas que les mathématiques, mais en fait tous les domaines : de la lecture aux connaissances générales en histoire-géographie, en passant par la culture scientifique, comme le montre l'étude mondiale PISA de 2012 dans laquelle on voit que le niveau des enfants français ne cesse de baisser d'étude en étude.

Si cette étude sur les mathématiques a fait autant de bruit, c'est que les mathématiques occupent une place symbolique pour la bourgeoisie française et sa culture.

En effet, la géométrie, le calcul, l'analyse, les équations sont un aspect important de la culture et la vision du monde française. Pensons ici à Nicolas Boileau, à René Descartes, à l'importance de la symétrie dans les arts français !

Les filières les plus prestigieuses et menant aux places les plus importantes dans l'infrastructure du capitalisme français utilisent les mathématiques comme moyen de distinction et de sélection. La bourgeoisie française s'est toujours enorgueillie de l'excellence mondiale de son école mathématique et du niveau en mathématiques de ses ingénieurs – la France est la deuxième nation en terme de scientifiques ayant reçu une médaille Fields, la plus prestigieuse récompense dans le milieu des mathématiques.

La baisse générale du niveau en mathématiques des écoliers français est un symptôme symbolique très fort de la décadence de la société bourgeoise française. La bourgeoisie française, emportée vers la barbarie par la crise et le pouvoir croissant des monopoles dans l'économie et dans notre société qu'elle engendre, n'arrive plus à maintenir les acquis culturels et démocratiques.

Cela n'est pas nouveau et s'étend bien au-delà de la question scolaire. La défiguration d'un monument national comme Versailles par des expositions décadentes, la vente pure et simple de monuments à des magnats pétroliers qataries ou des oligarques russes, l'état de délabrement de beaucoup de musées et monuments français, etc. en sont autant d'exemples.

Bien évidemment, le ministère de l’Éducation Nationale, et les post-modernes à sa tête, qui ont produit lui-même l'évaluation, tentent d'en retourner les résultats en leur faveur pour appuyer leurs projets de réforme, en pratiquant un déni total mais tout à fait typique de l'hypocrisie de la bourgeoisie française.

Ainsi, Catherine Moisan, directrice de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation qui est à l'origine de l'étude, la commente en disant que :

« Le collège sait bien faire réussir les bons élèves et les élèves favorisés. Mais les résultats baissent pour les autres. »

Or cela est tout à fait faux.

En effet, il est fait comme si seule l'école publique (le Collège en l’occurrence) n'existait, or ce n'est pas le cas. La France est un des pays avec le système scolaire privé le plus développé et le plus financé par l’État.

Il y a en moyenne 17 % d'élèves dans les écoles privées françaises (majoritairement catholiques) – en fait 13,5 % dans le primaire et 21,2 % dans les collèges et lycées. Or, 20 % des enseignants payés par l’État travaillent dans le secteur privé. On voit qu'il y a déjà un écart entre les moyens alloués et le nombre d'élèves pris en charge (majoritairement issus de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie).

Mais ce n'est pas tout. En France, quasiment toutes les familles bourgeoises ou petite-bourgeoises paient à leurs enfants, quel que soit le type d'établissement dans lequel ils sont scolarisés, des cours particuliers le soir ou le week-end, des cours de renforcement en petits groupes dans des structures du type Acadomia, Complétude, etc. durant les vacances, les envoient en colonies de « vacances » culturelles ou à l'étranger pour améliorer leurs maîtrises des langues étrangères, les font participer à des « activités » culturelles le mercredi dans les musées ou des associations spécialisées, etc.

La réalité, c'est que ce n'est pas « le collège qui sait encore faire réussir les bons élèves », mais tout ce système de cours privés et d'« activités » culturelles.

C'est tellement vrai que ce système d'accompagnement est désormais généralisé, que ce soit pour les concours de Sciences Po, de médecine, d'écoles d'ingénieurs ou de commerce passant par des prépas de deux années ou bien en post-bac….

Et si y compris le niveau des « bons élèves » baisse en mathématiques, c'est directement un effet de la crise économique. Les familles petite-bourgeoises rationnant de plus en plus les dépenses pour maintenir leur niveau de vie, acquis en grande partie grâce au crédit.

La réponse des post-modernes, en la figure de Najat Vallaud-Belkacem, pour faire face à cette baisse du niveau en mathématiques consiste à renforcer la « dimension ludique » et le « numérique et le jeu » pour « motiver davantage les élèves et encourager leur autonomie ».

Ceci pourrait paraître aller dans le bon sens. Cependant, cela ne saurait être le cas : seule une analyse matérialiste dialectique de la pensée comme reflet, de l'activité cérébrale comme miroir, permet de saisir la nature du « jeu » se produisant dans l'esprit.

Il faut ici porter toute son attention sur l'illustre Comenius, père de la pédagogie, maître des maîtres ; lui qui est une figure historique si importante, seul lesmaterialistes.com peut l'assumer car la dimension vivante de l'enseignement ne peut désormais être assumé que par le communisme.

Les post-modernes jouent, quant à eux, sur les apparences seulement. En regardant bien les détails de ce qui est proposé, en fait de « jeux » et de situations pratiques, ce qui est proposé c'est « prendre des exemples issus de situations concrètes » et… renforcer le calcul mental.

En fait de « concret » tout reste totalement abstrait et le par cœur absurde reste au centre de l'apprentissage. Et ceci provient directement de l'incapacité de la bourgeoisie à résoudre la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel.

Les mathématiques ne sont pas « nées » dans le cerveau des humains, elles sont un moyen d'appréhender d'une meilleure manière le reflet de la matière en mouvement. Les mathématiques n'ont jamais existé seules, elles émergent et se développent par le besoin de l'Humanité de comprendre la Nature et de produire. Elles sont un outil et la transformation des mathématiques en « décodeur » du monde relève typiquement de l'idéalisme : de Pythagore, de Platon, de René Descartes, d'Emmanuel Kant ; la bourgeoisie a fait des mathématiques un fétiche.

Aux yeux de la bourgeoisie, le monde serait mathématique, créée par un Dieu utilisant les chiffres. Le matérialisme dialectique renverse radicalement cette perspective.

Cela, les professeurs ne le voient pas. Ils ont été formés par la bourgeoisie, qui les a flattés pendant des décennies, à coups de prestige et de moyens financiers.

Cela, la bourgeoisie ne le peut plus ; elle compte désormais privatiser l'éducation nationale en utilisant une décentralisation massive, ce qu'on appelle « l'autonomisation ».

Les professeurs sont donc déboussolés. Ils paient le prix ici d'avoir prétendu être de gauche, afin de préserver un État social pour maintenir leurs acquis, tout en étant idéologiquement et surtout culturellement violemment de droite.

L'encouragement individuel va régulièrement de pair avec le mépris pour les élèves pris dans leur ensemble ; insulter la jeunesse est une composante essentielle de la culture des professeurs, qui se dédouanent ainsi de leurs propres responsabilités, se posant en contemplateurs.

L'Histoire impose ici une remise en cause qui va les arracher à leurs illusions.

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Depuis quelques semaines se tient une polémique importante autour de la question de l'éducation de grande ampleur, au point que le 19 mai, entre 30 et 50 % des enseignants étaient en grève contre le projet de réforme du Collège...