20 mar 2015

Suppression du latin au collège: une mutilation culturelle

Submitted by Anonyme (non vérifié)

C'est typiquement post-moderne. Afin de « démocratiser » l'enseignement, le latin est supprimé au collège, avec comme arrière-pensée le constat tout à fait juste que, ces 40 dernières années, le latin n'était qu'une option pour que les enfants de la bourgeoisie (et de son alliée la petite-bourgeoisie intellectuelle) aillent dans les classes « élites ».

Or, ce n'est nullement là démocratiser. C'est pratiquer le nihilisme, ni plus ni moins. Au lieu de dire que le latin ne doit pas être réservé à la bourgeoisie, que les masses doivent y avoir accès, on le supprime. Au lieu de réviser de fond en comble son enseignement terriblement laborieux et fondé sur le par-coeur, au lieu de mettre en avant la culture et la civilisation, la bourgeoisie décadente pratique la mutilation.

Bien entendu, la méthode est hypocrite : le latin passe dans les « Enseignements pratiques transdisciplinaires », tout comme le grec d'ailleurs. Officiellement, c'est même présenté par le ministère de l'Education nationale comme une meilleure mise en valeur. En pratique, c'est une dilution-liquidation.

Ici, le post-modernisme voit son nihilisme triompher sur le conservatisme. Il faut saisir l'arrière-plan d'ailleurs, propre à la France.

En France, la bourgeoisie a fait qu'on a assimilé de manière totalement erronée l'humanisme à la Renaissance italienne. Ce sont deux mouvements qui sont radicalement différents, cependant l'éducation bourgeoise a toujours fait que les deux se confondent totalement.

C'était là une manière pour les catholiques de gommer la dimension révolutionnaire de l'humanisme, son rapport au capitalisme et notamment les Pays-Bas et la peinture flamande, d'effacer le hussitisme, le protestantisme et l'averroïsme, etc.

Tout cela afin de mettre en place le dispositif idéologique du catholicisme moderne, avec une Église ouverte, sur une ligne « catho de gauche », capable d'être scientifique comme par exemple en proposant la théorie du Big Bang, etc.

La République bourgeoise a tout à fait accepté cela, dans l'esprit de « concorde », d'acceptation du système des écoles privées, où des professeurs sont payés par l’État pour servir des structures catholiques.

Il y avait là une contorsion intellectuelle ; on ne comprenait par exemple plus du tout d'où venait le mouvement des Lumières, mais peu importe, l'idéologie républicaine de compromis laïc était à ce prix là.

Par conséquent, le latin avait une fonction essentielle, représentant à la fois la république romaine que le catholicisme. Il faut ici se souvenir que le Vatican utilise le latin comme langue officielle et que jusqu'en 1962, les messes de l’Église catholique étaient en latin.

De manière anecdotique mais significative, Jean Jaurès fit en 1891 une thèse en français mais également une en latin afin de devenir professeur de lettres, comme c'était la règle (De primis socialismi germanici lineamentis apud Lutherum, Kant, Fichte et Hegel).

De la même manière, si en France, on étudie la philosophie en classe de terminale, c'est en tant que prolongement historique de l'enseignement du latin et des auteurs romains ; la philosophie étant d'ailleurs en France toujours un savant mélange de philosophie et de psychologie. C'est cette connaissance du monde latin qui justifiait qu'il y ait subitement, sans initiation préalable, la philosophie en classe de terminale.

Mais l’État moderne, décadent, n'a plus les moyens de sa politique passée. Son idéologie, devenue post-moderne, n'a plus besoin des anciennes fictions. D'ailleurs, les collèges et les lycées allant vers plus d'autonomie et de privatisations, la « concorde » avec le catholicisme est superflu.

On comprend ici pourquoi le catholicisme est en rage, pourquoi il se lance dans des mouvements de masse comme la « manif pour tous ». Il y a ici une critique anticapitaliste romantique du post-modernisme, avec comme modèle la France allant de la fin du XIXe siècle aux années 1960.

Le grand risque ici est que, bien sûr, Marine Le Pen capitalise sur cette tendance romantique, idéalisant les décennies passées.

Cela rappelle ici la grande menace : qu'au post-modernisme décadent des uns ne réponde que l'anticapitalisme romantique.

La défense du latin est ici une question de grande importance : nous, les communistes, nous sommes pour la défense de l'héritage. Nous rejetons le post-modernisme qui pratique le nihilisme, et nous n'acceptons pas les anticapitalistes romantiques qui idéalisent le passé.

Ce qui compte, c'est la culture vivante, portée par le peuple, dans le prolongement de siècles d'activités, dans le courant de l'Histoire. Le latin a transporté cette culture, car le français en vient ; connaître le latin en tant que langue morte, c'est connaître le français en tant que langue vivante, en tant qu'aboutissement de toute époque de civilisation.

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C'est typiquement post-moderne. Afin de « démocratiser » l'enseignement, le latin est supprimé au collège. Or, ce n'est nullement là démocratiser. C'est pratiquer le nihilisme, ni plus ni moins. Il faut saisir l'arrière-plan d'ailleurs, propre à la France...