Le mode de production capitaliste a un mouvement contradictoire : d'un côté, il tend à dissoudre les règles et les frontières pour disposer de davantage d'espace pour se développer, de l'autre il procède à une sorte de rétractation, de repli sur soi, afin de se préserver et d'empêcher l'avènement de la socialisation générale, le communisme.

Cette tendance contradictoire produit à la fois un fétichisme du passé, de la Nation, qui s'exprime dans le romantisme, le national-socialisme étant un exemple connu de cela, à la fois par le culte de la dissolution de toutes les normes et du cadre national.

Ce dernier aspect est, dans le matérialisme dialectique, appelé le cosmopolitisme. Emmanuel Macron, dans son meeting à Lyon samedi dernier, la veille des meetings dans la même ville de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, correspond à ce cosmopolitisme.

C'est le sens du soutien ouvert fait par Pierre Bergé, mais Emmanuel Macron l'assume lui-même, l'un de ses propos tenus lors du meeting à Lyon ayant produit une mini onde de choc :

« Il n'y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse, elle est multiple. »

Malheureusement, l'onde de choc n'existe qu'à l'extrême-droite, trop heureuse de pouvoir dénoncer le capital apatride, là où en réalité il s'agit de cosmopolitisme capitaliste.

La négation du cadre national est un moyen, pour le capitalisme, de nier les luttes de classe existant justement dans ce cadre national auquel le capitalisme a donné naissance. Le capitalisme se protège à la fois par la négation du cadre et par la fétichisation du cadre : pas d'Emmanuel Macron sans Marine Le Pen, et inversement.

Marine Le Pen veut réduire la culture française à ce qui est utile aux mobilisations nationalistes, Emmanuel Macron la nie.

On s'imagine le problème si ces deux figures politiques arrivent au second tour des élections présidentielles : Marine Le Pen est l'ennemi principal, mais soutenir Emmanuel Macron de l'autre côté serait soutenir un cosmopolitisme qui ne fait que renforcer Marine Le Pen. Il y a ici un dilemme, une analyse très fine à avoir, un véritable sens politique à trouver.

Il s'agit, de fait, de défendre la culture française, dans ce qu'elle a de démocratique ; c'est le sens de la production de nos dossiers matérialistes historiques.

Nous assumons l'héritage français, nous ne sommes pas des partisans du nihilisme national comme l'est l'ultra-gauche ; nous ne faisons ici que nous situer dans la tradition historique du mouvement ouvrier, des thèses léninistes et maoïstes sur la Nation.

Emmanuel Macron nie la culture française, car il veut nier le peuple qui produit la culture ; il veut des consommateurs individuels, existant diversement et dont la consommation serait une culture, tout se valant.

Cependant, tout ne se vaut pas et la culture va de pair avec l'exigence, avec un haut niveau. La culture n'est pas une accumulation encyclopédique, mais une série de références, d'éléments synthétiques apportant un plus haut développement de l'esprit, des connaissances, de la sensibilité.

Pour cette raison, il y a lieu de défendre de manière centrale les classiques français que sont Molière, Jean Racine, Honoré de Balzac, nos portraitistes qui sont tout à fait spécifiques à la culture française.

Ce sont par eux que la culture française apporte quelques chose à la culturelle universelle, qu'elle relève d'elle.

Bien sûr, il existe d'autres apports de la culture française qui sont de haut niveau, mais on ne peut pas les qualifier de spécifique. Ainsi, les fameuses Fables de Jean de La Fontaine, aussi agréables qu'elles soient, ne sont en fin de compte qu'une réécriture excellente de fables de l'Antiquité, notamment indienne.

De la même manière, les peintures des frères Le Nain, de Jules Breton, de Léon Lhermitte, n'atteignent d'une certaine manière pas le niveau des ambulants russes.

Tout cela, toutefois, la République socialiste mondiale le décidera, avec ses propres modalités, étant donné que sa culture sera issue de la fusion de toutes les cultures démocratiques nationales.

Lorsqu'Emmanuel Macron nie la culture française, il veut empêcher cette fusion, il veut réduire la culture à la consommation, nécessairement diverse, là où il s'agit en réalité d'une production unifiée.

Molière synthétise, avec Jean Racine, toute une époque, tout comme Honoré de Balzac ; cela est le produit d'une culture française qui se développe en tant que mouvement d'approfondissement de la civilisation, par la démocratie.

Ce rapport à la démocratie, au peuple, Emmanuel Macron le nie, l'ultra-gauche le nie, tous les post-modernes le nient. Benoît Hamon rejoint ici Emmanuel Macron, tout comme Jean-Luc Mélenchon ou Nathalie Artaud de Lutte Ouvrière, sans parler des anarchistes.

On comprend comment il a été aisé pour la bourgeoisie de gouverner dans notre pays, dans la mesure où elle seule s'est montrée au niveau, capable de gérer une culture, un État, la société.

Comment le peuple soutiendrait-il un mouvement aux apparences nihilistes ? C'est là aussi le sens du refus du peuple de soutenir la Commune ou le mouvement de mai 1968.

La révolution correspond, non pas à une idée, mais à l'expression même de la société française. En niant la culture française, c'est cela que veut nier Emmanuel Macron.

Et c'est pourquoi nous réfutons son cosmopolitisme.