20 Jan 2017

Troisième débat des «Primaires citoyennes» : la vaine quête du plébiscite

Submitted by Anonyme (non vérifié)

A voir le troisième débat des « primaires citoyennes », on se dit qu'après tout si Lionel Jospin avait une attitude passe-muraille et un air pince sans rire, il avait en fin de compte vraiment du style et que François Hollande, c'est un Lionel Jospin plus rondouillard et osant faire quelques petites blagues.

Un dirigeant socialiste, somme toute, c'est un énarque qui sait prendre un calva au bistro, en faisant de bonnes promesses.

Et donc, lors de ce troisième et dernier débat, les candidats ont cherché à apparaître comme conforme à ce mélange de « père la rigueur » mâtiné d'une attitude « mais on reste copain », entrecoupé de fayotage éhonté afin d'être plébiscité.

Naturellement, chacun a ses préférences. Manuel Valls et Vincent Peillon privilégient le côté « père la rigueur », Arnaud Montebourg et Jean-Luc Bennahmias le côté « je reste accessible », Benoît Hamon, François de Rugy et Sylvia Pinel le fayotage sociétal.

Chacun a tenté, d'ailleurs, de forcer légèrement le trait le caractérisant. Vincent Peillon, qui est professeur de philosophie, a par exemple tancé vertement Manuel Valls qui prenait, en se moquant, l'exemple de son vieux professeur le reprenant sur les mots.

Jean-Luc Bennahmias a réussi à caser un appel à la légalisation du cannabis « récréatif » en fin d'émission, alors que Benoît Hamon s'est mis à parler de la Palestine lors d'une question sur Bachar el-Assad.

Arnaud Montebourg, lui, a été plus fin, avec une longue tirade sur les discriminations des jeunes diplômés d'origine immigrée venant des quartiers populaires. En apparence effectivement, rien de plus louable, sauf que c'est une opération générale de communication.

Ainsi, alors que seul son grand-père est d'origine algérienne, on le voyait ainsi parader il y a un mois dans Paris Match qui le montrait à Alger, « ses terres ancestrales » (sic), dans un article intitulé « L'Algérie, le pays de ma mère »...

Cependant, à part ces rares tentatives visant à se distinguer, à se démarquer à coup de populisme, à part quelques petits coups bas où la mesure de l'un était reprise à son compte par la personne qui parlait après lui, rien n'a dépassé le cadre de ce triptyque « je suis sérieux » / « je suis accessible » / « j'accorde des droits nouveaux ».

C'est qu'il fallait faire propre et ne pas trop avoir l'air d'être celui ou celle qui cherche à tout prix à mettre les doigts dans le pot de confiture présidentielle.

Un peu de tenue ! A défaut d'avoir des idées, il faut savoir se présenter comme un gendre idéal, comme la garantie de la continuité bien gérée, tout comme Lionel Jospin et François Hollande l'ont fait.

Les candidats ont d'ailleurs été tellement impassibles qu'ils ont supporté sans broncher les tentatives de la présentatrice / journaliste Léa Salamé de chercher la phrase choc, de reprendre de manière agressive tel ou tel propos, de provoquer une joute verbale.

Or, un tel positionnement est un suicide, car le principe des élections présidentielles de la Ve République, c'est le sauveur qui vient chercher son plébiscite auprès de la nation en détresse.

Les candidats aux « primaires citoyennes » n'ont pas saisi ce que toute personne authentiquement de gauche sait pertinemment : que le régime est né d'un coup d’État, celui en 1958 au service de Charles De Gaulle.

Auparavant, cela se savait mais cela n'était pas dit : François Mitterrand, une fois élu, a fait passer à la trappe l'ouvrage où il dénonçait la cinquième république comme « coup d’État permanent ».

Rappelons ce que dénonçait François Mitterrand (avant de lui-même l'appliquer) :

« Il existe dans notre pays une solide permanence du bonapartisme, où se rencontrent la vocation de la grandeur nationale, tradition monarchique, et la passion de l’unité nationale, tradition jacobine. »

« Il y a en France des ministres. On murmure même qu'il y a encore un Premier Ministre.

Mais il n'y a plus de gouvernement.

Seul le président de la République ordonne et décide.

Certes les ministres sont appelés rituellement à lui fournir assistance et conseils.

Mais comme les chérubins de l'Ancien Testament, ils n'occupent qu'un rang modeste dans la hiérarchie des serviteurs élus et ne remplissent leur auguste office qu'après avoir attendu qu'on les sonne. »

David Desgouilles, un souverainiste relevant de la droite dure, remarque donc de manière tout à fait juste au sujet de ce troisième débat, sur son blog sur causeur.fr, le média de droite ultra :

« Finalement le moment où les candidats ont pris le plus de plaisir, c’est quand le cas Macron leur fut présenté.

Arnaud Montebourg et Vincent Peillon furent alors les plus doués pour mettre les rieurs de leur côté.

Nous nous étions marrés. C’était à leur tour, semblaient-ils nous dire.

Pourtant, Emmanuel Macron a sans doute ri davantage que les impétrants de la primaire de la belle alliance populaire pendant cette soirée.

Ce spectacle a dû le ravir, tout comme Jean-Luc Mélenchon.

Ces deux-là tracent leur route et remplissent les salles, et autrement plus grandes que ceux de la primaire. Ils sont dans la compétition, la vraie.

Il y a quelques semaines, sur le site de nos confrères du Figaro Vox, je m’interrogeais sur Emmanuel Macron et confiait modestement mon désarroi, me comparant à une poule devant un couteau.

Aujourd’hui, tout s’éclaire en fait et un gaulliste de longue date aurait dû le constater d’emblée : Macron a simplement compris en quoi consistait l’élection présidentielle dans la Ve République.

Même avec quelques erreurs tactiques, c’est un atout indispensable quand on y est candidat. Jean-Luc Mélenchon, en annonçant sa candidature de manière solitaire, s’affranchissant au départ du soutien ou non du PCF et des autres chapelles de la gauche radicale, a employé la même méthode : « qui m’aime me suive ! »

Ce n’est d’ailleurs pas le moindre paradoxe de le voir en candidat modèle de la Ve, pour souhaiter passer à la VIe aussitôt élu… »

Ce dernier point est bien vu : Jean-Luc Mélenchon prétend instaurer un nouveau régime, mais il utilise tous les codes populistes de l'ancien. Il est, de ce fait, forcément hypocrite : son approche plébiscitaire est anti-démocratique.

Emmanuel Macron n'a pas cette hypocrisie : il est carriériste et il l'assume en jouant le jeu à fond.

Le problème est alors que que les « primaires citoyennes » prétendent relever de la démocratie avec des élections, alors qu'en réalité il s'agit d'un plébiscite en modèle réduit, qui plombe forcément le grand plébiscite que sont les élections présidentielles.

La contradiction est résolument explosive et lourde d'enseignement pour l'avenir.

Car si le communisme enseigne qu'il faut une avant-garde capable d'ouvrir la voie aux masses sur une base socialiste scientifique, les progressistes en général ne comprennent pas cet aspect pourtant essentiel et pensent aisément qu'un choix rendu électoral est une bonne approche. 

Ces « primaires citoyennes » témoignent que ce n'est pas le cas, que c'est forcément le nivellement par le bas lorsqu'on nie la dimension avant-gardiste, que l'esprit électoral amène forcément au populisme.

Ce qui montre, encore une fois, que la gauche française souffre d'une carence essentielle qui provient du triomphe historique du jauressisme sur la social-démocratie historique.

Au lieu de travailler l'idéologie et la culture, ce sont les symboles enguirlandé de phrases sonores qui l'emportent.

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