26 Jan 2017

Débat de l'entre-deux tours des «Primaires citoyennes» : sur quoi s'opposent-ils ?

Submitted by cavia

Nicolas Chapuis, le chef du service politique du Monde, a affirmé au sujet du débat d'hier entre les deux vainqueurs du premier tour des « primaires citoyennes » qu' « une fois n'est pas coutume, ce débat est de bonne tenue et clair pour les potentiels électeurs sur le choix qui s'offre à eux ».

De bonne tenue, peut-être, mais clair, il faut tout l'aveuglement d'un membre dirigeant du quotidien historique de la « seconde gauche » pour y voir quelque chose de lisible.

Et pour cause ! Ce qui est frappant dans le débat qui a eu lieu hier entre les deux vainqueurs du premier tour des « primaires citoyennes », c'est que leur apparente opposition ne tourne qu'autour de deux axes.

Pas trois, pas quatre, pas une infinité, simplement deux, et ce n'est pas pour rien : rappelons en effet qu'ils sont tous deux historiquement des rocardiens, venant de la droite du Parti Socialiste.

S'ils se différencient, c'est parce qu'ils s'opposent sur la manière d'interpréter, d'accompagner deux faits historiques récents.

Il s'agit tout d'abord du référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. Benoît Hamon a voté « Non », tandis que Manuel Valls a voté « Oui » après avoir initialement soutenu le « Non ».

Cela amène Manuel Valls a vouloir prolonger ce qui a démarré en 2005, tandis que Benoît Hamon propose un réaménagement.

Si Benoit Hamon parle en effet d'une « fin du travail », c'est que selon lui le capitalisme passe un palier qu'il faut accompagner en accordant un revenu garanti.

Ce palier qui serait passé est lié à une « révolution numérique » qui viendrait supprimer une partie significative des emplois d'ici dix ans , ce qui le ramène directement à la position d'Emmanuel Macron et c'est pour cela que Benoît Hamon a expliqué hier qu'il était « plutôt proche d'Emmanuel Macron sur le numérique ».

Le second est la question de la laïcité, mise à mal ces dernières années par l'effervescence des superstitions religieuses. Mais le problème de fond est que la laïcité française est à géométrie variable, puisqu'elle reconnaît les écoles privées dont les professeurs sont payés par l’État.

Manuel Valls ne veut rien y changer, dans sa version réduisant la religion à une question privée, tandis que Benoît Hamon veut l'interpréter de manière post-moderne, en faisant en sorte que les religions soient ouvertement reconnues en tant que telles, tout en se voyant mettre à une place secondaire.

Le clientélisme est ici à souligner. En effet, Manuel Valls entend avoir le soutien de la communauté juive, qui est pour une religiosité à l'écart profitant d'un communautarisme isolationniste, tandis que Benoît Hamon joue clairement le jeu des courants liés aux Frères Musulmans et entendant affirmer l'Islam dans le panorama culturel général.

Tout cela n'est pas très « Charlie », c'est le moins que l'on puisse dire. Manuel Valls a une position radical-socialiste traditionnelle, typique de la IIIe République, tandis que Benoît Hamon est un représentant du post-modernisme.

Pour résumer : Manuel Valls considère que la situation est stable et qu'il faut la gérer de manière sociale en s'accrochant au centre, dans le prolongement direct de la ligne de François Hollande. Il ne veut toucher à rien et gérer les choses de manière « républicaine », avec une certaine orientation sociale aux contours plus que flous.

Benoît Hamon, lui, se pose en sauveur d'une époque charnière, ce qu'il a il y a peu résumé de la manière suivante :

« Je pense à cette définition de la crise d’Antonio Gramsci qui dit que la crise c’est quand le vieux est mort et que le neuf ne peut pas naître et nous sommes dans un moment comme celui-là, et il a rajouté que de ce clair-obscur peut naître un monstre. »

Que n'a-t-on cessé de lire cette citation à tort et à travers à l'extrême-gauche depuis un an ! Car elle justifie toute la spontanéité, tout le subjectivisme.

Cette affirmation est résolument anti-dialectique ; elle prétend qu'il existe un moment « neutre », sans mouvement, sans contradiction.

Antonio Gramsci n'avait pas compris la dialectique de la nature, le mouvement dialectique de la matière.

Et pareillement, Manuel Valls rêve d'un monde statique et Benoît Hamon d'un monde en transition. Alors que le monde porte une révolution, mais encore faut-il pour cela comprendre les exigences de notre époque.

Rubriques: