22 sep 2013

Egon Erwin Kisch et Bertolt Brecht - 6e partie : reportage et antifascisme

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Kisch est resté à Berlin de 1921 à 1933 . Vivant au départ de différentes activités journalistiques, en étant notamment correspondant du quotidien tchèque Lidové noviny. Il mena un travail approfondi, aboutissant en 1923 à la publication de Journalisme classique les chefs d'oeuvre du journal, avec 99 extraits de 77 auteurs.

Il généralisa par la suite ses reportages, fondés sur ses voyages surtout: plusieurs fois l'URSS (à partir de 1925), l'Algérie et la Tunisie (1927), les USA (1928-1929, notamment en se faisant embaucher comme simple matelot), la Chine (1932).

Membre du Parti Communiste d'Allemagne à partir de novembre 1925, il écrivit ses impressions de son voyage en URSS dans la revue La nouvelle Russie et dans le quotidien communiste Le drapeau rouge.

Il publia en 1927 son premier ouvrage de reportages sur l'URSS : Tzars, popes et bolchéviks, suivi en 1932 de Asie, fondamentalement changée, qui traite des républiques soviétiques d'Asie centrale.

Kisch publia également Paradis Amérique en 1930 et La Chine secrète en 1933, Histoire de sept ghettos (1934) ou encore Le Pitaval de Prague (1931), récit d'histoires criminelles de Prague (l'expression Pitaval désigne une série d'ouvrages racontant des crimes et tire son nom des Causes célèbres et intéressantes, avec les jugemens qui les ont décidées écrites au début du 18e siècle par le Français François Gayot de Pitaval).

En 1930, Der rasende Reporter - Le reporter en furie - atteint déjà sa 15e édition, Hetzjagd durch die Zeit (Poursuite endiablée à travers le temps) et Tzars, popes et bolchéviks leurs 10e éditions; en 1931 Paradis Amérique en est à sa 27e édition.

Kisch participe au second congrès mondial des écrivains révolutionnaires, en 1930, en tant que délégué de l'Union des écrivains révolutionnaires-prolétariens, et de novembre à février il donne des cours de journalisme à l'université Artjom de Kharkov.

Il est en fait, comme Brecht, une sorte d'électron libre discipliné. Il est ainsi à la fois proche de l'Association de protection des écrivains allemands, avec l'écrivain communiste Arnold Zweig, du Groupe 1925 qui rassemble des artistes communistes et progressistes, dont la mouvance comptait Johannes R. Becher, Ernst Bloch, Bertolt Brecht, Max Brod, Alfred Döblin, George Grosz, Robert Musil, Kurt Tucholsky, ou encore Otto Dix, Joseph Roth, etc., alors qu'à Berlin et Prague il joue un rôle fédérateur pour tous les intellectuels de gauche.

La provocation nazie de l'incendie du parlement, le reichstag, le 27 février 1933, annonça le début des persécutions nazies; arrêté, Kisch ne dut son salut qu'à sa nationalité tchécoslovaque. Nombre de ses camarades qui furent mis en prison en même temps que lui subirent la torture et l'assassinat.

Kisch fut ainsi l'un des premiers à raconter la répression nazie, dans son article Les casemattes de Spandau, publié dans le Arbeiter Illustrierten Zeitung (Journal ouvrier illustré) qui s'était établi à Prague pour fuir la répression.

Kisch va devenir alors une figure de l'antifascisme des années 1930. En 1933, il participe au congrès antifasciste à Paris, où il s'installe en 1934, cette ville devenant une plaque tournante du mouvement communiste se réorganisant après la défaite nazie.

Kisch partit également pour l'Australie, à l'initiative de Henri Barbusse, pour tenir des meetings antifascistes ; lorsqu'il fut confiné à bord à son arrivée, cela provoqua une vague de protestations ouvrières et antifascistes.

Lorsque le bateau repartit il sauta et se brisa une jambe, cependant sa condamnation aux travaux forcés ne tint pas devant la résistance populaire et il put rester dans le pays, le parcourant pour y tenir des meetings.

En 1935, Kisch participa en juin au premier congrès international des écrivains en défense de la culture, où il fut élu représentant des écrivains allemands avec Heinrich Mann et où il exposa sa conception du reportage comme forme artistique et comme forme de lutte.

Kisch participa également au second congrès qui se tint à Madrid et Barcelone et enfin Paris, les 16-17 juillet (pour permettre de venir aux écrivains dont le pays d'origine interdisait la venue en Espagne républicaine).

Évidemment, en tant que reporter il visita le front et interviewa des membres des Brigades Internationales à l'hôpital de Benicasim où un de ses frères travaillait comme médecin, et où lui-même tint pendant plusieurs mois la direction des affaires culturelles.

Après la défaite francaise, Kisch parvint à quitter le territoire à la fin de l'année 1939, parvenant à rejoindre la ville de Mexico qui finit par abriter toute une communauté allemande de personnes réfugiées, avec des soirées culturelles, des réunions, etc., organisées par le Heinrich-Heine-Klub dont Kisch était le vice-président.

En reporter invétéré, Kisch fit également une série de reportages sur le Mexique, rassemblés dans Découvertes au Mexique (1947), avec notamment une explication de l'importance culturelle des cactus, un témoignage de l'émergence d'un volcan, etc.

Kisch revint à Prague le 21 mars 1946, alors que ses deux frères ont été tués par les nazis (y compris donc son frère aîné Paul, germanophile et qu'il avait chassé de la rédaction d'un quotidien viennois en 1918 pour y publier un appel communiste).

Soutenant bien entendu le nouveau régime, Kisch se documenta pour son dernier reportage, Karl Marx à Karlsbad / Karlovy Vary, Marx étant passé dans une station thermale pour se faire soigner.

Kisch intervient également, comme invité d'honneur au 8e congrès du Parti Communiste de Tchécoslovaquie, qui se tient du 28 au 31mars.

Kisch ne put pas terminer son enquête, décédant le 31 mars 1948. Il aura droit à des funérailles d'Etat, son ami Antonin Zápotocky, qui était alors premier ministre, tenant à sa demande le discours d'adieu.

De fait, la fin de sa vie aura été très dure psychologiquement en raison de la destruction de la population juive d'Europe, et de la destruction de la Prague allemande, la population allemande de Tchécoslovaquie, soit plus de 3 millions de personnes, ayant été expulsée en 1945.

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