La cérémonie des 75 ans du rafle du Vel d'Hiv, à l'ombre de Sarah Halimi
Submitted by Anonyme (non vérifié)La cérémonie des 75 ans de la rafle du Vel d'Hiv était très attendue, pour trois raisons.
Tout d'abord, la rafle parisienne du Vélodrome d’Hiver est la plus grande arrestation massive de personnes juives en France - plus de 13 000 personnes, dont 4 000 enfants qui iront en déportation, à la mort.
On sait que l'État français collaborateur s'est précipité ici pour soutenir la politique nazie d'extermination et on en a ici un exemple patent, à la signification longtemps passée sous silence afin de masquer l'ampleur de la trahison, du désastre moral. Les milliers de policiers et de gendarmes eurent d'ailleurs l'assistance de centaines de militants du Parti Populaire français.
Célébrer cette rafle, c'est donc honorer les morts, enfin.
La seconde raison, c'est que le mouvement « Je suis Charlie » a été une vague d'opposition à l'antisémitisme qui a profondément marqué la communauté juive. Celle-ci portait donc regard anxieux pour savoir la position des pouvoirs publics, avec l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron.
La troisième raison, c'est l'ombre de Sarah Halimi, cette femme juive torturée et défenestrée en avril dernier, dans le quartier populaire et historique de Belleville, par un islamiste opportunément défini comme un « déséquilibré » par la justice.
L'affaire tient en haleine la communauté juive, qui y voit un déni bien précis, bien particulier et qui malheureusement témoigne également de la faiblesse du communisme.
Car, malheureusement, la situation n'est pas bonne, le poison antisémite est vivace.
La bourgeoisie française a dans ses grandes lignes fait son aggiornamento. Elle a grosso modo balancé par-dessus bord son antisémitisme. À l'heure de la « mondialisation », alors que des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil émergent d'une manière ou d'une autre, l'antisémitisme lui apparaît comme une simple lubie, n'ayant de sens que pour les secteurs les plus arriérés culturellement.
Bien entendu, elle reste maladroite, car elle est par nature stupide. Ainsi, à l'occasion du triste anniversaire du massacre de Nice, Juliette Méadel, ex-secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes, a pu parler de « Nice, premier attentat qui a visé des enfants », oubliant de manière significative le massacre de Toulouse.
Cependant, l'antisémitisme est vraiment une idéologie lui étant désormais étrangère.
Par contre, au niveau des masses populaires, c'est la catastrophe.
Des pays comme l'Arabie Saoudite, le Qatar, et bien sûr l'Algérie, ont déversé un antisémitisme virulent, sous la forme d'un anticapitalisme romantique religieux, parfois à prétention « anti-impérialiste ». À cela s'ajoute les courants proudhoniens, anarchisants, qui diffusent sans interruption un complotisme petit-bourgeois particulièrement poreux ou favorable à l'antisémitisme.
Les masses populaires sont donc très largement contaminées, comme l'a montré le très grand succès passé de Dieudonné. Elles ont un regard terriblement insuffisant sur l'Histoire et la culture, elles sont en partie piégées, en partie corrompues.
La tentation antisémite leur apparaît souvent comme facile, comme un « anticapitalisme » ne nécessitant aucun effort.
À ce niveau, il est nécessaire de dénoncer vigoureusement le populisme de Jean-Luc Mélenchon, le plébéianisme de l'ultra-gauche, qui sont des machines de guerre anti-théorie, anti-culture, anti-rationalisme, qui aident l'antisémitisme en cherchant toujours à simplifier, caricaturer, dénoncer, outrager.
Dans la mesure où cela décrédibilise tout projet à Gauche, Emmanuel Macron profite grandement de cela, comme toute la bourgeoisie en général. Le Président a ainsi parlé pendant une demi-heure, avec beaucoup d'émotions pour témoigner de son engagement face à l'antisémitisme. Il n'a pas hésité à critiquer la culture française ayant accepté l'antisémitisme, il a même dénoncé l'absence d'épuration après 1945.
Il a d'ailleurs appelé à la clarté sur la mort de Sarah Halimi, un geste très attendu.
S'il y a bien sûr une part de démagogie dans tout cela – le site de la Présidence française n'est même pas à jour depuis le 14 juillet et ne parle même pas de la cérémonie par conséquent –, cela reste tout de même politiquement tout à fait juste et cela renforce la « valeur » civilisationnel de l'idéologie dominante, de l’État bourgeois. Cela ne devrait pas être le cas et c'est un souci.
À cela s'ajoute la présence du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Dans l'ordre des choses, sa présence est superflue, car le sionisme n'a pas de rapport avec ce qui s'est passé en France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, il lui est aisé de récupérer le combat contre l'antisémitisme tellement les masses sont prisonnières de préjugés antisémites, tellement l'ultra-gauche n'hésite pas à franchir allégrement les lignes rouges de l'antisémitisme à l'occasion du soutien au peuple palestinien.
En fait, la question de l'antisémitisme est un terrible poison qui affaiblit durablement et profondément la Gauche de notre pays. Si nous avons consacré de très nombreux articles à ce sujet, il est aisé de voir que ce n'est nullement le cas à Gauche et à l'extrême-gauche, qui se complaît dans le silence absolu, ou bien se contente d'un article démagogique tous les cinq ans pour feindre de dénoncer l'antisémitisme.
Cela montre l'importance de la bataille des idées, la bataille de la culture, la bataille pour la raison. Seul d'ailleurs le matérialisme dialectique, comme force de la raison, vigueur de l'esprit, reconnaissance de la dignité du réel, peut réellement extirper l'antisémitisme de la société française, en écrasant ses idées et sa base matérielle : l'irrationalisme de la petite-bourgeoisie face à la crise générale du capitalisme qu'elle entrevoit comme un « complot » financier.