Bloquer Marine Le Pen à tout prix, même avec Emmanuel Macron
Submitted by Anonyme (non vérifié)« C'est sorti ? ça va mieux ? c'est bien ! » : pour que Marine Le Pen soit en mesure de prendre de si haut Emmanuel Macron, de se moquer ouvertement de lui, cela en dit long sur les faiblesses très graves de ce dernier lors du débat télévisé hier soir à l'occasion du second tour des élections présidentielles de 2017.
Comment pourrait-il en être autrement ? En fait de débat, cela a vite tourné au pugilat verbal, servant l'anti-rationalisme de Marine Le Pen, qui a su posé un important nombre de bonnes questions en fournissant bien entendu des réponses fascistes, dénonçant « l'ultralibéralisme et le libre-échange intégral ».
Emmanuel Macron, lui, n'est qu'un capitaliste libéral-social adepte de toutes les conceptions post-modernes. Il est dégoûtant de narcissisme et de prétention, de discours consistant en des mesures technocratiques et en appel au capitalisme total comme solution à tous les maux.
Comment pourrait-il faire face au fascisme ?
Marine Le Pen a donc inévitablement gagné des points dans certains secteurs des masses, en sachant également utiliser des formules chocs :
« La France sera dirigée par une femme. Si ce n'est pas moi, ce sera Merkel. »
« La France que vous défendez monsieur Macron, ce n'est pas la France. C'est une salle des marchés. »
Emmanuel Macron n'a pas fait le poids face à l'anticapitalisme romantique de Marine Le Pen.
Et pourtant, et justement pour cette raison, même, il faut impérativement qu'il y ait une mobilisation antifasciste pour faire en sorte que dimanche, Marine Le Pen perde aux élections présidentielles.
Emmanuel Macron n'est qu'une marionnette, il n'est pas le problème, ce n'est pas lui qui va bloquer le fascisme : il n'est qu'un jouet temporaire d'un cycle historique nouveau.
Et ce cycle porte l'alternative : ou l'écrasement des monopoles par la démocratie populaire, ou bien le fascisme.
Il faut donc que la proposition stratégique de Marine Le Pen tombe à l'eau, sans cela il n'y aura aucun espace pour les progressistes. La démagogie fasciste balaierait tout et il n'y a déjà pas grand-chose.
Cela passe par le vote pour Emmanuel Macron et on sait que les arguments s'opposant à cela sont nombreux.
Mais ils sont tous faux : dès que l'on en prend un, on s'aperçoit qu'il n'a pas de substance, qu'il ne tient qu'au ressentiment, à l'anticapitalisme romantique, à l'incompréhension de ce qu'est le fascisme.
Un des plus fréquents, et des plus symptomatiques de la décomposition de la culture politique en France, est d'ailleurs le « ni peste ni choléra » qui place Emmanuel Macron et Marine Le Pen sur le même plan.
Il n'y aurait donc pas à choisir entre les deux. C'est là le résultat de l'incompréhension de ce qu'était et de ce que reste le Front National ainsi que des dégâts causés par l'anticapitalisme romantique qui est incapable de comprendre ce qu'est la finance.
Il ne s'agit en aucun cas ici de défendre le candidat d'En Marche!. Et c'est un raisonnement qui se tiendrait si le second tour opposait par exemple Emmanuel Macron à François Fillon, les deux se plaçant dans le cadre de la démocratie bourgeoise avec quelques variantes.
Mais dans le cas présent la différence n'est pas d'ordre quantitatif où l'un serait « un peu moins pire » que l'autre. Non, face à Marine Le Pen, la différence est qualitative. Comparer les deux n'a alors aucun sens, le fascisme ce n'est pas une forme de capitalisme un peu plus « dur », c'est un saut qualitatif vers la barbarie.
On entend également souvent en argument pour défendre la position abstentionniste le refus de reproduire ce qu'il s'est passé en 2002 avec l'élection de Jacques Chirac à plus de 82% au second tour face à Jean Marie Le Pen.
Sauf que la situation est bien différente. Le Front National de l'époque ne souhaitait pas accéder au pouvoir, et il était bien plus faible, représentant principalement un vote de contestation et de ras-le-bol là où aujourd'hui il a non seulement conquis plusieurs millions d'électeurs supplémentaires, mais où en plus ce vote est bien souvent un vote d'adhésion aux principales thèses du parti avec une véritable volonté de tout renverser.
Non seulement, donc, les résultats ne se retrouveront pas dans les mêmes proportions, mais surtout c'est ici prendre un risque immense à vouloir minimiser le score d'Emmanuel Macron.
Qui plus est, il est bien illusoire d'imaginer qu'Emmanuel Macron va chambouler son programme selon s'il est élu à 52 ou 60%.
En revanche, un score conséquent du Front National lui offrirait une belle dynamique pour les élections législatives de juin, lui permettant ainsi de former des cadres et d'avoir accès à une encore plus importante exposition médiatique. Surtout s'il fait élire 15 députés, le minimum pour pouvoir se constituer en groupe à l'Assemblée Nationale.
Sans parler du risque de sa victoire !
À cela s'ajoute qu'il va, de par son poids électoral, réussir à toujours plus attirer des secteurs de la droite dans son giron, en raison de la nécessaire arithmétique électorale locale, puisque les élections législatives ne sont pas à la proportionnelle.
Un autre argument, assez surprenant, est qu'il serait peut être préférable que le Front National passe cette année plutôt que dans 5 ans où il risque d'être encore plus fort.
Cet argument relève de deux choses : imaginer que ces 5 ans vont se passer tranquillement, car le FN serait trop faible et qu'il ne sera pas réélu au terme de son quinquennat, c'est faire preuve d'un profond manque de connaissance de ce qu'est l'extrême droite et le fascisme. À savoir l'arrivée au pouvoir de la bourgeoisie la plus virulente, prête à tout pour se relancer et être concurrentielle, quitte à partir à la guerre, quitte à tuer la culture, quitte à étouffer toute contestation.
De plus, le scrutin à la proportionnelle qu'entend instaurer le Front National inclut « une prime majoritaire de 30 % des sièges pour la liste arrivée en tête et un seuil de 5 % des suffrages pour obtenir des élus », ce qui signifie une majorité quasi systématique tout en évitant de voir apparaître de nouvelles formations.
Et lorsque l'on voit dans quel état de délabrement se trouve les autres partis politiques, nous aurions bien tort de nous en remettre à eux pour faire barrage en se désistant face aux candidats Front National.
L'autre aspect dont relève cet argument c'est du pessimisme et de l'esprit de capitulation face au capitalisme en crise.
Car, certes, après 5 ans de « macronisme » si rien n'est fait le Front National sera très certainement encore plus fort. Mais l'état de délabrement évoqué plus haut, et notamment celui de la gauche et de l'extrême-gauche, pourrait laisser la place à la reconstitution d'un large mouvement des progressistes, sur des bases saines et solides.
Ainsi, il y a une grande part d'irrationnel dans ce « ni Macron ni Le Pen » : c'est parce qu'ils sont contre l'extrême droite que certains refuseraient d'aller voter Emmanuel Macron, qui ferait le lit du fascisme.
Soit. Mais lorsque le choix se résume à lui ou l'extrême-droite c'est bien évidemment cette dernière qu'il faut repousser en priorité… Afin de préserver l'avenir, le progrès possible, donc contre le fascisme et la guerre !