11 sep 2017

Le projet de la France Insoumise, succès posthume du lambertisme

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Si l'on regarde la France Insoumise, on ne peut qu'être frappé du triomphe politique que cela représente pour le courant trotskyste dit lambertiste, qui historiquement a toujours été le courant numériquement le plus important en France.

Cela peut surprendre, car l'impact idéologique et culturel dans les masses du « lambertisme » est inexistant, mais le lambertisme a disposé de vastes moyens et phagocyté certaines structures bien spécifiques, comme le syndicat étudiant UNEF-ID et surtout le syndicat Force Ouvrière.

Jean-Christophe Cambadélis, qui a démissionné il y a peu du poste de secrétaire du Parti Socialiste, vient lui-même de ce courant.

C'est un exemple du grand succès du lambertisme avec sa stratégie de l'entrisme ; d'ailleurs il y a un précédent, avec le lambertiste Lionel Jospin au Parti Socialiste, avec le succès que l'on sait, puisqu'il en aura été le premier secrétaire, avant de devenir Premier ministre. Pour l'anecdote, Lionel Jospin déclarait en 1979 au congrès socialiste de Metz que « l'objectif du PS n'est pas de moderniser ou de tempérer le capitalisme mais de le remplacer par le socialisme ».

Lien vers le dossier : Trotskysmes et néo-socialismes françaisHistoriquement, le lambertisme a été portée par une organisation changeant de nom assez régulièrement : Parti Communiste Internationaliste, Organisation Communiste Internationaliste, Parti des Travailleurs, Parti Ouvrier Indépendant.

Vivant entièrement à l'écart de l'extrême-gauche, demandant même sa nouvelle légalisation après son interdiction en mai 1968 au nom de son refus des barricades à ce moment-là, le lambertisme a développé historiquement comme position :

- la révolution par la République, au nom de ce que Pierre Lambert appelait « la contradiction insurmontable entre bonapartisme et démocratie parlementaire » ;

- un projet d'union de tous les syndicats et de toute la gauche comme base de gouvernement ;

- l'affirmation que « l'Assemblée Nationale est souveraine » afin de changer de régime ;

- la mise en avant de la laïcité avec une liaison même pas masquée avec la franc-maçonnerie – dont Jean-Luc Mélenchon fait partie de manière notoire et à laquelle la France Insoumise fait une référence quasiment explicite en mettant en avant le logo "PHI" car désignant le nombre d'or qui, dans la philosophie maçonnique, est le symbole de l'harmonie entre les hommes ;

- une critique virulente et centrale de l'Union Européenne ;

- un appui farouche à François Mitterrand, assurant même le service d'ordre à la Bastille le soir du 10 mai 1981, lors de son élection ;

- un style de travail combinant brutalité et autocratie des dirigeants, avec l'emploi de la violence physique de manière agressive, les invectives sur un mode ultra-populiste, etc.

Ces dernières années,, après le décès en 2008 de Pierre Lambert, le lambertisme s'est effondré même s'il maintient des structures au sein du Parti Ouvrier Indépendant et du Parti Ouvrier Indépendant Démocratique.

Mais surtout on voit bien que les thèmes du lambertisme sont exactement ceux de la France insoumise ; leurs dirigeants Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière en viennent justement (Alexis Corbière ayant même été le président de l'organisation de jeunesse jusqu'à sa dissolution) et Raquel Garrido ou Danielle Simonnet, qui viennent elles du courant de Jean-Christophe Cambadélis dans l'UNEF-ID, ne disent pas autre chose.

Voici la charte du Mouvement Pour un Parti des Travailleurs fondé par le lambertisme ; si l'on remplace lutte de classes par mouvement social, on a le programme de la France Insoumise :

1. Reconnaissance de la lutte de classes : la lutte de classes et le combat politique sur le terrain de classe constitue la ligne d’action permanente de même que l’axe central qui doit favoriser la reconstruction d’une unité ouvrière qui se base sur la démocratie la plus large ;

2. Laïcité de l’école et de l’État ;

3. Liquidation des institutions antidémocratiques de la Ve République et établissement d’une véritable démocratie dont le peuple définira la forme et le contenu ;

4. Indépendance réciproque des partis et des syndicats.

Jean-Luc Mélenchon est sur la ligne du lambertisme lorsqu'il dit que « la prochaine crise sera une crise de régime », que « la vague dégagiste va continuer ».

C'est typique du trotskysme en général et du lambertisme en particulier de confondre mode de production capitaliste et régime politique.

Si nous communistes (marxistes-léninistes-maoïstes) raisonnons en termes d'idéologie et de culture, cela n'a jamais été le cas des trotskystes. Alors que nous, nous voyons une France pétrie d'idéologies réactionnaires et de conservatisme, de mépris pour les animaux et d'individualisme forcené, Jean-Luc Mélenchon voit une vague « révolutionnaire ».

Pour bien souligner et prouver à quel point Jean-Luc Mélenchon relève de cette culture de l'ultra-gauche, citons d'ailleurs ici simplement son article du 4 septembre 2017, 
D’abrutis à médiacrates : du calme ! :

« Il est d’ailleurs troublant de savoir que nos adversaires sont souvent d’anciens militants politiques qui ont renié leur engagement initial. On devine en les entendant toute la dose de mauvaise conscience que cela implique.

Patrick Cohen militait au PCF de la Sorbonne, Aphatie, d’abord journaliste à Politis, était un ardent militant de l’indépendantisme basque, Guetta à la Ligue communiste révolutionnaire, combien d’autres au PS et ainsi de suite. La même chose à droite et chez les libéraux assumés.

Et puisqu’il est tant question de Venezuela et d’Amérique latine ces jours-ci, et comme Le Monde se risque à donner des conseils de déontologie professionnelle, comment ne pas rappeler qui est Paolo Paranagua, grand reporter et star de la rubrique internationale du journal Le Monde qui accable de ses mensonges le commentaire de tous ses papiers sur l’Amérique latine progressiste ?

Connu sous le nom de commandant « Samuel », il dirigeait dans les années 70 la « fraction rouge » de ERP (armée révolutionnaire du peuple) en Argentine. Il se vantait alors de nombreuses attaques de banques, séquestrations, tirs sur des policiers et ainsi de suite.

Arrêté mais opportunément préservé, l’homme, dont tous les compagnons sont morts sous la torture, sort pourtant de prison en pleine dictature après un « arrangement ». Le journal Le Monde prétend que ce fut à la suite d’un non-lieu. Naturellement c’est impossible. Et c’est faux. Le journal n’a rien vérifié d’ailleurs. Car, par principe ! »

Jean-Luc Mélenchon, adhérent au Parti Socialiste de 1976 à 2008, aborde ici un thème totalement inconnu des socialistes ; il témoigne ici d'une vraie culture d'ultra-gauche trotskyste.

En ce sens, on peut dire que le projet de la France Insoumise est le succès posthume du lambertisme. L'unification hors-sol du PS et du PCF, ainsi que du mouvement social, a été le projet du lambertisme : Jean-Luc Mélenchon le met en place.

Procédant ainsi à la liquidation de la gauche réformiste historique, pour proposer un projet national-républicain prétendant changer le monde en modifiant les institutions, sans aucune critique fondamentale des enjeux de notre temps :

- la contradiction villes/campagnes déshumanisant la Vie, anéantissant la Nature ;

- la contradiction travail manuel/travail intellectuel déformant les personnalités ;

- la question du massacre industriel de la vie animale (rappelons que Jean-Luc Mélenchon est un ardent promoteur de l'aquaculture) ;

- le renforcement économique de la bourgeoisie (Jean-Luc Mélenchon ne parle que d'oligarchie) ;

Lien vers le dossier : PCF(mlm)/Pour une démocratie populaire- l'effondrement de la culture, la prévalence de l'art contemporain et de toutes les variétés de subjectivisme ;

- la tendance à la guerre et du nationalisme (rappelons que Jean-Luc Mélenchon a une position de plus en plus chauvine et qu'il n'hésite pas à présenter son projet « indépendantiste » devant l'Armée elle-même à l'Hôtel des Invalides, qu'il a soutenu le chef des armées face à Emmanuel Macron lors de la récente polémique, etc.).

La France Insoumise, pour toutes ces raisons, provoque une réaction épidermique chez tous les gens sincèrement de gauche ; le rejet jusqu'à la nausée d'un tel projet est frappant.

Il appartient cependant aussi, au-delà d'un rejet intuitif, d'en comprendre les fondements réactionnaires, afin de réellement en revenir aux fondamentaux de la bataille pour un monde nouveau.

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