Interview de Jean-Marie Le Pen : cinq grands axes pour le fascisme
Submitted by Anonyme (non vérifié)Terriblement brillant, car dénué de toute perte de temps cosmopolite : tel est le sens du dramatique interview donné par Jean-Marie Le Pen à l'hebdomadaire Rivarol. C'est pas moins que le testament politique de Jean-Marie Le Pen, dont la moindre phrase, le moindre mot est soupesé, posé avec une précision extrême.
L'interview de Jean-Marie Le Pen précise bien :
« L’interview a été relue et validée avant publication par le président d’honneur du Front national. »
On devine naturellement que ce testament n'a pas pour autres vocations que de servir de ligne stratégique au Front National, au-delà des positions tactiques de Marine Le Pen. D'ailleurs, si Jean-Marie Le Pen est mis de côté aux élections, il est remplacé par sa petite-fille Marion Maréchal-Le Pen, qui est sur la même position.
Cet interview permet à Jean-Marie Le Pen de sortir par en haut, tout en publiant enfin un document historique, permettant de former les cadres. Car comme il le dit lui-même dans l'interview, le Front National a recruté beaucoup de monde, rapidement, et cela « se fait forcément un peu au détriment de la formation doctrinale ».
Ce que dit Jean-Marie Le Pen a donc une portée doctrinale, inversement. Le choix de Rivarol est par ailleurs celui du fascisme sur un mode anti-communiste et pro-catholique, dans l'esprit catholique réactionnaire de la haute bourgeoisie des années 1930, avec un antisémitisme plus ou moins ouvert, plus ou moins larvé, un pro-monarchisme plus ou moins grand.
Bref, ce n'est que le cadre qui est posé, et c'est déjà immense. Jean-Marie Le Pen est bien quelqu'un de très cultivé et un fin politique ; il sait très bien ce qu'il fait. Tout cela n'a rien à voir avec un prétendu esprit provocateur, l'âge avancé ou quoi que ce soit du genre.
On ne peut bien sûr également voir cela si on raisonne en termes cosmopolites et si l'on ne connaît pas la société française, l'instar de ceux qui, à l'ultra-gauche, disent « Valls = Le Pen ». Ici il faut connaître la France, sa culture, son histoire, sa société.
Jean-Marie Le Pen sait justement ici que dans notre pays, le panache répond au formalisme, et ses propos qu'il « ose » lancer sont le pendant du caractère « lisse » de Marine Le Pen. Dès le début de l'interview, Jean-Marie Le Pen donne donc le ton à coups de paroles pleines de « panache » :
« Je ne suis pas homme à changer d’avis ni à ramper. »
« J’ai cessé de marcher à quatre pattes depuis l’âge de 18 mois. Je ne suis pas l’homo a plat ventrus. »
« Le champion du monde, quand il descend du ring, avec sa ceinture de champion à la main, a le visage bosselé. Parce qu’il vient de combattre contre le meilleur du monde après lui, son challenger. Il ne sort pas intact. »
C'est là on ne peut plus français, mais nullement dans ce qu'il y a de meilleur dans notre pays. La célébration de la méthode, mal comprise, aboutit à ce mouvement de balance entre formalisme et panache.
C'est propre à l'irrationalisme de la bourgeoisie ; le principe de démocratie populaire est justement inversement la mise en avant de la raison, de la méthode comme choix rationnels en faveur de la collectivité et de la nature.
Jean-Marie Le Pen, lui, n'a pas ces valeurs ; selon lui la libre entreprise est le moyen économique et politique idéal pour équilibre de la nation, dans l'esprit de Pierre-Joseph Proudhon, du « socialisme français » qu'il n'assume pas car il se dit de « droite », mais le principe est le même.
On a une nation qui est un « tout » et une société composée d'individus formant un « organisme », ce que les nazis appelaient justement « socialisme ». Le national-socialisme est l'idéologie de la défense de l'organisme attaqué ; telle est l'idéologie fasciste.
Jean-Marie Le Pen est dans cette tradition, comme on le voit lorsqu'il donne sa définition du Front National :
« Nous représentons une force qui s’est constituée contre tout et contre tous au cours des années et qui correspond à une traduction de l’instinct vital des Français. »
C'est très important, car cela signifie que pour Jean-Marie Le Pen, le Front National est présenté comme un mouvement « élémentaire ». C'est très exactement ainsi que les partis fascistes se conçoivent : ils représentent la dimension « saine » dans le peuple.
Comme avec les S.A. des nazis, c'est un soulèvement de la base, un haut-le-cœur du « fond » sain du peuple, avec en arrière-plan une bataille des peuples pour leur prétendue survie. Jean-Marie Le Pen dit même franchement que :
« Chacun doit sur son terrain se battre avec un objectif qui est élémentaire : vivre, et si l’on est menacé, survivre. Or nous sommes menacés. Et il n’y a rien de plus grave pour un organisme, un homme, un Etat que d’être menacé sans s’en rendre compte. »
« Les Français qui ne veulent pas mourir se battent à nos côtés. La vie est un combat, à moins d’accepter d’être un voyeur de l’histoire qui regarde passer les événements sur des voies tracées par d’autres comme les vaches regardent passer les trains. »
Tout cela est authentiquement fasciste. C'est, cependant, un discours encore assez généraliste : comment Jean-Marie Le Pen l'applique-t-il aux conditions concrètes de la France ?
Sa position est très intelligente ; il répond aux questions que l'extrême-droite se posait depuis 5 ans maintenant. Il ouvre une nouvelle époque. Voici les cinq points qu'il propose, et qu'on ne peut comprendre qu'à la lumière du matérialisme dialectique, au moyen des documents du Parti Communiste (mlm) :
1. L'idéologie doit être celle du terroir et de la « défense nationale ». Les progrès du capitalisme doivent permettre inversement de s'appuyer sur les victimes immédiates de ce processus, au moyen du romantisme célébrant le patrimoine et le fait que tout était « mieux » avant.
Jean-Marie Le Pen formule cela ainsi :
« La France, contrairement à ce que pense M. Valls, ce n’est pas seulement un espace administratif qui distribue des cartes d’identité et des passeports. La France a existé au cours des siècles. Cela a coûté cher à ceux qui nous ont précédés. Ils en ont bavé, que ce soit dans les champs pour gratter la terre ou en maniant la baïonnette pour défendre le pays. »
2. De manière fort logique, Jean-Marie Le Pen souligne l'importance de dénoncer les libéraux-libertaires et les post-modernes. Comme le Parti Communiste (mlm), il les considère comme des nihilistes, mais lui le fait en termes démagogiques en défense du passé et non du futur. L'immigration et ses problème sociaux sont ici ce qui est dénoncé afin d'éviter que la bourgeoisie ne soit une cible.
Voici comment Jean-Marie Le Pen explique cela de manière très maligne :
« Le torrent démographique mondial conjugué à la volonté délibérée de nos élites de ne pas assurer la reproduction de nos familles au nom d’un individualisme et d’un hédonisme qui seraient les parangons de la vertu moderne vont-ils conduire au suicide de notre nation, de notre continent, de notre civilisation ?
3. L’État doit être régénéré avec en revenant à l'esprit de la Belle époque, car si le développement des « 30 glorieuses » (1945-1975) avait masqué les problèmes, ceux-ci ressurgissent. La guerre de 1914-1918 a ruiné l’État en brisant humainement les cadres de l’État et de la bourgeoisie, celle de 1939-1945 a aggravé les dissensions et les manquements, provoquant un chaos sans pareil.
Jean-Marie Le Pen explique cela de cette manière :
« C’est si vrai que la première affiche du FN il y a 43 ans disait : « Avec nous, avant qu’il ne soit trop tard ». C’est donc que nous avions déjà le sentiment de l’urgence des réformes à faire et des remèdes à apporter à une décadence qui s’esquissait à la fin des Trente Glorieuses.
Décadence qui touchait au profond de la société française, à sa morale, à sa psychologie, à sa conception du monde, déjà en-traînée dans un torrent mondial, ne s’étant pas physiquement relevée des deux conflits mondiaux, le premier où elle avait perdu beaucoup de jeunes hommes, beaucoup de sang français et le second qui avait été très ambigu, très complexe, très contradictoire, très démoralisateur. »
4. La question du nouveau régime ne doit pas être posé, selon Jean-Marie Le Pen : les faits parleront d'eux-mêmes. C'est là le problème épineux de l'extrême-droite, qui traditionnellement rejette la « République » telle une entité fictive. L'Action française, monarchiste, représente le principal courant historique fasciste français, par ailleurs, le pic idéologique étant atteint avec le « Cercle Proudhon ».
Jean-Marie Le Pen dit que les masses ont accepté le régime et que donc il faut être ici prudent, ne pas choisir ouvertement un drapeau, afin de ne pas braquer les gens. Il ne le dit pas mais on comprend en filigrane que de toutes façons tout se décidera par le moment où l'armée soutiendra l'extrême-droite par un coup de force.
« Comprenez-vous que l’on puisse être anti-démocrate ?
J.-M. L. P. : Je comprends tout à fait qu’on mette en cause la démocratie, qu’on la combatte, ce n’est pas le problème. Mais souvent ce que ne comprennent pas les anti-démocrates et les monarchistes, c’est que l’on est de fait dans un système démocratique avec des règles qui s’appliquent.
Nous nous battons sur un terrain donné, que nous ne choisissons pas, c’est ainsi. Quand les marins combattent à terre, ils deviennent des fusiliers marins et ce sont des soldats. Quand les soldats embarquent sur un bateau, ils deviennent des fantassins de marine.
C’est le terrain qui définit la mission et le comportement. Si l’on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à la politique. »
5. Il faut un vocabulaire mystique : telle est la position de Jean-Marie Le Pen, qui a compris que dans la France marquée par le catholicisme, l'idée de « chevalerie » est très présente. L'école d'Uriage l'avait déjà compris, dans les années 1940.
Travailler sur cette question est d'une importance capitale pour les antifascistes. Dans l'interview, voici la formule finale sur laquelle conclut Jean-Marie Le Pen, tout à fait représentative du « style » :
« En ces fêtes pascales où la vie triomphe sur la mort, l’espérance sur le désespoir, nous devons plus que jamais croire aux Pâques françaises tant il est vrai que c’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière. »
Tels sont les cinq grands axes que Jean-Marie Le Pen propose, et qu'il faut bien entendu étudier. Cela sera au coeur du Front National, quoi qu'en dise Marine Le Pen en apparence.
On peut d'ailleurs voir que Jean-Marie Le Pen « théorise » la ligne d'alliance avec la Russie, qui est à la base même de la ligne de Marine Le Pen.
Il y a ainsi dans l'interview le principe d'« Europe boréale », terme masquant l'alliance franco-russe. Il souligne ainsi la convergence des intérêts français et russes :
« C’est pourquoi nous devons impérativement nous entendre avec la Russie pour sauver l’Europe boréale et le monde blanc. L’Europe boréale intègre les Slaves mais aussi la Sibérie dont je crains que les Russes ne puissent la garder eux seuls. »
Jean-Marie Le Pen parlait juste avant de la démographie chinoise et conséquemment du risque d'une invasion de la Sibérie par l’État chinois, Sibérie se réchauffant avec le changement climatique et formant un territoire ainsi disputé.
L'ennemi, de ce qu'on comprend ensuite, ce sont les États-Unis d'Amérique, la City (la bourse de Grande-Bretagne), l'esprit Saint-Germain- des-Prés (du quartier latin parisien). Par contre, les pays arabes sont présentés comme des alliés naturels, victimes du jeu des Etats-Unis d'Amérique.
De manière très opportuniste, Jean-Marie Le Pen dit d'ailleurs que faire échec au djihadisme c'est régler les problèmes de l'immigration… C'est une thèse nouvelle et absurde, mais on comprend ici que derrière cela Jean-Marie Le Pen a en tête la « remigration », si ce n'est en pratique, au moins comme possibilité pour mobiliser les masses de manière réactionnaire et désorganiser la classe ouvrière.
Car ce qui est très important, fondamental, c'est l'anti-communisme : Jean-Marie Le Pen présente le Front National comme la force qui nettoie la France de la gauche, qui serait liée à la putréfaction générale de la société. Il dit de ce fait :
« Je suis candidat tête de liste pour mettre à la porte les socialo-communistes. »
« Et je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal [Pétain]. Ils ont selon moi leur place au Front national comme l’ont les défenseurs de l’Algérie française, mais aussi les gaullistes, les anciens communistes et tous les patriotes qui ont la France au cœur. »
Cela souligne l'importance de la question du Front populaire. Le Parti Communiste (mlm) a raison de considérer que les enseignements de l'Internationale Communiste sur le front antifasciste ne sont nullement caducs.
Il faut catégoriquement rejeter l'ultra-gauche qui nie le front antifasciste, comme elle a nié le Front populaire en France et en Espagne en 1936. Elle veut un front de la « révolution » alors qu'il faut mener une lutte défensive rassemblant le plus largement possible.
L'ultra-gauche, au nom de l'anticapitalisme, rejette les socialistes, les républicains, les progressistes non révolutionnaires, au nom d'un antifascisme « radical » totalement fictif, cosmopolite, sans base historique.
Ce qu'il faut en réalité, ce sont des cadres éprouvés au sein du Parti Communiste (mlm), contribuant à générer des initiatives réellement démocratiques à la base, et aidant à côté à ce que se généralise l'esprit d'unité antifasciste la plus large.
Connaître les cinq axes de Jean-Marie Le Pen est, dans ce cadre qui est celui de notre pays à notre époque, d'une importance politique transcendante.