«Tel Aviv sur Seine» : post-modernisme contre post-modernisme
Submitted by Anonyme (non vérifié)La polémique au sujet de la journée « Tel Aviv sur Seine » sur les berges parisiennes est une démonstration du vide absolu dans lequel a basculé la société française. On est dans l'idéalisme le plus complet, dans l'apparence pure et simple, dans le divertissement et le spectacle dans leurs versions post-modernes.
Jamais la situation de la Palestine n'aura été aussi mauvaise : la colonisation menée par l’État d'Israël continue de manière ininterrompue, alors que l'opinion publique israélienne a basculé sur ce plan dans le conservatisme et le nationalisme le plus grossier. A cela s'ajoute l'influence délétère de l’État islamique, qui nie tout sens à la cause palestinienne et à la cause arabe démocratique en général.
Et dans ce contexte, on a donc en France un mouvement « pro-palestinien » dont les effets en Palestine relèvent du néant. Il est vrai qu'au-delà du discours en apparence progressiste au sujet de la colonisation, ce n'est que du cinéma pour un anticapitalisme romantique le plus vil, pétri d'antisémitisme, avec souvent en arrière-pensée la diffusion de l'Islam sunnite.
L'affaire de « Tel Aviv sur seine » a ainsi été purement fabriquée médiatiquement, au moyen de comptes twitter ; le site Rue89 présente en détail les quelques comptes qui ont fait « buzzer » l'affaire, notamment au moyen de la traditionnelle propagande antisémite des « Juifs tueurs d'enfants ».
On est là dans la posture irrationnelle, dans l'anticapitalisme romantique, dans la récupération émotionnelle sans aucune analyse de fond, avec un style post-moderne complet ; on peut voir la même chose dans l'attitude ultra-gauchiste de soutien aux réfugiés, qui est totalement déconnectée de la réalité culturelle et politique des pays d'origine des réfugiés et de la question de l'accueil dans un pays capitaliste comme la France.
Il n'est guère étonnant sur ce plan que « Tel Aviv sur Seine » soit visée, car l'idéologie même de Tel Aviv est post-moderne. On a une ville ultra-libérale, fer de lance de l'hédonisme commercial le plus complet, rejetant tout
sens à l'histoire et à la culture ; c'est le pendant post-moderne de la ville conservatrice et religieuse de Jérusalem.
« Tel Aviv sur Seine » n'est qu'une récupération post-moderne de ce qui est déjà post-moderne. C'est tellement vrai que ce n'est qu'une copie. La ville de Paris ne fait en fait que réaménager ses berges en copiant d'autres villes, principalement la capitale autrichienne, Vienne.
On y a ainsi… une Tel Aviv Beach depuis 2009, exactement sur le même principe : un café branché avec de la techno, sur une plage de sable avec des falafels. Bizarrement, aucun journaliste ne l'a remarqué, ce qui est une preuve de plus du caractère absolument nul du « journalisme » actuel, simple retranscription des opinions rédactionnelles contrôlées par des grands groupes économiques.
Lors de l'ouverture de ce café ultra-branché pour bobos et hipsters typique de l'Europe centrale, il y a eu pareillement qu'à Paris la volonté de faire une protestation « scénarisée », en l'occurrence avec une « Gaza beach », avec une scénette avec un checkpoint, des barbelés, etc.
Naturellement, ce contre-projet post-moderne anti-post-moderne n'aura pas duré : à ce petit jeu, c'est ce qui est plus pratique, plus commercial, qui marche, dans les classes dominantes. Le café est resté, attirant la bourgeoisie bohème dans un esprit typiquement hédoniste et vide culturellement.
En France, où règne le vide et l'apparence, « Tel Aviv sur Seine » et « Gaza beach » n'ont consisté qu'en d'un côté quelques milliers de personnes, des raquettes de plage, des gens mangeant des falafels dans un petit « food truck » en écoutant de la dance israélienne et de l'autre une centaine de personnes avec des drapeaux palestiniens tentant de faire monter la sauce en parlant de manière honteuse de « check point » pour qualifier le barrage vérifiant les sacs à l'entrée comme dans la plupart des lieux publics (comme si cela avait quoi que ce soit avoir avec la réalité des « check point » par lequel l'armée israélienne impose son contrôle aux masses palestiniennes) ou de la Ligue Défense Juive qui « donnerait des ordres à la police française ». Tout ça encadré par 500 policiers accompagnés d'une cinquantaine de journalistes.
Quant aux masses populaires, en Autriche comme en France, tout cela est radicalement éloigné de leur quotidien. Seule une ligne prolétarienne, démocratique leur parle, et dans une situation « compliquée » comme celle du « conflit israélo-palestinien », il n'en ressort tellement rien de bien qu'on peut à la rigueur « choisir » l'un ou l'autre, et surtout mettre tout le monde dos à dos.
Que cela soit erroné et que « Tel Aviv sur Seine » soit une opération commerciale de « normalisation » pour Israël, c'est bien entendu certain. Mais peut-on reprocher aux masses de ne pas se précipiter dans ce qui leur apparaît très clairement comme un piège ? Qui a envie de soutenir le Hamas ?
Le Parti de Gauche est d'ailleurs ici particulièrement hypocrite. Il a renoncé à manifester après avoir prétendu ne vouloir qu'alerter sur « l'indécence de Tel Aviv sur Seine », alors qu'en réalité le fait est que personne ne s'y est intéressé et que qui plus est sur le terrain, l'initiative est revenue aux islamistes et aux trotskystes.
On ne dira jamais à quel point « Charlie » a ici été un mouvement ô combien utile. L'antisémitisme a été rejeté par les masses comme étant répugnant ; les masses juives ont été frappées au point que le sionisme est apparu comme une idéologie de rupture, de sectarisme.
« Tel Aviv sur Seine » aurait pu être un piège : personne n'est tombé dedans, à part ceux qui ont choisi le vouloir, par sectarisme, par volonté de diviser les masses en France.