12 mai 2013

Le romantisme en France (10ème partie) : "Le beau est toujours bizarre"

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Le romantisme étant un échec, il cède la place au symbolisme. Là aussi, le symbolisme a une forme différente selon les pays : il peut aller d'une forme bourgeoise nationale comme en Autriche avec l'art nouveau de la « Sécession », à une forme ouvertement repliée sur elle-même, élitiste, aristocratique, comme en France avec le symbolisme devenant par la suite surréalisme.

Lorsqu'en France, le romantisme échoue à se réaliser, n'apparaissant finalement que comme courant ayant existé parallèlement à la restauration aristocratique, il mène une fuite en avant dans un républicanisme social-chrétien, ainsi que l'art pour l'art.

Il abandonne la quête de la sensibilité – qui revient au communisme – pour errer, oscillant entre le christianisme et le culte du « mal » d'un côté, s'isolant de manière ultra-élitiste de l'autre.

Mais dans les deux cas, l'échec prime et les formes grotesques prennent le dessus. La littérature de Victor Hugo est peuplé de monstres ; les symbolistes multiplient les références au bizarre, à l'étrange, reflet de la situation du romantique, idéaliste décalé.

C'est Baudelaire qui théorise le principe :

« Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu'il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu'il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. »

C'est cela la clef du principe du « poète maudit » : du poète pro-aristocrate adulé par le régime, on est passé à des individus déclassés, nostalgiques d'un passé où le poète aurait été « vénéré » comme prophète. Le bizarre dans la poésie est l'expression de cette décadence.

Le poème « Le dormeur du val » de Rimbaud n'est donc pas une ode anti-militariste, mais une mise en abyme typiquement baroque, une expression boursouflée du bizarre. Le surréalisme poussera à l'extrême ce culte du bizarre.

Harpies, sphinx, monstres, vampires, la mort, Satan, les morts... le tout dans un esprit de décadence allant de plus en plus dans le malsain, le morbide : tel est le panorama d'un culte du bizarre romantique-symboliste, qui profite de Nietzsche, de Freud, de mille théoriciens décadents niant la nécessaire affirmation de la pensée communiste.

Parler au mort, célébrer Satan : si cela choque le bourgeois, cela ne le met pas en danger pour autant, et cela « modernise » la révolte romantique, cela l'intègre dans la société bourgeoise en perdition, en décadence, et surtout pour enterrer la quête de sens du romantisme initial – quête qui est assumé par le communisme, seul capable de relier l'être humain à la nature.

Il est intéressant de voir ici que deux auteurs clefs « échappent » justement à l'histoire culturelle bourgeoise, alors qu'ils ont assuré la transition entre romantisme-symbolisme et fascisme.

Joris-Karl Huysmans (1848-1907) et Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889) sont des post-romantiques, encore chrétiens, mais déjà fascinés au plus haut point par le bizarre, l'étrange, comme ce « prête marié », roman où d'Aurevilly est romantique, d'un lyrisme extrême, d'une sensibilité exacerbée, le tout finalement pour révéler son improductivité, le roman s'enlisant, un enlisement typique de la culture décadente.

Pour bien comprendre l'importance de culte du « bizarre », la nouvelle de Maupassant intitulé « Le Horla » (1887) est exemplaire ici.

La nouvelle, qui est un « journal » quotidien tenu par un bourgeois, commence par une profession de foi (à la Barrès hier, à « l'identitaire » aujourd'hui) :

« J'aime ce pays, et j'aime y vivre parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l'attachent à ce qu'on pense et à ce qu'on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, au intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l'air lui-même. »

On a donc un bourgeois, parasite rentier, cultivant le terroir et donc complètement déphasé par rapport à la réalité.

Il est alors fasciné par le mysticisme typique de la seconde moitié du 19ème siècle (hypnose, corps astral, monde des idées, entités psychiques, « aura » individuelle magnétique, etc.). Cela l'amène à des crises de paranoïa complètes où il s'imagine vraiment avoir à faire face à une entité psychique se matérialisant.

Très courte, l'oeuvre est facile à comprendre, sauf que l'interprétation diffère totalement selon la base de classe. Pour la bourgeoisie en effet, l'oeuvre est une expression littéraire relevant du fantastique, voire de la science-fiction.

Mais en réalité, il s'agit d'une oeuvre réaliste, ou plus exactement naturaliste : on y trouve décrite la folie de cette pensée bourgeoise du 19ème siècle, pensée irrationnelle empruntée au romantisme-symbolisme, folie préfigurant très exactement l'irrationalisme fasciste du début du 20ème siècle.

La bourgeoisie n'a jamais été capable de comprendre l'oeuvre, de par sa nature idéaliste. Mais le matérialisme dialectique permet une compréhension complète de la nature de l'oeuvre, portrait d'une folie bourgeoise, d'une décadence imprégnée de romantisme-symbolisme.

Le romantisme français s'avère donc un échec complet, une simple préparation du terrain à l'irrationnel fasciste. Et les véritables exigences du romantisme, la quête d'un rapport productif de l'être humain à la nature, ne pourront en France être portées que par le communisme, à la lumière du matérialisme dialectique.

Là est sans nul doute une clef majeure de la victoire de la révolution socialiste en France.