1 juin 1972

OLP : Conférence de presse (1972)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Conférence de presse 

Organisation de Libération de la Palestine

[Cette conférence fait suite à l'attaque de l'aéroport par une faction du FPLP, avec l'intervention de membres de l'Armée Rouge Japonaise.]

Certains parmi vous se demandent peut­-être pourquoi cette conférence de presse... et pourquoi Paris ?

En vérité nous n'avions pas l'intention d'entrer dans une polémique avec les services de propagande israéliens, mais l'escalade continue, et la campagne israélienne de déformation et d'intoxication a prouvé à l'évidence qu'il y avait, derrière tout cela, des objectifs inhabituels que cette propagande voulait atteindre, pour lesquels elle cherchait à préparer le terrain, qu'elle essayait de justifier d'avance.

Ces objectifs étaient visibles à travers les points sur lesquels l'accent était mis. Nous avons jugé indispensable de prendre position et de présenter le problème sous son vrai jour, de ne pas laisser l'opinion publique être victime de la campagne d'intoxication israélienne.

Nous avons choisi Paris pour cette conférence de presse parce que la campagne de propagande israélienne a été en partie centrée sur Air France, sur la position de la France, sur les relations franco­palestiniennes et parce que, d'autre part, certains journaux français ont participé, d'une manière très peu objective, à la campagne israélienne.

Il est apparu clairement que certains confondent les causes et les effets, et traitent les événements présents sans tenir compte de leur soubassement, de leurs antécédents. Ceux qui oublient ou ignorent les réalités de la lutte en Palestine et ses causes ne peuvent en aucune façon participer de manière correcte à la discussion sur le problème de la paix au Proche­-Orient. 

Les situations conjoncturelles ne doivent pas remplacer les réalités profondes, au détriment des causes justes. Sinon, le problème de la paix restera dans l'impasse. La véritable lutte en Palestine a commencé avec le début de l'invasion du sionisme étranger qui s'est approprié la terre, a organisé des massacres, chassé les habitants, exproprié les biens et a établi à leur place une société raciste basée sur la philosophie de la force.

La lutte s'est élargie du fait de la volonté proclamée du sionisme d'étendre son domaine à la région arabe. Elle s'est aggravée du fait de l'absence d'une action internationale qui s'oppose à la spoliation, qui redresse les erreurs, défend la justice et protège les droits des peuples dans le cadre des règles humaines universelles.

Cette situation s'est poursuivie jusqu'au moment où l'homme palestinien, opprimé, exilé, victime de toutes les injustices, s'est dressé à la recherche de son avenir et a engagé la lutte afin de libérer sa terre et y construire une société humaine, démocratique, à même de garantir la justice et l'égalité à tous les citoyens.

Si la société internationale, et notamment ceux exerçant une influence ou une responsabilité, envisagent de s'intéresser à ce conflit} ils n'ont pas le droit de limiter le champ de leur action à rechercher des remèdes à des situations conjoncturelles. Ils doivent aller plus loin, chercher les causes profondes, sans quoi leur action demeurera incapable d'apporter une contribution quelconque à la cause de la justice et de la paix dans la région.

Le dernier incident de Lod n'est qu'une des conséquences de ce conflit palestino­israélien, un exemple parmi d'autres des batailles qui se livrent continuellement entre le peuple palestinien en lutte pour libérer sa terre et y installer sa société juste et démocratique, et les forces d'occupation du sionisme étranger avec sa philosophie particulière et ses pratiques qui nient les droits du peuple et jusqu'à son existence.

De telles batailles ne peuvent être jugées ni à partir de leur nature ni à partir de leurs conséquences, mais essentiellement à partir de leur légitimité. A l'occasion de cette opération de l'aéroport de Lod, il est indispensable de rappeler certaines réalités qui peuvent avoir échappé à certains.

1. Le peuple palestinien, chassé de sa terre et qui lutte pour sa libération, est actuellement en état de guerre avec la force d'occupation qui usurpe cette terre. Cette donnée fait de la Palestine tout entière un champ de bataille où les rapports, comme dans tout champ de bataille, se limitent aux deux adversaires : toute tierce partie se trouvant sur le champ de bataille doit assumer la responsabilité des conséquences de pta présence. 

L'aéroport de Lod est un morceau de la terre de Palestine et en tant que tel, il fait partie du champ de bataille, sans même se référer à son caractère militaire particulier. L'opération exécutée contre l'aéroport de Lod est une attaque comme n'importe quelle autr\e attaque qu'exécuterait un groupe de combat contre un kibboutz ou contre un camp militaire des forces d'occupation dans le sud, le nord ou le centre de la Palestine, elle aurait pu se dérouler à Eylat, à Matallah ou à Jérusalem ; mais cette fois elle a eu lieu à Lod. 

La Révolution Palestinienne a maintes fois mis en garde contre le tourisme en terre palestinienne alors que notre peuple y mène une lutte continuelle contre les forces d'occupation. 

2. L'attaque contre l'aéroport de Lod n'a été que la poursuite du dialogue entamé au cours de la première opération du 9 mai 1972 entre Ali Taha (Abou Nidal) et Moshé Dayan, sur le même aéroport, en vue de libérer les prisonniers palestiniens. C'est la manière dont Dayan a mis fin au dialogue en prenant d'assaut l'avion la première fois qui a dicté le comportement de cette fois-­ci. 

Pour que Dayan et les autres comprennent que les dialogues en période de combat ne se terminent pas toujours comme ils le veulent. A l'avenir leurs calculs doivent être faits avec plus de responsabilité et moins d'arrogance.

3. La volonté indépendante de la Révolution Palestinienne qui a dépassé depuis son déclenchement toute forme de tutelle et de dépendance ne confère à personne d'autre qu'elle le droit de décider de la nature de ses actions de ses formes de lutte et du choix du moment, du lieu et des moyens. 

Elle n'admet pas que quiconque exerce son autorité sur elle ou assume sa responsabilité à sa place

4. L'opération contre l'aérodrome de Lod reflète l'ampleur du développement du potentiel d'action palestinien qui n'est plus limité par la race, le pays ou la base d'action. Le caractère juste de la révolution palestinienne en fait un emblème qui unit tous les révolutionnaires qui luttent pour les causes de la justice et de la liberté. De là, la participation des camarades japonais.

C'est la nature cosmopolite de la société israélienne, ses multiples allégeances et ses alliances internationales, qui permettent aux citoyens des Etats­Unis et d'autres pays de combattre dans les rangs de l'armée israélienne contre la volonté de notre peuple, qui nous a amenés à élargir le champ du combat et le cercle de nos alliances. La participation de camarades d'autres pays à la juste lutte du peuple palestinien constituera la réponse à cette ingérence américaine et impérialiste.

5. Les menaces distribuées ­ à tous azimuths ­ et à l'adresse de plus d'un pays, appellent à la liquidation des Palestiniens, auteurs des opérations contre Israël. Ces menaces distribuées sans compter, et qui font de la compagnie Air France une accusée, du gouvernement de Rome un accusé, du gouvernement égyptien un accusé, du Japon un accusé et qui ne laissent qu'un innocent et un seul, Israël...

Ces accusations et ces menaces constituent un véritable appel à jeter les Palestiniens à la mer. Elles ne sauraient constituer une solution au problème, bien qu'elles tentent d'ameuter le monde entier contre les Palestiniens devenus, eux, le problème. Elles constituent une tentative de transformer le conflit « israélo-­palestinien » en un conflit « arabo­palestinien » et même en un conflit « internationalo-­palestinien » en poussant certains gouvernements et institutions à prendre des positions hostiles à la cause palestinienne. 

Ces derniers devraient toutefois, mûrement réfléchir avant de s'empêtrer dans de telles positions, alors que maintenant l'opération de Lod a démontré que la capacité d'action n'est plus déterminée par l'existence de Palestiniens mais par celle, sans solution de la question palestinienne et de ses causes.

Jeter les Palestiniens à la mer ne résoudra certainement pas le problème. Tromper l'opinion publique mondiale sur la réalité du conflit israélo­palestinien et de ses origines ne réglerait certainement pas le problème. 

Les menaces d'Israël, ses accusations et ses incitations à liquider les Palestiniens ne révèlent que la nature de la mentalité sioniste, au moment même où les Palestiniens, quant à eux, insistent sur la nécessité de poursuivre la lutte en vue de libérer la terre palestinienne et d'édifier un état démocratique garantissant à tous l'égalité et la justice, seule solution véritable aux problèmes de la sécurité et de la paix dans la région.

6. L'escalade des déclarations et des prises de position en faveur d'Israël de la part de milieux officiels parlent de « crime » et de « criminels », de «morale», de «valeurs humanistes». Pourquoi ces voix ne se sont­elles guère manifestées devant les crimes des Israéliens qui ont usurpé la terre palestinienne, chassé et arrêté les habitants légitimes, et confisqué leurs biens, comme en témoignent les massacres de Deïr Yassine, Jérusalem, Lod, Ramallah, Kfar­Kassem, Kalkylia, Kybia, Samou, Nahaline et Gaza.

C'est là un rappel de quelques crimes racistes connus qu'Israël tente, par tous les moyens dont il dispose, de camoufler et de faire oublier. Dès qu'il s'agit de valeurs morales et humaines, il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures. 

Autrement, l'une des parties se trouve en droit, face à une telle partialité, d'user de critères propres dictés par le sentiment de l'injustice et la persécution dont elle est victime et personne ne sera, alors, en droit de discuter sans partialité évidente, de la validité de ces critères.

Si la prise de position d'un Rogers est compréhensible, du fait qu'elle reflète la politique du gouvernement américain en faveur de l'occupation israélienne, par contre les déclarations hâtives du Papey de Waldheim et d'autres sont difficiles à comprendre, d'autant plus que leurs voix ne se sont pas particulièrement fait entendre à propos de la juste cause palestinienne.

Les responsabilités que portent de telles personnalités leur font un devoir d'appliquer des critères universels à leurs jugements, faute de quoi, elles perdent immanquablement tout crédit. 

7. Au moment où Israël pleure les victimes de Lod, ses dirigeants fêtent le 5e anniversaire de l'agression avec une arrogance ostensible, et une négation des valeurs morales et des décisions internationales et réaffirment leur volonté de ne pas évacuer les territoires arabes, et d'y rester au moins 15 ans encore.

En vertu de quels critères ceux qui invoquent les valeurs morales peuvent­ils justifier de telles attitudes et prises de position ? Sinon pourquoi n'élèvent­ils pas leurs voix pour s'y opposer ? Ceux qui crient aujourd'hui peuvent­ils nous dire ce que sont devenus les diverses résolutions relatives à Jérusalem, au retour des Palestiniens et à la cessation de leur éloignement et de la confiscation de leurs biens et au droit des Palestiniens à l'auto-détermination ? 

Peuvent­ils nous dire ce que sont devenues les résolutions des multiples commissions sur les droits de l'homme, sur les prisonniers et sur les personnes arrêtées ? 

Peuvent­-ils nous expliquer l'insistance israélienne sur l'immigration des juifs soviétiques en Palestine... alors qu'est refusé le retour des Palestiniens dans leurs foyers malgré toutes les résolutions ? Ne remarquent-­ils pas que l'immigration des juifs soviétiques et leur installation en Palestine constituent une mesure israélienne tendant à rendre impossible le retour des Palestiniens ? 

L'appui apporté par de nombreuses personnalités, dont le Pape, à la campagne visant à organiser l'immigration des juifs de l'URSS, ne constitue­t­il pas un encouragement à la création de conditions qui rendent inapplicables les résolutions internationales au sujet du retour des Palestiniens à leur patrie. Bien plus, un encouragement à la spoliation des biens de ceux qui y résident encore afin d'absorber les immigrants et par là même une participation véritable à l'agression contre le peuple palestinien et à la spoliation de sa terre natale. 

Israël qui occupe, actuellement, toute la Palestine et qui occupe également des territoires appartenant à d'autres pays arabes, refuse d'obéir aux décisions de l'ONU qui a condamné cette occupation et a ordonné l'évacuation. Bien plus, ses dirigeants déclarent que l'occupation doit se poursuivre pendant 15 ans encore. 

Nous n'avons pas entendu le Secrétaire général de l'ONU protester contre une telle situation. Les Etats arabes membres eux aussi de l'ONU, ne sont­ils pas en droit de demander des comptes à l'Organisation internationale qui continue à compter parmi ses membres un Etat sans frontières définies, un Etat qui affirme à la tribune même de l'Assemblée générale ne pas se considérer lié par les décisions prises ou qui pourraient être prises, un Etat qui affirme son occupation de territoires appartenant à d'autres

Etats membres de l'ONU pendant 15 ans encore ?

En conclusion, nous tenons à réaffirmer ce qui suit : 1. Le problème de la sécurité et de la paix au Proche­Orient demeure lié à la disparition des causes du conflit, au retour du peuple palestinien à sa terre avec la possibilité d'y exercer en toute liberté et en toute indépendance son droit à l'autodétermination. La paix ne se fera pas sans nous ni au détriment de notre peuple.

2. Ceux qui parient sur la faiblesse de la Révolution palestinienne se trompent dans leurs calculs. L'unité de l'instrument de lutte de la Révolution palestinienne et l'élargissement de ses alliances va accroître ses possibilités d'action et en assurer la poursuite jusqu'à la réalisation des objectifs que notre peuple s'est fixés : libération de sa terre, et construction d'une société juste et démocratique. Nous ne permettrons pas que les autres règlent leurs problèmes à nos dépens. Les causes de la paix et de la justice sont indivisibles et nous n'admettrons aucun marchandage à leur dépens.

3. La révolution palestinienne restera l'avant­garde qui représente la volonté de refus et de changement dans la région. Elle représente ainsi le point de cristallisation capable de

mobiliser et de rassembler autour de lui les forces de révolution à l'échelle de la Patrie arabe, au sein d'un front qui dirigera la lutte de libération nationale, et contribuera à la lutte pour les causes justes dans le monde.

4. Nos relations avec nos amis sont fonction de leur engagement à l'égard de notre juste cause ainsi que de leur engagement à notre égard en tant que représentants des forces les plus avancées dans la lutte contre l'impérialisme et ses agents et alliés.

5. Le déchaînement de la campagne israélienne d'hostilité contre le fait palestinien tend à dépla cer le conflit de son aire réelle sur la terre de Palestine, de le sortir de son cadre « israélo-­palestinien ». Nous considérons que toute caution apportée à ces visées devrait tenir compte du développement de la capacité de lutte palestinienne et son impact sur les relations internationales. Toute partie devrait porter ses responsabilités.

6. Si les Etats­Unis et leurs différents services et organisations décident de pousser à l'application de mesures contre certains Etats arabes, il faut qu'il soit clair que l'action palestinienne... et l'étendue du front arabe sur les façades nord de l'Afrique et ouest de l'Asie, sur les deux côtés de la Méditerranée, sera capable de mener des opérations plus décisives et plus douloureuses. Il est préférable que les calculs soient plus rigoureux et plus responsables.

7. Le fait que les Nations­Unies continuent à reconnaître la qualité de membre à Israël, l'etat qui s'est construit au détriment du peuple palestinien et sur sa terre, est un encouragement au principe de l'usurpation et de la piraterie internationale et constitue, de ce fait, une négation de tous les principes et de tous les idéaux qui ont été à l'origine de l'Organisation internationale.

8. Le fait que les Nations­Unies continuent à reconnaître la qualité de membre à Israël tout en demeurant incapables d'agir efficacement en vue de faire appliquer ses propres décisions et de protéger les principes et les idéaux qui ont été à l'origine de leur fondation, mettent les Etats arabes dans l'obligation de réexaminer le problème de leur présence au sein de l'organisation internationale.

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