L'antispécisme de la «Veggie Pride»
Submitted by Anonyme (non vérifié)Hier s'est déroulé à Paris la 16e Veggie Pride, une initiative qui visait initialement à défendre la fierté vegéta*ienne avant de se définir l'année dernière comme une inititiative antispéciste.
Une marche et des conférences visent à installer ce qui devrait être un mouvement contre le spécisme, c'est-à-dire une prétendue considération morale humaine de supériorité sur les animaux : l'espèce humaine aurait des préjugés à l'encontre des autres espèces, cherchant ainsi à les opprimer.
Le concept a été développé par l'intermédiaire des universités de l'impérialisme américain dans les années 1970, notamment par Richard Ryder, Peter Singer, Tom Regan, Gary Francione. On devine que le terme de spécisme a été fondé sur la base des mots racisme et sexisme.
Car ce terme nouveau d'antispécisme vient s'ajouter à une longue série de termes façonnés au sein de la superstructure universitaire, dans le cadre de l'idéologie post-moderne de la déconstruction.
Afin de s'opposer au socialisme scientifique, afin de nier la lutte des classes sociales, l'impérialisme développe des idéologies de pseudo-libération, qui se prétendent nouvelles, radicales, allant à la racine des problèmes, etc.
S'appuyant sur l'existence de véritables problèmes – le patriarcat traversant les modes de production, de l'esclavagisme jusqu'au capitalisme, le racisme se maintenant comme préjugés liés à la concurrence des capitalismes nationaux, les animaux niés dans leur réalité d'être vivants – l'impérialisme développe des idéologies hystériques, misanthropes, anti-populaires, plaçant l'individu au centre de leur vision du monde.
La couche sociale qui porte ces différentes idéologies, c'est bien entendu la petite-bourgeoisie. Coincée entre la bourgeoisie et le prolétariat, la petite-bourgeoisie a besoin de développer des utopies pour justifier que le capitalisme soit freiné, aménagé, modifié. Cela n'est qu'un prétexte pour justifier le maintien de son existence, qui n'est qu'une anomalie historique permise par le développement des forces productives depuis 1945.
Face à son déclin, la petite-bourgeoisie tente de lancer dans les masses des appels irrationels, afin de profiter d'elles pour sauvegarder son existence. L'antispécisme est un exemple d'un tel appel.
Niant la réalité tant politique qu'économique, raisonnant uniquement en termes d'individus, s'appuyant sur les autres idéologies du même type combattant des « oppressions », l'antispécisme se propose comme alternative complète, ayant la capacité de résoudre tous les problèmes.
Une telle prétention est évidemment significative de la petite-bourgeoisie, qui imagine toujours être capable de trouver un lien entre la bourgeoisie et le prolétariat, être capable d'unir au-delà des divisions, de renouveler le système sans avoir besoin de révolution, etc.
Une telle prétention passe, naturellement, par la réécriture de l'Histoire, l'aménagement des idées de telle manière à correspondre à la vision du monde de la petite-bourgeoisie. L'antispécisme est ainsi ouvertement présenté comme une démarche des années 2010 devant remplacer le véganisme des années 2000, qui lui-même serait le produit du végétarisme des années 1990.
Or, la question du végétarisme se pose dans le mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle. Le Front de Libération Animale – ALF – apparaît comme mouvement de masse populaire en Angleterre dans le courant des années 1970. Le véganisme comme proposition de valeur morale absolue émerge dans les années 1990 aux États-Unis, parallèlement à la généralisation des groupes clandestins commettant des actions illégales en faveur des animaux.
En Allemagne, le véganisme est une norme dans le mouvement autonome au sens le plus large depuis le tout début des années 1990. On est donc très loin d'une démarche nouvelle et on comprend tout à fait que quand on soit progressiste, on considère que le socialisme abolira la profession de boucher. La défense des animaux comme matière vivante, comme matière s'étant développée, est tout à fait compréhensible dans une perspective matérialiste dialectique.
Pourquoi alors l'antispécisme prétend-il que tout commence dans les années 2010 ?
Parce que représentant les intérêts de la petite-bourgeoisie et de l'impérialisme qui vise à diviser les masses le plus possible, il a besoin de créer une mystique.
Afin d'empêcher l'affirmation de la révolution, l'impérialisme profite des courants de la petite-bourgeoisie pour développer de fausses alternatives, pour ouvrir de nouveaux marchés de consommation, pour disperser l'énergie des masses dans ce qui leur semble être une juste cause, mais les ramène imperceptiblement dans le cadre du capitalisme.
L'antispécisme est une idéologie qui prétend ralentir les effets du capitalisme, atténuer ou même supprimer sa brutalité. L'antispécisme prétend modifier les mentalités et réformer l'Humanité présentée comme la source du mal. La réalité du mode de production capitaliste est niée, les luttes de classes supprimées, l'affirmation du communisme rejetée.
Les êtres humains seraient mauvais et il faudrait non pas donc la révolution socialiste pour renverser la bourgeoisie, mais nier les classes sociales et le capitalisme pour demander un changement d'attitudes. Voilà qui est très exactement une démarche contre-révolutionnaire, d'appui pratique à la dispersion, à la confusion.
L'antispécisme est une contribution à la machine aux illusions développée par le capitalisme pour se protéger de la rébellion inéluctable qui va se lancer contre lui. C'est une utopie réactionnaire, qui vise à renforcer dans les masses la considération que le capitalisme est réformable, adaptable à des considérations morales.
C'est une négation de la réalité capitaliste, fondée sur le taux de profit et sa chute tendancielle inexorable, avec la tendance à la guerre et au fascisme faisant partie de la matrice de l'impérialisme.
Il y a ici un parallèle tout à fait net entre le succès de Marine Le Pen et cette dynamique petite-bourgeoise antispéciste. Il s'agit de réponses irrationelles, fruit de la décomposition de la vie politique française dans une société bourgeoise en pourrissement, en voie de dépolitisation totale.
Deux personnes font ici office d'agents de la réaction : Yves Bonnardel et Aymeric Caron. Le premier est le principal idéologue des Cahiers antispécistes, un courant qui dans les années 1990 existait à la marge du mouvement autonome, sur la base d'un individualisme forcené tentant de renouveler les considérations moralistes bourgeoises du XIXe siècle, notamment celles de Jeremy Bentham et de son utilitarisme.
Le second est bien connu médiatiquement et fait désormais office de bellâtre dans le mouvement antispéciste tout à fait poreux à une fascination régressive et la croyance en des progrès miraculeux par la force de la conviction, de l'esprit, de la morale, etc.
Là est la force d'ailleurs de l'antispécisme : prétendre de très nombreuses choses, avoir l'air suffisamment nouveau pour n'avoir aucun compte à rendre, nier la réalité politique et économique pour se donner une image révolutionnaire, être porté par des femmes exprimant un rejet du patriarcat et de l'horreur infligée aux animaux mais n'ayant aucune connaissance idéologique, politique et historique.
L'antispécisme prétend d'ailleurs que le monde bouge, diffusant des illusions sur la réalité impérialiste d'un capitalisme à l'agonie, entraînant toujours plus d'exploitation et de guerre. Les femmes, prisonnières de leur dépolitisation, tombent dans le piège. Elles travaillent à une cause qu'elles savent justes, mais leur activité n'est pas consciente. Elles se sont manipulées par une fausse radicalité petite-bourgeoise.
On a ici un véritable hold-up et il est tout à fait révélateur qu'à la conférence de la Veggie Pride hier, les conférenciers étaient pratiquement tous des hommes, alors que la cause animale est portée à 90% par des femmes !
Les porte-paroles et les théoriciens, les cadres et les responsables, restent des hommes de manière très significative, alors que leur part dans le mouvement est tout à fait minoritaire. Cela en dit long sur la nature de classe de ce mouvement. L'engagement se perd dans les méandres de l'irrationalisme, laissant la voie ouverte aux hommes et aux femmes ayant eu un parcours universitaire ou institutionnel conséquent.
L'antispécisme est – c'est son aspect principal – un irrationalisme, un courant anti-matérialiste. Le matérialisme dialectique considère que l'Univers est éternel et infini, que la matière est en développement et, à ce titre, la matière vivante est un développement complexe, avancé. A ce titre, il mérite toute sa dignité.
La dignité du réel n'est, cependant, pas ce qui intéresse l'antispécisme. Son but est de nier la réalité matérielle des êtres humains, afin de prétendre que ceux-ci disposeraient du libre-arbitre. L'antispécisme défend la conception d'un choix individuel, afin de protéger le capitalisme des attaques matérialistes.
L'antispécisme considère que les individus existent en tant que tels et pensent, là où le matérialisme affirme que les individus sont déterminés et ne sont qu'une composante d'un grand tout qui est la biosphère, c'est-à-dire la vie s'étant organisée dans un grand ensemble sur la planète Terre. L'antispécisme est l'ennemi juré d'Aristote, Avicenne, Averroès, Spinoza, Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong.
Si le véganisme peut avoir une justification, c'est uniquement dans le cadre du communisme, comme généralisation de l'avancée de la matière vers plus de complexité. Les êtres vivants méritent davantage de dignité que la matière moins développée et de toutes manières tout est inter-relié dans le mouvement général de la réalité. Le réchauffement climatique rappelle de manière formelle cette réalité matérialiste dialectique.
L'antispécisme va à l'opposé du matérialisme dialectique, il se pose comme nouvelle religion visant à élargir le concept d'individu, à renforcer le champ du libre-arbitre et la prétendue liberté face à toute détermination. Il entend accorder une âme aux animaux, alors que le matérialisme dialectique affirme que les êtres humains sont eux-mêmes des animaux.
Là est la clef idéologique : l'antispécisme est, au fond, un anti-matérialisme. Il trompe les gens cherchant à défendre les animaux, qui ratent alors ce qui devrait être leur cible : le capitalisme.
L'antispécisme est, comme les idéologies antiracistes et antisexistes de la bourgeoisie moderniste, un moyen de ne pas se confronter à la réalité et de chercher à aller à la révolution.
L'antispécisme prétend changer les choses sans révolution, de manière bon enfant, et il est tout à fait dans l'ordre des choses que Nuit debout ait eu pendant toute son existence parisienne une commission antispéciste : on est ici au coeur du socle social de cette tendance petite-bourgeoise à prétendre un changement radical sans révolution.
L'antispécisme est, en pratique, soit apolitique, soit d'esprit anarchiste. Il prétend réformer la société sans révolution. Il fait de l'individu son sujet de l'histoire. Tout cela est le reflet de sa nature petite-bourgeoise.
L'antispécisme ne vise pas à la défense des animaux, mais utilise ceux-ci comme prétexte pour une dénonciation idéaliste de la société, afin d'appuyer des aménagéments qui rendraient celle-ci plus humaine, c'est-à-dire permettant le maintien de l'existence de la petite-bourgeoisie.
Cette dernière n'étant pas une classe, mais une couche sociale temporaire se formant lors du développement des forces productives et disparaissant avec la crise générale du capitalisme, l'antispécisme ne pourra jamais être une idéologie cohérente, son ossature ne sera jamais autre chose que des carriéristes, des opportunistes, des commerçants, des gens ayant besoin d'un faire-valoir.
Il ne sera jamais autre chose qu'une mode passagère, d'ailleurs largement appuyée depuis plusieurs mois par l'ensemble de la presse people et féminine.
Les gens qui aimeraient véritablement défendre les animaux doivent comprendre le vide que représente l'antispécisme, le piège qu'il forme. L'installation de l'antispécisme dans le paysage français, aussi simple, doit leur faire comprendre que le capitalisme apprécie tout à fait une telle voie de garage, qui ne dérange nullement les profits des monopoles utilisant les animaux. Il n'y a pas de spécisme, il n'y a que le capitalisme pour qui tout est marchandise et donc les animaux aussi.
Seule la classe ouvrière, qui est la seule classe authentiquement révolutionnaire, porte en elle la suppression de l'exploitation, et donc de toutes les oppressions qui ne sont qu'une superstructure issue de la base économique de la reproduction de la vie réelle.